Cette semaine a été ponctuée par un nouveau débat sur la législation concernant l'Histoire. En effet, l'Assemblée nationale a adopté le 12 octobre 2006, à une très large majorité, la proposition de loi du groupe socialiste qui sanctionne la négation du génocide arménien, instituant les mêmes peines que celles de la loi Gayssot de 1990 (un an de prison et 45 000 euros d'amende). Le débat semble cependant loin d'être clôt : le Sénat pourrait se montrer plus réticent à l'adoption du texte, et certaines voix, du côté des députés, des juristes ou même des historiens s'élèvent contre. D'après le premier ministre, « ce n'est pas une bonne chose de légiférer sur les questions d'histoire et de mémoire ».
L'histoire et le droit ont été, et sont toujours, en étroite interaction, mais gardant néanmoins une distance plus ou moins grande selon les époques.
Depuis le Code civil de 1804 aux dernières polémiques sur le négationnisme, il est intéressant de voir comment le droit tente de respecter la liberté nécessaire à la recherche de l'historien, tout en contrôlant les excès possibles d'une telle liberté.
[...] L'historien est, depuis toujours, considéré comme un homme à part. Déjà Lucien (170 apr. J.-C.) le décrivait comme un homme d'indépendance, attaché à la franchise et à la vérité implacable et impitoyable (qui) ne doit se soumettre à aucune autorité, ne reconnaître aucun roi Si l'on a longtemps essayé de garder les domaines de l'Histoire et du droit séparés, il est indéniable que les deux disciplines sont liées. Carlo Ginzburg souligne que déjà les Grecs voyaient l'Histoire comme un art de la persuasion né devant les tribunaux Antoine Prost met l'accent sur les ressemblances dans la méthode qu'utilisent le juge et l'historien dans leur enquête, dans leur vérification des faits, dans la préoccupation constante de recherche de la vérité, dans la capacité nécessaire d'interprétation la plus objective possible. [...]
[...] Ils considèrent les lois mémorielles comme un frein au développement critique de l'histoire. Il serait selon eux préférable de combattre les négationnistes par des arguments historiques et non juridiques, les deux domaines étant différents. A l'époque du vote de la loi Gayssot déjà, le Sénat s'était opposé à cette loi sous prétexte qu'elle portait atteinte à la liberté d'expression de chacun, principe fondamental (Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789). Les lois mémorielles pourraient être un danger, car elles confient à la loi le rôle de déterminer ce qui est de l'ordre du normatif dans l'Histoire, elles présentent un risque d'extension à d'autres domaines avec le temps et permettent aux négationnistes de se montrer comme des martyrs victimes d'un complot et ne pouvant crier la vérité, les juges protégeant une vérité officielle plus consensuelle. [...]
[...] Alexandre Dumas déjà avait été accusé en 1865, mais la Cour de Paris se montra favorable à celui-ci au nom de la liberté d'expression. L'affaire Branly, dans laquelle le professeur Turpain est accusé d'avoir volontairement omis de citer Branly comme étant un des inventeurs potentiels de la TSF et lui causant ainsi un dommage, va introduire une nouvelle vision du rôle de la justice dans la démarche historique : si le juge ne peut pas juger les faits historiques, il va néanmoins pouvoir juger de la fiabilité de la méthode utilisée par l'historien pour arriver à ses conclusions. [...]
[...] II) L'évolution du droit au profit des juges ? Les difficultés de jugement de l'historien Si ce jugement de l'historien basé sur la méthode a pu sembler convenable à certains, d'autres y ont vu des failles. Pour Bernard Edelman, il est difficile de juger de la bonne foi d'un historien : comment savoir si celui-ci était sincèrement persuadé de dire la vérité ou s'il ne s'agit que d'une stratégie ? Pour la Cour de cassation, «l'abstention, même non dictée par la malice et l'intention de nuire, engage la responsabilité de l'auteur On voit là toute la complexité du jugement de l'historien : comment savoir si ses propos omettent consciemment certains détails ou s'il n'a tout simplement pas eu accès à toutes les sources ? [...]
[...] L'historien est décrit par le droit comme étant un enquêteur impartial, juste et objectif. La responsabilité juridique de l'historien L'historien, de par son rôle dans la mémoire collective, a une certaine responsabilité. Il est en premier lieu soumis à la même législation que tous les citoyens. Il peut être poursuivi pour diffamation, en vertu de l'article 1382 du Code Civil Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer Les poursuites engagées sur cette base contre les historiens sont les plus nombreuses. [...]
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