Longtemps, l'administration s'est contentée d'intervenir dans un domaine purement matériel. Le droit positif reconnaissait la possibilité de défendre un ordre public moral, comme dans le cas de fermeture de maisons clauses, mais uniquement dans la mesure où ces comportements « immoraux » risqueraient de causer un trouble matériel. Néanmoins, la jurisprudence a progressivement admis que des valeurs telles que la moralité publique ou la dignité humaine devaient intégrer l'ordre public pour permettre leur protection effective par l'administration.
L'imminence d'un trouble matériel, si infime soit-il, semble la condition minimale à l'intervention de la police. Il convient donc de se demander comment, en interprétant de manière extensive la notion d'ordre public, le juge a permis à l'administration d'intervenir dans la protection de la moralité et de la dignité humaine.
[...] Par exemple, le ministre de la Culture s'est vu attribuer le pouvoir d'interdire la projection de films à raison de leur immoralité (violence, pornographie, etc.), par l'ordonnance du 3 juillet 1945. De même, le maire usant de son pouvoir de police spéciale en matière de domaine public est compétent pour interdire certains évènements portant atteinte au caractère ou à la signification de monuments publics (CE juillet 1993, Association Laissez-les vivre). Le Conseil d'État a finalement reconnu, par la décision Films Lutécia du 18 décembre 1959 que l'ordre public comprenait outre ses composantes matérielles, la moralité publique En l'espèce, le maire de Nice a été autorisé à interdire la projection d'un film autorisé par le ministre de la Culture sur le territoire de sa commune, en raison de son caractère immoral et des circonstances locales. [...]
[...] Aussi, la moralité publique a été complétée par une notion plus personnelle, la dignité humaine. La dignité humaine est une notion issue de l'après-guerre, en réaction aux exactions commises contre les civils lors de la Seconde Guerre mondiale. Elle a été progressivement protégée par les Traités internationaux (Convention européenne de Sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, du 4 novembre 1950 qui interdit tout traitement inhumain ou dégradant Pacte international des Droits civils et politiques, qui la vise expressément). [...]
[...] L'administration aurait pu, selon la jurisprudence Morsang-sur-Orge, qualifier n'importe quel comportement de déviant et l'interdire au nom de la dignité humaine. Par exemple, par la décision Commune d'Arcueil, du 8 juillet 1997, le Conseil d'État annule l'interdiction sur le territoire de la commune de publicités en faveur de messageries roses , au motif qu'aucun trouble réel ne pouvait résulter de ces affichages. À l'inverse, le juge a pu confirmer l'interdiction d'un sex-shop à proximité d'un établissement dédié à la jeunesse, dans la mesure où la signature d'une pétition par de nombreux habitants de la commune établissait une menace de trouble à l'ordre public (CE juin 2005, Commune de Houille). [...]
[...] Il ressort de l'arrêt Morsang-sur-Orge qu'aucune proportionnalité n'est requise en matière de protection de la dignité humaine. D'une part, par cette protection l'administration porte atteinte au respect de la vie privée, de la liberté individuelle (Article 1er DDHC), et d'autre part, la police n'est pas limitée dans son intervention. Le risque d'excès qui résultait des décisions Lutécia et Morsang-sur-Orge a amené le juge à privilégier à nouveau des critères matériels. Concernant la moralité publique l'autorité investie du pouvoir de police devait invoquer des circonstances locales particulières de nature à justifier son intervention. [...]
[...] Ordre public, moralité publique et dignité humaine L'ordre public, au sens de la police, est l'ordre matériel et extérieur considéré comme un état de fait opposé au désordre Maurice Hauriou, célèbre juriste du début du XXe siècle présente l'ordre public comme un ensemble de valeur strictement matériel. L'ordre est ainsi défini de manière assez équivoque, et prendra donc de nombreuses acceptions tout au long du XXe Siècle. Si tangible soit-elle, cette notion d'ordre public est d'une importance cruciale pour l'administration, dans la mesure où elle justifie l'intervention du pouvoir de police administrative. [...]
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