État d'urgence, libertés fondamentales, loi du 3 avril 1955, loi du 19 décembre 2016, attentats du 13 novembre 2015, assignation à résidence, rétablissement de l'ordre public, guerre d'Algérie, loi du 30 octobre 2017, sécurité intérieure, lutte contre le terrorisme, article 34 de la Constitution, article L.2212-1 du Code général des collectivités territoriales, Conseil constitutionnel, Conseil d'État
"Les événements du 13 novembre ont rappelé de la façon la plus douloureuse qui soit que sans ordre public, il n'y a pas d'exercice possible des libertés les plus élémentaires, les plus simples, les plus joyeuses. L'état d'urgence ne doit toutefois pas faire oublier qu'au nom de l'ordre public, même pendant l'état d'urgence, les libertés ne peuvent pas être restreintes plus que ce qui est strictement nécessaire". Le maître des requêtes et rapporteur public au Conseil d'État Xavier Domino, en clôturant ainsi l'examen de renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité Cédric D au Conseil constitutionnel, résume parfaitement la complexité de l'équilibre qui doit être réalisé entre liberté et sécurité dans le cadre de l'état d'urgence.
En effet l'état d'urgence constitue, en France, un régime dérogatoire aux libertés fondamentales justifié par un contexte d'exception et accroissant de façon appuyée les compétences dévolues aux autorités administratives. Son régime est légal, issu de la loi du 3 avril 1955 relative au maintien de l'ordre en Algérie et dans ses dépendances, modifié par une loi du 19 décembre 2016. Son article 1 énonce ainsi que "L'état d'urgence peut être déclaré sur tout ou partie du territoire métropolitain, des départements d'outre-mer, des collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie, soit en cas de péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public, soit en cas d'événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique."
[...] Le juge administratif est donc habilité à agir dans l'urgence pour ordonner certaines mesures visant à empêcher l'atteinte à une liberté fondamentale. Il s'en sert déjà avant la mise en place de l'état d'urgence de 2015, dans un contexte terroriste suivant les attentats contre Charlie-Hebdo de janvier 2015 : c'est ainsi que, le 6 février 2015, dans l'ordonnance commune de Cournon-d'Auvergne, face au maire qui contestait une ordonnance précédente suspendant son interdiction d'un spectacle de Dieudonné, au contenu jugé antisémite et attentatoire à la dignité humaine, le Conseil d'État estime que le contexte local, suivant lequel une des victimes de l'attentat de janvier 2015 était originaire de la région, n'est pas nature à créer de risques de trouble à l'ordre public et rejette la demande. [...]
[...] Le Conseil d'État juge de la proportionnalité des mesures prises en application de l'état d'urgence L'évaluation de la proportionnalité des mesures prises dans un but protecteur de l'ordre public par le Conseil d'État est, sinon un rôle historique, au moins une prérogative plus ancienne que le contrôle a posteriori réalité par le Conseil constitutionnel. En effet, le juge administratif est depuis longtemps associé à la protection des libertés fondamentales puisqu'il est également associé à la protection de l'ordre public puisqu'il est amené à se prononcer sur les mesures éventuellement prises par les autorités administratives afin de protéger l'ordre public, notamment par les collectivités territoriales. [...]
[...] Les libertés fondamentales sont donc amputées de façon accrue à cause du contexte terroriste. Si l'on peut arguer que cette extension du champ d'application de l'état d'urgence n'a plus d'importance aujourd'hui puisque le pays est sorti de l'état d'urgence en revanche, premièrement, la loi n'a pas été abrogée : elle peut toujours être utilisée et donc couplée à cette interprétation jurisprudentielle constitutionnelle nocive pour les libertés. Deuxièmement, il est possible d'affirmer que le pays est face à une extension indéfinie de l'état d'urgence dans le temps. [...]
[...] Malgré ce maintien, les libertés fondamentales font malgré tout l'objet d'une amputation caractérisée. II) L'amputation caractérisée des libertés fondamentales dans le cadre de l'état d'urgence Si les libertés fondamentales sont malgré tout amputées dans le cadre de l'état d'urgence, c'est à la fois la faute d'une jurisprudence administrative et constitutionnelle qui se montre défavorable à ces dernières mais également à cause d'une extension de l'état d'urgence, tout autant défavorable Une jurisprudence administrative et constitutionnelle défavorable aux libertés fondamentales De façon générale, les juges constitutionnel et administratif, malgré leur rôle dans la protection des libertés fondamentales, ont adopté une jurisprudence globalement défavorable à ces dernières. [...]
[...] Ainsi l'arrêté pris par le maire de Villeneuve-Loubet interdisant le port du « burkini » sur les plages n'est pas proportionné au but de maintien de l'ordre public et porte une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales, en l'espèce d'aller et de venir et de conscience. Le contrôle de proportionnalité qu'effectue le Conseil d'État lorsqu'il se prononce en référé permet donc une réponse rapide quant à l'équilibre de la balance sécurité/liberté, et permet d'empêcher les atteintes aux libertés fondamentales qui sont particulièrement accrues dans le cadre de l'état d'urgence. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture