La fonction publique de l'État est à l'image d'une machine de haute technologie : grande est son efficacité mais fragile est sa mécanique.
En tant que « technicien » exécutant de cette machine Étatique, le fonctionnaire est traditionnellement comparé à un rouage dont la bonne incorporation dans l'ensemble conditionne l'exécution harmonieuse de ses tâches. L'articulation des différents services de la fonction publique et leur coopération sur des projets d'ensemble rend en effet obligatoire à tous les niveaux, une soumission des agents à l'autorité politique et hiérarchique. Mais cette doctrine techniciste très en vogue jusqu'à la fin des années 70, ne saurait plus convenir à l'heure Européenne alors que l'État cherche à « humaniser » sa fonction publique et à mettre en place la transparence de ses activités.
[...] Dérivé du principe de neutralité du service public, le fond du concept n'a jamais beaucoup changé et a toujours traduit une certaine crispation de l'administration face à la liberté d'expression de ses agents, censure plus nette encore lorsque le propos tenu concernait une politique sensible du gouvernement. Il avait été en effet jugé à propos d'un employé du Génie à Tunis que ses propos tenus en public étaient trop critiques envers la politique du gouvernement Bouzanquet janvier 1935). Le juge administratif avait par la suite étoffé et élargi la notion pour lui permettre une meilleure adaptation à l'évolution des affaires : il avait ensuite été estimé que des propos diffamatoires tenus hors service et sanctionnés pénalement étaient des manquements à l'obligation de réserve (CE Touré Alhonsseini février 1953). [...]
[...] Pour revenir brièvement sur les critères d'appréciation dégagés par le Conseil d'État, il est important de rappeler que selon la nature des fonctions et la place du fonctionnaire dans la hiérarchie administrative, son comportement puisse faire l'objet d'un contrôle dans le cadre et en dehors de ses fonctions. Cette dernière idée montre bien l'étendue du contrôle de l'administration et fait du concept de liberté d'opinion, un concept finalement très relatif Un concept en contradiction avec la modernisation doctrinale de l'administration. Dans une perspective moderniste, le concept d'obligation de réserve apparaît comme le vestige d'une époque où l'administration entretenait le secret sur une partie de ses activités. Cette conception peut-elle encore cohabiter avec la modernisation doctrinale engagée par l'État ? [...]
[...] (CE Bodaert juin 1956) On voit donc bien au travers de ces quelques exemples de jurisprudence que l'obligation de réserve est un concept que l'on peut qualifier d'ancien mais qu'au vu du nombre de gouvernements qui se sont succédés depuis sa création, c'est un concept remarquablement stable et assez paradoxalement indépendant de toute tendance malgré sa nature éminemment politique. Sa constante réaffirmation en fait un outil de stabilité du service public dont la logique voudrait qu'on l'inscrive noir sur blanc dans une norme législative. Mais cela reflète-t-il réellement la pensée du législateur ? Un concept absent de la norme législative On a donc établi que le concept d'obligation de réserve était une construction jurisprudentielle et qu'il avait fait l'objet d'une jurisprudence constante depuis sa création. [...]
[...] II) L'obligation de réserve, un principe de limitation voir de répression ? Dans cette seconde partie, il nous faut maintenant envisager l'obligation de réserve en nous demandant si au regard des libertés fondamentales reconnues aux fonctionnaires, cette obligation ne constitue pas une limite aux droits des fonctionnaires ( de nature à rendre inutile toute réforme ultérieure du statut de la fonction publique ? Un principe aux contours flou limitant les libertés reconnues aux fonctionnaires On a donc vu dans une première partie, que l'obligation générale de réserve était une construction jurisprudentielle qui, de par la volonté du ministre référant de l'époque, n'avait pas été portée dans la loi du 13 juillet 1983. [...]
[...] Vu les réformes majeures entreprises dans les années 80 sur le statut général des fonctionnaires et la libéralisation de ce statut, il aurait été logique que le concept soit explicitement affirmé dans une loi. Cela a-t-il été le cas ? Les textes de référence en la matière sont l'article 13 de l'ordonnance du 4 février 1959 portant statut général des fonctionnaires et la loi 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ( Loi Le Pors). Ce statut général affirme un certain nombre de droits et libertés reconnus aux agents de la fonction publique et notamment en son article 6 : "La liberté d'opinion est garantie aux fonctionnaires." renvoyant selon le ministre référant de l'époque, auteur de la loi, à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : "Nul ne doit être inquiété pour ses opinions pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi". [...]
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