Un projet de loi, baptisé "Anti-terrorism Act", fut déposé au Congrès des États-Unis quelques jours après les attentats. Il s'agissait d'un projet dense de cent vingt pages, comprenant des centaines de renvois. On peut donc légitimement douter que le texte ait réellement été rédigé à la suite de l'attentat, même si cela a certainement accéléré sa mise en place. L'"USA Patriot Act" est finalement voté le 26 octobre 2001 à une majorité écrasante (98 voix contre 1 au Sénat, et 357 contre 66 à la Chambre des représentants). Le seul sénateur à s'y être opposé, Russel Feingold, a déclaré : “En vertu de cette loi, l'État fédéral peut fouiller dans la vie privée de n'importe quel citoyen au motif qu'il a travaillé dans la même entreprise, qu'il habite dans la même rue ou qu'il a voyagé dans le même avion qu'une personne sur laquelle la police mène une enquête.”
Le Patriot Act fut étendu par le “Military Order” du 13 novembre, puis suivi d'un projet de Patriot Act II en 2003. Nous ne pouvons également terminer ce panorama des mesures anti-terroristes sans quelques mots sur Guantanamo.
[...] L'interprétation très large de ce texte permet au Congrès d'intervenir sur les droits civiques des citoyens et rend virtuelle la liste de pouvoirs limitativement énumérés par les Pères fondateurs. Cette sur-fédéralisation législative créée un durcissement spectaculaire des peines fédérales (Violent Crime Control and Law Enforcement Act de 1994 a étendu la peine de mort fédérale a plus de 60 felonies, y compris le trafic de drogue, malgré un usage très parcimonieux seulement trois exécutions depuis 1963) et la criminalisation de comportements déviants, certains très mineurs (falsification de compteur kilométrique, par exemple). [...]
[...] Le régime de détention est également différent de celui des ressortissants nationaux. Dans le cas de ressortissants étrangers, l'Attorney general est autorisé par la Section 412 de l'Act à les placer en détention pendant sept jours sans motif, et “pour des périodes de six mois renouvelables indéfiniment, sans recours à un avocat” s'il estime que mise en liberté [de cette personne] est susceptible de mettre en danger la sécurité du pays ou d'une personne précise”. La personne détenue pourra faire une demande écrite auprès de l'Attorney General afin d'être relâchée. [...]
[...] Les informations recueillies sont ensuite filtrées par mots-clés. Ce réseau, surnommé "les grandes oreilles", permet à l'Agence de sécurité américaine (National Security Agency, NSA) de surveiller l'ensemble des communications internationales et d'échanger librement les informations obtenues avec les différentes agences gouvernementales. Pire encore, un rapport rédigé pour le Parlement européen en 2001 dénonce l'usage des informations à des fins commerciales sous couvert de sécurité publique et de lutte contre le terrorisme. Cela aurait été utilisé pour favoriser Boeing par rapport à Airbus pour passer un marché en Arabie Saoudite. [...]
[...] Plus clairement ces mesures échappent à tout contrôle judiciaire et suspendent ou suppriment le statut juridique des personnes concernées, qui se trouvent ainsi totalement entre les mains du pouvoir exécutif. Le Military Commission Order de Juin 2006 apporte des assouplissements, mais on est toujours loin des exigences du procès équitable. En outre, bien que démenties par le Patriot Act, les discriminations raciales envers les personnes d'origine arabe apparaissent ici assez clairement. Elles sont corroborées par les milliers de convocations envoyées à ces personnes pour se faire recenser et subir un interrogatoire, sans autre motif que le critère racial. [...]
[...] Des tribunaux spéciaux ont été créés sur ce modèle pour toute sorte de crimes, par exemple pour les violences conjugales, les malades mentaux Ce sont des problem-solving courts. Pour certains auteurs, il ne s'agit que de la résurrection du modèle de réinsertion des années 50-60 tant critiqué dans les années 70, associé à l'idée de droit thérapeutique permettant à l'individu d'être rééduqué, modelé et conditionné. Dérives À partir des années 2000, ces cours sont critiquées, accusées de produire une “cattle-call justice”. [...]
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