La gestion des situations de crise passe, dans la plupart des pays démocratiques, par un régime juridique particulier prévu pour un temps déterminé.
« L'état d'urgence peut être déclaré sur tout ou partie du territoire métropolitain ou des départements d'outre-mer, soit en cas de péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public, soit en cas d'événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique » dispose la loi du 3 avril 1955 en son article 1er.
Ainsi est prévue, en droit français, une situation juridique particulière, correspondant à des éléments factuels exceptionnels, dans laquelle les pouvoirs publics se voient dotés de compétences exorbitantes du droit commun pour une période limitée. Ce régime d'exception se distingue de l'état de siège, prévu à l'article 36 de la Constitution, et permet au gouvernement et à l'administration de résorber la situation de crise sans être entravés par la lenteur des procédures usuelles garanties aux citoyens à l'égard des mesures de police.
Ce type de dispositif, présent dans la plupart des pays européens, a été reconnu et encadré par la Convention européenne des droits de l'homme, en son article 15.
Cependant, mise en regard avec l'exigence constitutionnelle de maintien de l'Etat de droit, à savoir de la permanence des droits et libertés au profit des citoyens, l'applicabilité d'un tel dispositif a de quoi surprendre, voire inquiéter : comment la règle de l'état d'urgence peut-elle se concilier avec la garantie des libertés publiques ?
En effet, l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen fixe comme objectif à toute association politique « la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression. »
Par ailleurs, la Constitution française protège certains droits et libertés comme appartenant fondamentalement à l'individu : ainsi des libertés de l'esprit : liberté de pensée, de croyances, libre circulation des opinions ; comme des libertés matérielles : liberté de circulation, propriété individuelle, sécurité des personnes et des biens. Ainsi, dans l'Etat de droit, la liberté doit rester la règle et l'atteinte l'exception.
Mise en place à l'occasion des « événements d'Algérie » (selon l'euphémisme alors de rigueur), et avant la proclamation de la Ve République, la loi sur l'état d'urgence a été appliquée à cinq reprises depuis sa promulgation : trois fois dans le cadre du conflit algérien ; en 1985 sur le territoire néo-calédonien ; et dernièrement à la fin de l'année 2005 (du 8 novembre au 4 janvier) sur le territoire métropolitain en réponse aux « émeutes de Novembre 2005 », débutées le 27 octobre.
Ainsi la loi du 3 avril 1955 a pu être employée à très grande échelle, et pourrait l'être à nouveau. Dans une telle perspective, une question vient à se poser immédiatement : la loi encadre t-elle de manière suffisamment stricte les atteintes pouvant être portées par les pouvoirs publics aux droits fondamentaux ?
Une première partie s'avère nécessaire pour y répondre, afin de déterminer les conditions d'application des dispositions de l'état d'urgence, et d'éclaircir les circonstances de droit et de fait dans lesquelles des mesures de restrictions aux libertés fondamentales peuvent être prises (I). Une seconde devra s'attacher à examiner les libertés mises en danger et les mécanismes assurant leur sauvegarde, dans le but d'examiner la conformité des restrictions apportées aux libertés fondamentales garanties par la Constitution. (II)
[...] Les atteintes au droit de propriété sont temporaires : l'article 9 exige la restitution des armes réquisitionnées à leur propriétaire, en l'état où elles étaient lors de leur dépôt Ainsi, les tempéraments exprimés par la loi permettent surtout d'abstraire un cadre théorique général selon lequel la responsabilité et les devoirs de l'Etat n'ont pas disparu du fait de l'état d'urgence. Reste à leur garantir une effectivité. Un recours juridictionnel prévu mais inadapté Un recours juridictionnel particulier est instauré dans le cadre des mesures prises en exécution de l'état d'urgence. [...]
[...] Cependant, l'état d'urgence ne peut rester une simple initiative de l'exécutif pendant plus de douze jours : au-delà, le Parlement doit intervenir pour prorogation. Il fixe à cette occasion la durée définitive de l'état d'urgence (article qui n'a jamais dépassé les 12 mois (1955). Ainsi le peuple dispose par ses représentants d'un moyen de limiter l'étendue de la réduction de ses droits. La loi prorogeant l'état d'urgence pour trois mois le 18 novembre 2005 prévoyait la possibilité de la fin anticipée de l'état d'urgence, à la discrétion du Conseil des ministres, le gouvernement devant alors en rendre compte au Parlement. [...]
[...] Il a préféré s'en abstenir et a prononcé un non-lieu : le décret instituant l'état d'urgence aurait été absorbé rétroactivement par les dispositions législatives le prorogeant. Il étend ainsi de manière très arbitraire les effets de la ratification des ordonnances de l'article 38 à la loi de prorogation, sans qu'une explication juridique puisse y être apportée, puisque le but d'une loi de prorogation est de juger nécessaire l'extension des mesures pour une nouvelle période et non d'affirmer leur légalité pour les douze jours précédant la loi. [...]
[...] Cette mesure permet ainsi la constitution d'une commission consultative à l'échelle départementale, composée d'élus territoriaux, apte à réviser les sanctions administratives individuelles prises sur le fondement de la loi. Encore la loi ne précise-t-elle pas pourquoi la commission n'est que consultative et dans quelle mesure ses décisions sont exécutoires, laissant son organisation à la discrétion du gouvernement (décret en Conseil d'Etat). De fait, aucune de ces commissions ne sera instaurée en 2005, posant la question de l'effectivité de ce recours. Les mêmes personnes peuvent former un recours pour excès de pouvoir contre la décision visée à l'alinéa 1er ci-dessus devant le tribunal administratif compétent. [...]
[...] Ainsi, ce dispositif d'exécution très attentatoire aux libertés publiques fait peser des contraintes très importantes sur les citoyens. Est- il contrebalancé par des tempéraments et des voies de recours suffisantes ? Les tempéraments apportés aux restrictions et les voies de recours ouvertes au citoyen Des dispositions faiblement tempérées La loi prévoit elle-même des tempéraments à ses dispositions. Ainsi, l'assignation à résidence doit permettre à ceux qui en sont l'objet de résider dans une agglomération ou à proximité immédiate d'une agglomération. [...]
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