Pour certains auteurs, tels que Serge PETIT , les origines de la voie de fait sont très anciennes, pouvant même être remontées à la jurisprudence de l'Ancien Régime. D'après Claude GOYARD , il est possible de distinguer deux périodes sur la voie de fait. Il s'agit en premier lieu de l'apparition de la « notion de la voie de fait » qui entre en vigueur avec le régime de garantie des fonctionnaires prévu par l'article 75 de la Constitution du 22 Frimaire de l'an VIII. A cette époque, les poursuites contre les fonctionnaires ne pouvaient se pratiquer qu'à l'obtention préalable d'une autorisation du Chef de l'Etat en Conseil d'Etat. Toutefois, dans la pratique, en cas de faute lourde, personnelle et détachable de la part du fonctionnaire, il n'avait pas lieu d'appliquer cet article 75 car il s'agissait d'une voie de fait, la voie de droit ne pouvant s'appliquer ici. Ainsi dans l'affaire Lassere du 2 Août 1836, la Cours de Cassation a estimé que « L… n'a pas pu être protégé par l'article 75 de la Constitution de l'an VIII parce qu'il ne s'agissait pas d'un acte qui rentrait dans les attributions du maire, mais d'une voie de fait. » L'autre période pour Claude GOYARD naît lorsque le principe de la voie de fait se transforme en une véritable théorie autonome. Cet intervalle arrive à la suite de l'abrogation de l'article 75 de la Constitution de l'an VIII en 1870 et le mouvement jurisprudentiel qui suit l'arrêt Pelletier du Tribunal des Conflits le 30 Juillet 1873. Ce dernier distingue les faits personnels non protégés, détachables de la fonction, renvoyant donc à la juridiction judiciaire, et les actes d'administration qui bénéficient du privilège de juridiction, ce qui renvoie à la juridiction administrative. Par la suite, il faut noter que le mouvement jurisprudentiel de la voie de fait va s'accélérer, notamment suite à l'affaire Action Française jugé par le tribunal des conflits en 1935, ce qui va donner à la fois la forme actuelle de la voie de fait mais aussi un élargissement et des précisions concernant la notion.
Aujourd'hui, la voie de fait équivaut à une atteinte par l'administration à une liberté publique ou à un droit de propriété immobilière ou mobilière par une irrégularité particulièrement manifeste, et ceci au cours d'une activité matérielle, tel qu'un acte administratif unilatéral qui est appliqué. Dès lors, pour y remédier, les tribunaux judiciaires sont là pour garantir l'état des personnes, les libertés individuelles et la propriété dont ils en sont exclusivement compétents (art. 136, C. pr. pén.). Pour pouvoir juger ces cas particuliers, les tribunaux judiciaires disposent, outre l'article 66 de la Constitution, de multiples jurisprudences réunies sous forme de théories comme la théorie de l'emprise, qui concerne la prise de possession par l'administration d'une propriété immobilière, ou encore de la voie de fait. Cette implication des juridictions judiciaires dans un cas administratif est l'un des attraits de la question de la voie de fait, avec son interprétation. Or depuis la loi du 30 Juin 2000, un nouveau procédé est apparu, visant à remplacer la voie de fait. Il s'agit du référé-liberté. Ce type d'invocation permet au juge des référés administratifs d'ordonner les mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une collectivité publique ou un organisme chargé d'une mission de service publique, aurait porté une atteinte grave et manifestement illégale dans l'exercice d'un de ses pouvoirs (cf. C.just.adm., art. L. 521-2).
Nous allons donc ici nous demander dans quelle mesure le référé-liberté remplace, voire rend caduc la théorie de la voie de fait.
Afin d'apporter des réponses circonscrites à ces questions, il conviendra dans une première partie d'observer comment s'est pratiquée de la voie de fait (I) avant enfin dans une dernière partie, de voir ce que change le référé-liberté (II).
[...] Ainsi le tribunal des conflits a sanctionné récemment l'administration car en s'abstenant de restituer un passeport, elle a commis dans les circonstances de l'affaire, une voie de fait. (TC Nov préfet de Police/TGI Paris, AJDA p234). Conclusion Tout au long de cette comparaison entre la voie de fait et le référé- liberté, nous avons tenté de montrer ce que chacune des procédures apportaient, notamment l'action qu'elles ont dans la protection des libertés fondamentales, avant d'aboutir sur le fait que la théorie de la voie de fait aurait tendance à disparaître. Cela soulève deux conséquences et une interrogation. [...]
[...] La voie de fait est dès lors constatable. Toutefois, il est à noter que les actes réunissant les conditions susnommées peuvent perdre leur caractère de voie de fait s'il s'agit d'un cas d'urgence. Alors les mesures deviennent simplement illégales. Ainsi dans l'affaire de Dame de la Murette, (TC mars 1952, Dame de la Murette, D. 1954-291) le juge a estimé qu'il appartient à l'autorité judiciaire gardienne de la liberté individuelle de statuer sur les conséquences de tous ordres des atteintes arbitraires à cette liberté, celles-ci ayant par elles-mêmes le caractère d'une voie de fait, sauf circonstances exceptionnelles. [...]
[...] Le référé-liberté, contrairement à la voie de fait qui est confiée au juge judiciaire, demande une saisine de la juridiction administrative. Cela lui confère un pouvoir de contrôle avec célérité (le juge des référés doit normalement statuer dans les 48 heures suivant la demande), alors qu'avant la loi du 30 Juin 2000, le juge administratif ne possédait qu'un pouvoir d'indemnisation et de correction face à l'administration. Il était alors tout à fait dépourvu de moyens pour contrarier les effets d'une décision illégale, surtout celle qui attentait les droits fondamentaux des destinataires. [...]
[...] En effet, l'acte juridique non exécuté ne peut pas constituer une voie de fait. Ensuite il faut une atteinte à un droit de propriété mobilière, immobilière ou à une liberté fondamentale Action française avr atteinte à la liberté de la presse). Enfin une irrégularité particulièrement grave est nécessaire. Elle peut surgir sous deux formes différentes. D'une part elle peut se produire dans l'acte juridique lui-même, indépendamment des conditions d'exécution, pourvu que celle-ci ait lieu. Dès lors la voie de fait apparaît s'il est manifestement insusceptible de se rattacher à l'exercice d'un pouvoir appartenant à l'administration Carlier nov RDP, 1950-172, Conclusion GAZIER)[4]. [...]
[...] L'autre période pour Claude GOYARD naît lorsque le principe de la voie de fait se transforme en une véritable théorie autonome. Cet intervalle arrive à la suite de l'abrogation de l'article 75 de la Constitution de l'an VIII en 1870 et le mouvement jurisprudentiel qui suit l'arrêt Pelletier du Tribunal des Conflits le 30 Juillet 1873. Ce dernier distingue les faits personnels non protégés, détachables de la fonction, renvoyant donc à la juridiction judiciaire, et les actes d'administration qui bénéficient du privilège de juridiction, ce qui renvoie à la juridiction administrative. [...]
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