Lors de la présentation de son rapport annuel de 2008, Jean-Marie Delarue, contrôleur général des lieux de privation de liberté, comparait la sécurité à « un ogre jamais rassasié qui mange trop de droits de la personne ». Nommé en juin 2008 pour exercer un contrôle indépendant sur les prisons, locaux de garde à vue, dépôts de palais de justice ou hôpitaux psychiatriques, M. Delarue voulait illustrer par cette image forte le « déséquilibre entre les besoins de sécurité et les droits de la personne » constaté durant sa mission.
Est ainsi résumée en quelques mots la contradiction à laquelle est confrontée tout gouvernement démocratique : assurer la sécurité des citoyens tout en garantissant leurs droits les plus élémentaires, tels le droit d'aller et venir ou le respect de la vie privée. Cette équation périlleuse trouve son paroxysme dans l'institution de la justice, à la fois garante de la liberté individuelle selon l'article 66 de la Constitution, et répondant en même temps de la sécurité de la société tout entière en condamnant ceux qui enfreignent la loi.
La prison semble alors le lieu privilégié d'observation des priorités adoptées par une société donnée : sécurité ou liberté. L'ambivalence de la notion de sécurité vient complexifier le débat, dans la mesure où elle renvoie non seulement à l'état objectif d'une absence de risque ou de danger, mais aussi à un état subjectif, le sentiment de sécurité, dans lequel se trouve une personne qui pense se trouver à l'abri du danger.
Le discours politique jouant autant sur la réalité objective que sur les perceptions, la confusion environne souvent les problématiques liées à la justice et à la sécurité.
[...] Une telle confusion mène à l'illusion, car la prédiction pseudo-scientifique ne marche pas. Résultat : les libertés sont menacées, sans que la sécurité soit pour autant mieux garantie Le Conseil constitutionnel a eu l'occasion de rappeler l'exigence de proportionnalité entre la défense de l'ordre public et la protection des libertés individuelles avec la loi du 25 février 2008 sur la rétention de sûreté. Cette loi, qui vise à maintenir enfermés dans un centre socio-médico-judiciaire les détenus en fin de peine qui présenteraient des risques graves de récidive, a fait l'objet d'une saisine du Conseil constitutionnel par des parlementaires, sur le fondement de la violation de l'article 9 de la Déclaration des droits et de l'homme et du citoyen (DDHC) de 1789, selon lequel la liberté individuelle ne saurait être entravée par une rigueur qui ne soit nécessaire. [...]
[...] Delarue voulait illustrer par cette image forte le déséquilibre entre les besoins de sécurité et les droits de la personne constaté durant sa mission. Est ainsi résumée en quelques mots la contradiction à laquelle est confrontée tout gouvernement démocratique : assurer la sécurité des citoyens tout en garantissant leurs droits les plus élémentaires, tels le droit d'aller et venir ou le respect de la vie privée. Cette équation périlleuse trouve son paroxysme dans l'institution de la justice, à la fois garante de la liberté individuelle selon l'article 66 de la Constitution, et répondant en même temps de la sécurité de la société tout entière en condamnant ceux qui enfreignent la loi. [...]
[...] Au terme de cette réflexion, deux constats différents s'imposent. D'un point de vue historique d'abord, il semble que, ces dernières années, le versant judiciaire contre la sécurité», tend à s'effacer devant son versant de garante de la sécurité», après une évolution à long terme d'humanisation du traitement judiciaire, en vertu de laquelle les libertés individuelles avaient pourtant pu faire entendre leur voix contre le tout sécuritaire». Les vertus rémanentes de la relégation sont sans doute plus faciles à entendre pour une société que l'on dit apeurée et demandeuse de sécurité. [...]
[...] Une autre illustration de cette exigence de proportionnalité peut être trouvée dans la mesure de la garde à vue, qui fait débat aujourd'hui. Ainsi le Contrôleur général des lieux de privation de liberté s'est-il ému de l'habitude de demander aux gardées à vue de retirer leur soutien-gorge, officiellement pour les empêcher de se suicider : Cette habitude date d'une circulaire de 1963 et personne, au ministère de l'Intérieur, n'a pu me dire combien de femmes en prison se suicidaient effectivement à l'aide de leur soutien-gorge. [...]
[...] ) répond à une philosophie humaniste, selon laquelle la neutralisation ne peut être la seule réponse à l'insécurité dans une société civilisée. Dès 1821, Hegel relevait ce paradoxe qui fait de la peine un droit par rapport au criminel lui-même dans la mesure où elle l'honore comme un être raisonnable. Ce n'est pas le cas s'il n'est considéré que comme une bête nuisible qu'il faut mettre hors d'état de nuire Il apparaît alors que la justice, si elle doit en effet mettre hors d'état de nuire un délinquant pour assurer la sécurité de ses concitoyens, ne peut se contenter de le reléguer à l'écart de la société. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture