Du droit de ne pas naître est un ouvrage originellement prévu pour une publication sous la forme d'articles dans la revue politique Le Débat ; il analyse le cas juridique devenu très célèbre de l'affaire Perruche. Il est donc divisé en deux parties distinctes signées l'une par Olivier Cayla, l'autre par Yan Thomas, tous deux étant directeurs d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales. Plus spécifiquement, O. Cayla enseigne la théorie des normes, notamment en faisant se confronter philosophie et jurisprudence, tandis que Y. Thomas s'intéresse à l'évolution du droit à travers l'Histoire afin de mettre en lumière son unité. Ces deux démarches se retrouvent finalement dans la façon dont chacun des auteurs Du droit de ne pas naître traite la question.
L'objectif de l'ouvrage est double : dans la première partie intitulée « Le droit de se plaindre. Analyse du cas et de l'anti-cas Perruche », O. Cayla tente de démontrer qu'au-delà du débat polémique autour de l'arrêt Perruche il existe bel et bien une division de fond entre les partisans du perruchisme et ceux de l'antiperruchisme. Il faut comprendre la teneur philosophique de l'opposition avant de vouloir condamner ou soutenir l'un ou l'autre camp. Y. Thomas, lui, veut, dans ce qu'il intitule « Le sujet concret et sa personne. Essai d'histoire juridique rétrospective », resituer l'affaire dans une évolution et un contexte juridique qui permettent de définir réellement ce qu'est et n'est pas l'arrêt Perruche. Finalement, il s'agit pour les deux auteurs de nous faire dépasser la polémique stérile, parce que bien souvent résultant d'incompréhensions de parts et d'autres, en nous faisant appréhender l'affaire Perruche dans sa réalité philosophique et juridique, nous rendant ainsi en mesure de nous forger une opinion, sinon juste, du moins pleinement consciente.
[...] Il assimile ainsi le droit moderne à l'antique droit romain et y oppose le droit chrétien qui chronologiquement s'interpose. Le droit romain, tel qu'il se présentait avant sa christianisation, établissait une distance entre l'être humain (donné biologique) et la personne (représentation juridique). Dans la conception antique, on pouvait donc être un homme sans être nécessairement une personne, ce qu'illustre parfaitement l'exemple connu du statut de l'esclave romain. Avec l'influence chrétienne, la notion de personne évolue: le christianisme en effet défend l'idée selon laquelle la personnalité est intrinsèquement liée à l'humanité ; elle est le principe unificateur qui fait du composé corps et âme un homme. [...]
[...] Il s'attache alors à démontrer que, loin de constituer une rupture réelle, l'arrêt Perruche renoue avec une tradition juridique remontant au droit romain. À la lumière d'une étude historique de la jurisprudence, Thomas prouve ainsi que la décision de la Cour de cassation ne porte en rien atteinte au droit dont elle n'est qu'une expression logique. À son tour, Y. Thomas revient sur la distinction entre causalité naturelle et juridique. L'argument antiperruchiste visant à nier le lien de causalité existant entre la faute du médecin et le préjudice de l'enfant est absurde si on le considère dans la perspective juridique : il est évident que l'erreur de diagnostic n'a pas causé le handicap. [...]
[...] D'autre part, il ne faut pas confondre le fait de naître avec celui de naître handicapé. Parce que justement les antiperruchistes écartent cette distinction, la controverse qui en résulte est faussée, car elle se pose autour de la question du droit à ne pas naître qui n'a en réalité pas lieu d'être. La Cour de cassation n'a pas institué de droit à ne pas naître implicite ou non –Thomas insiste sur ce point-, pour la bonne raison que ce qu'elle a accepté de faire indemniser ce n'est pas le préjudice d'être né, mais le handicap résultant du fait que l'individu soit effectivement né. [...]
[...] Ce qui amène inévitablement au débat sur la notion de qualité de vie. En choisissant ou non d'avorter, la mère porte en réalité un jugement sur la qualité de vie de l'enfant à naître. Ainsi, si l'on refuse cette mesurabilité de la valeur de la vie, on refuse nécessairement la liberté de l'avortement ; tandis qu'en défendant ce droit d'avorter, on accepte implicitement qu'il puisse y avoir un jugement subjectif quant à la qualité de la vie et donc d'une certaine manière, un eugénisme. [...]
[...] Cayla analyse parfaitement la portée philosophique de l'antiperruchisme, et il a bien sûr raison lorsqu'il montre combien celui- ci s'oppose en réalité à la conception moderne des droits de l'homme. Mais il aurait peut-être été plus pertinent de conserver le même détachement que Thomas dans son exposé de la situation : oui, l'antiperruchisme est antimoderne, cela signifie-t-il pour autant nécessairement qu'il soit foncièrement mauvais ? La pensée moderne est-elle la seule pensée juste ? Après tout, la théorie des droits de l'homme et du contrat social (selon les termes de Cayla lui-même) est une théorie et non une vérité à laquelle on serait forcé d'adhérer sous peine d'être irrationnels. [...]
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