« Apprendre que la loi va changer, a changé, n'est plus source d'émotion » nous affirme Jean Carbonnier. Ce dernier, évoquant même une « intoxication juridique », souligne ainsi un phénomène marquant de ces dernières décennies : la judiciarisation de la société.
Cette intervention croissante du droit pour réguler le fonctionnement de la sphère sociale, est tant le produit de l'émergence d'un nouvel ordre économique que la conséquence historique des évolutions connues par le droit du fait de l'établissement d'une nouvelle constitution en 1958.
L'apparition des médias de masse, de la société de consommation, de la mondialisation de l'économie, l'apogée des droits dits de «seconde génération » sont autant de phénomènes qui, parmi d'autres, ont largement contribué l'inflation du droit.
Si au plan économique, le revirement libéral opéré dès le début des années 1980 a conféré une connotation pour le moins négative à ce concept d'inflation, qu'en est-il d'un point de vue juridique ? Il est certes vrai que la multiplication des sources de droit tend à rendre caduque la maxime selon laquelle « nul n'est censé ignorer la loi ». Pourtant, ne peut-on envisager cette judiciarisation dans une optique plus favorable?
[...] L' affaire du sang contaminé, la condamnation des producteurs de cigarettes (notamment aux Etats-Unis) et les procès intentés en France par les victimes de l'amiante sont autant d'exemple de l'intervention du droit, dans la régulation de l'espace médical. Cette démocratisation due à une judiciarisation de la société apparaît également au travers de l'évolution des rôles du Conseil d'Etat et de la Cour de Cassation. Ainsi, les lois du 31 décembre 1987 pour le premier et du 15 mai 1991 pour la seconde, confèrent à ces deux organes un rôle jurisprudentiel. [...]
[...] Jean Carbonnier, au sujet de la multiplication des vecteurs de communication, affirmait que la passion du droit se déchaîne en se vulgarisant Il s'agit bien d'une limite à la démocratisation permise par la judiciarisation de la société. Nous constatons ainsi une déformation du droit par les médias et par l'utilisation qui est en est faite par une évolution dans la production du droit Nous pouvons également évoquer cette vulgarisation du droit, en raison d'une multiplication des sources du droit. Il est indéniable que certains traités, inter- ou supra- nationaux, ont contribué à une meilleure protection des libertés individuelles. [...]
[...] Nous devons voir ici les effets de causes à la fois économiques et institutionnelles. Economiques, car au travers de la construction d'un espace juridique européen, mondial et l'émergence d'une société de consommation de masse, les sources et la demande de droit se sont multipliées. Dans la sphère juridique, l'apparition de cette société de droit s'explique amplement par la rédaction d'une nouvelle constitution en 1958, avec par la suite, un renforcement des rôles du Conseil d'Etat, de la Cour de Cassation et du Conseil Constitutionnel. [...]
[...] Toutefois, cette médiatisation du fait juridique n'est pas sans danger. En effet, cette communication participe certes d'une meilleure diffusion du droit, mais elle ne suffit pas à former une conscience juridique (Carbonnier) de la société. Nous ne pouvons nier que bien souvent, la télévision cherche davantage à montrer du spectaculaire (Outreau) qu'à inculquer des connaissances juridiques aux téléspectateurs II. Une accessibilité qui ne cache pas une certaine vulgarisation du droit 3 par les méfaits de la société de consommation (médias de masse) La société de consommation, en particulier au travers de l'apparition des médias de masse, contribue à une certaine vulgarisation du droit. [...]
[...] D'autre part, au cours des dernières décennies, les modifications des rôles du Conseil Constitutionnel, du Conseil d'Etat et de la Cour de Cassation ont eu un impact considérable sur la production du droit en France. La révision constitutionnelle du 29 octobre 1974 donne davantage de pouvoir au Conseil Constitutionnel : il peut désormais statuer sur la constitutionnalité d'une loi. De même, comme nous l'avons envisagé précédemment, les lois de 1987 et 1991 sur le rôle jurisprudentiel du Conseil d'Etat et de la Cour de Cassation, sont également une source de droit. Nous avons donc, avec l'évolution du rôle de ces trois organes judiciaires, une cause importante de l'inflation du droit en France. [...]
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