Nous nous attacherons ici à la confrontation de deux notions, qui nous le verront, peuvent apparaître fortement antonymiques. Il s'agit en premier lieu de la notion de famille, entendue d'un point de vue français. Autrement dit, de la définition que l'État français donne du terme de « famille » ainsi que de la portée qui lui est reconnue. Il s'agira en second lieu de confronter cette notion de « famille » à celle de « police des étrangers » sur le territoire français, qui est le terme employé s'agissant du contrôle de l'État français sur l'entrée, le séjour, mais aussi l'éloignement des ressortissants étrangers.
Concrètement, dans le cas d'un ressortissant étranger vivant sur le territoire français de manière régulière, il peut vite se poser la question de savoir si ce dernier est en droit de ramener sa famille auprès de lui. Un droit qui apparaît à première vue comme étant naturel. Quelle personne ne voudrait-elle pas que sa famille le rejoigne, parfois dans un seul sentiment de réunion familiale, afin de regrouper la famille dans un seul et même endroit, d'autres fois afin de faire échapper ladite famille à la dangerosité de la situation encourue dans son pays d'origine.
On pourrait ici prendre un exemple très significatif : celui des migrants afghans. Ces derniers affluent bien souvent en France eu égard à leur volonté de fuir leur État de guerre, dans lequel sévissent de nombreux attentats-suicides. Un pays hautement dangereux que la plupart des habitants tentent forcément de fuir. L'immigré afghan résidant sur le sol français aura incontestablement le souhait de faire sortir sa famille de cette misère incommensurable. Et il existe heureusement pour ces derniers, en droit international et en droit européen, un principe fondamental qui est celui du « droit de mener une vie familiale ».
Une liberté fondamentale que l'État français reconnaît lui aussi. Ce droit, consacré en tant que tel par un décret du 29 avril 1976 a en effet été érigé en principe général du droit par le Conseil d'État le 8 décembre 1978 dans l'arrêt Gisti, avant de recevoir valeur constitutionnelle en 1993, dans la décision du Conseil constitutionnel du 24 août.
Ce droit pour l'étranger de mener une vie familiale a donc indubitablement reçu une application en droit français, et une portée non moins importante. Il est toutefois à noter qu'en reconnaissant ce droit, le juge a bien pris soin d'y inclure une restriction, en atténuant ainsi lourdement la portée. Une restriction bien discrète, puisque résultant d'un simple ajout de terme à la notion initiale.
[...] En effet, de tout temps, il est apparu primordial pour un Etat de concilier intérêts privés et intérêt général. L'important étant de ne pas privilégier l'un au service de l'autre. Mais n'est-ce pas pourtant le cas de la France ? Il est malheureusement possible de répondre ici par l'affirmative. L'État français, malgré les efforts entrepris, semble privilégier ses intérêts étatiques au détriment des droits dits fondamentaux, et ce, dans le seul but de combattre toute immigration. Cette attitude se retrouve notamment dans la jurisprudence administrative. [...]
[...] Mais cette atteinte est-elle inévitable ? La souveraineté de l'Etat lui impose-t-elle, dans la défense de ses intérêts, de contrecarrer l'application du droit fondamental qu'est le droit de mener une vie familiale ? Nous sommes ici face à un contre balancement d'intérêts, les intérêts propres de l'Etat, lesquels concernent la défense de son territoire, et dont l'application ne peut découler que de la mise en œuvre de sa compétence exclusive en matière d'accès et de séjour sur son territoire ; et de l'autre côté, les intérêts inhérents à chaque homme, à savoir la reconnaissance des droits fondamentaux propres à chacun. [...]
[...] En effet, l'Etat français ne reconnaît pas le droit pour l'étranger de mener une vie familiale mais le droit pour l'étranger de mener une vie familiale normale Un ajout d'une importance considérable eu égard à l'opacité qu'il laisse sous-entendre. Car qu'est-ce qu'une vie familiale normale selon le gouvernement français ? Il est ainsi possible de dire que le droit français des étrangers s'est approprié ce principe. En en atténuant la portée, il a renforcé la défense de ses intérêts étatiques, et c'en était bien là la principale raison. [...]
[...] Cette affirmation ne définit pas réellement ce qu'il faut entendre par membres de la famille mais semble attribuer à cette notion une valeur primordiale, celle d'un droit naturel et fondamental, devant donc inéluctablement être garantie par les gouvernements. La Convention européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme ne comporte pas non plus de définition de ce terme, toutefois elle donne à ce dernier une portée significative en affirmant en son article 8 que toute personne a le droit au respect de sa vie privée et familiale Mais c'est surtout grâce à l'activité intensive de la jurisprudence européenne que la valeur juridique fondamentale de la famille a pu être élaborée. [...]
[...] Il est utile de préciser que l'Administration n'a pas une compétence liée dans ce domaine, de sorte qu'elle peut en principe accorder le regroupement familial, même si l'intéressé ne remplit pas les conditions requises, ce qui est bien évidemment très rare. Ces conditions varient selon le pays d'origine du ressortissant étranger. De manière générale, l'intéressé doit disposer des conditions matérielles qui lui permettront de mener, ce qui est considéré en France comme une "vie familiale normale". Ainsi, l'étranger qui fait venir sa famille en France doit y résider régulièrement, depuis au moins 18 mois. Un délai qui est passé de un an à 18 mois depuis la loi du 24 juillet 2006. [...]
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