« Les prières de rues, c'est terminé » assurait le 16 septembre 2011 le ministre de l'Intérieur français, Claude Géant. Depuis une vingtaine d'années, faute de place dans les lieux de culte, près de 3 000 fidèles musulmans étaient contraints de prier sur le bitume, dans le quartier de la Goutte d'Or, situé dans le XVIIIe arrondissement de Paris. Désormais, en attendant l'ouverture d'un Institut des cultures d'Islam dans le quartier, ces fidèles vont pouvoir effectuer leurs prières dans une caserne désaffectée. Cette question pointe du doigt un problème plus vaste relatif à la conciliation entre d'une part, la liberté de religion qui permet à chacun de manifester sa religion et d'autre part, le maintien de l'ordre public ou encore le principe de laïcité, caractéristique de la République française.
Cette liberté de religion s'inscrit dans une perspective plus générale que le simple plan national, puisque d'importants textes internationaux tels que la Déclaration universelle des droits de l'Homme de 1948 ou la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (CESDH) de 1950 sont venus consacrer cette liberté. Il est particulièrement intéressant de se pencher sur l'interprétation de la liberté de religion par la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH). En effet, la jurisprudence de la Cour de Strasbourg en matière de liberté de religion démontre la difficulté pour les Etats de pouvoir assurer aux citoyens une liberté de religion pleine et entière.
[...] Néanmoins, dans son arrêt du 23 février 2010, Ahmet Arslan et autres contre Turquie, la Cour de Strasbourg a eu à se prononcer sur le sujet sensible du port de vêtements et couvre-chefs religieux dans l'espace public. En marge d'une de leurs cérémonies, les membres d'un groupe religieux turc défilèrent en 1996 dans Ankara vêtu de la tenue caractéristique de leur groupe, composée d'un turban, d'un salvar et d'une tunique, tous de couleur noire, et étaient munis d'un bâton. Ils furent arrêtés et placés en garde à vue, car certaines lois turques interdisaient le port de vêtement religieux. L'affaire fut portée devant la CEDH, qui condamna la Turquie. [...]
[...] La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme a pu mettre en exergue cette difficulté, notamment à travers sa jurisprudence. II- L'illustration jurisprudentielle de la difficulté pour les États de concilier la liberté de religion et d'autres impératifs. La liberté de religion entre souvent en concurrence avec d'autres impératifs. Qu'il faille la concilier avec la liberté d'expression ou avec l'ordre public ou la notion de démocratie la Cour européenne des droits de l'homme recourt toujours à la même technique : la marge nationale d'appréciation. [...]
[...] A Le problème de la conciliation de la liberté de religion avec la liberté d'expression. La protection des droits d'autrui fait partie des buts légitimes pouvant justifier une restriction à certaines libertés fondamentales. La CEDH a eu l'occasion de se prononcer sur l'opposition entre la liberté d'expression, protégée par l'article 10 de la CEDH, et la liberté de conscience, de pensée et de religion. L'arrêt fondateur en la matière est celui du 23 aout 1994, Otto Preminger Institute contre Autriche. [...]
[...] En France, l'exemple de l'affaire des caricatures de Mahomet débutée en 2005 constitue une parfaite illustration de ce phénomène : les auteurs de Charlie Hebdo, qui avaient repris les caricatures de Mahomet, ont été acquittés après les poursuites de la Grande Mosquée de Paris pour injure publique à l'égard d'un groupe de personnes à raison de la religion. Si cette affaire avait été portée devant la CEDH, l'arrêt rendu par cette dernière aurait été riche d'enseignement. Ainsi, certains États feront prévaloir la liberté d'expression sur la liberté de religion, d'autres États adopteront la position inverse. [...]
[...] La démocratie fait partie des valeurs consacrées par la CESDH. En effet, elle rappelle dans son préambule que les États parties à la convention réaffirment leur profond attachement à ces libertés fondamentales qui constituent les assises mêmes de la justice et de la paix dans le monde et dont le maintien repose essentiellement sur un régime politique véritablement démocratique ( ) En outre, la cour peut admettre une restriction à la liberté de religion pour la concilier avec l'ordre public. [...]
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