La première préoccupation des révolutionnaires était de mettre fin à l'arbitraire et de reconnaître à l'individu des droits subjectifs opposables au pouvoir. Or l'Etat de droit se définit précisément comme celui où l'autorité s'exerce conformément à des règles connues d'avance, et qui reconnaît aux citoyens des droits qu'ils peuvent faire valoir à l'encontre du pouvoir. De même, l'Etat de droit implique l'idée d'une limitation du pouvoir ; c'est aussi ce que recherchaient les révolutionnaires, qui voulaient abattre l'absolutisme.
Le terme Rechtsstaat (Etat de droit) apparaît chez les juristes allemands dans la deuxième moitié du 19e siècle et désigne un Etat où le pouvoir s'exerce dans le cadre du droit, en se soumettant lui-même à cet encadrement normatif. C'est à cette seule condition que l'on peut affirmer que l'arbitraire est alors exclu du pouvoir des gouvernants.
La revendication des droits de l'homme et la promotion de l'Etat de droit ne sont pourtant ni exactement concomitantes, ni parfaitement assimilables l'une à l'autre. La première, dans le prolongement des conquêtes de la Révolution française, s'est pendant longtemps plus préoccupée du contenu des droits que de leur garantie, tandis qu'à l'inverse la théorie de l'Etat de droit, construction doctrinale imaginée par les juristes, a surtout mis l'accent sur les aspects formels procéduraux de l'encadrement du pouvoir par le droit, insistant sur la hiérarchie des normes et le contrôle juridictionnel
Ce n'est qu'à partir de 1980, qu'ont resurgi avec force, et désormais étroitement entremêlées, les deux thématiques des droits de l'homme et de l'Etat de droit. L'Etat de droit, dans sa conception renouvelée, ne renvoie plus seulement au respect des droits fondamentaux, l'accent étant mis autant sur l'étendue des droits reconnus aux individus que sur les procédures susceptibles de les garantir : d'une conception formelle, on passe à une conception substantielle. Il en résulte une forme de consubstantialité entre les droits de l'homme et l'Etat de droit, les deux notions s'impliquant mutuellement au point d'apparaître comme indissociables : les droits de l'homme sont une dimension de l'Etat de droit, tandis que les droits de l'homme ne peuvent se concevoir ni avoir de réalité en dehors de l'Etat de droit. L'universalisation de la thématique de l'Etat de droit depuis les années 90 à la suite de la chute du mur du Berlin montre combien l'Etat est devenu le garant des droits de l'homme (I) mais il peut aussi parfois constituer une source de trouble pour les droits de l'homme (II)
[...] Il y a donc quelque chose de tautologique dans l'affirmation selon laquelle le droit et l'Etat de droit sont la garantie des droits de l'homme ; et même de mystificateur lorsque, à force de concentrer son attention sur l'encadrement juridique, sur le respect formel des normes, on perd de vue le contenu concret, la dimension politique et sociale des droits de l'homme. Les mécanismes de l'Etat de droit permettent de protéger les droits existants, ceux qui sont déjà inscrits dans les textes ; ils ne permettent pas d'élargir le champ des libertés, encore moins de faire émerger de nouveaux droits. [...]
[...] Le mirage du gouvernement des juges : une apparente opposition de l'Etat de droit et des droits de l'homme L'Etat de droit a besoin des juges, mais les pouvoirs qui leur sont conférés font surgir le spectre du gouvernement des juges. Les impératifs de l'Etat de droit peuvent donc entrer en conflit avec ceux de la démocratie, si le contrôle juridictionnel aboutit à substituer à l'arbitraire de l'administration et aux débordements du Parlement l'arbitraire du juge. Cette contradiction se manifeste de façon particulièrement aiguë à propos du juge constitutionnel : non seulement parce que ses décisions aboutissent à faire échec à la volonté générale exprimée par les représentants élus de la nation, mais parce que les normes de référence que le juge doit appliquer sont ici particulièrement floues. [...]
[...] En effet, un Etat ne saurait invoquer les dispositions de sa constitution pour se soustraire aux engagements qu'il a contractés sur le plan international. Certains Etats en ont tiré les conséquences : ainsi, la Constitution espagnole de 1978 proclame que les normes relatives aux droits fondamentaux qu'elle énonce devront être interprétées conformément aux conventions internationales. II) L'Etat de droit face à ses ambiguïtés Nous verrons dans cette partie les limites du lien entre l'Etat de droit et les droits de l'homme avant de nous pencher sur le spectre du gouvernement des juges Les limites du lien entre l'Etat de droit et les droits de l'homme Dans une perspective positiviste, les droits de l'homme n'acquièrent de valeur juridique qu'à condition d'avoir été reconnus et consacrés par la loi. [...]
[...] Les juridictions constitutionnelles sont confrontées à un dilemme important : si elles s'en tiennent à la lettre des normes constitutionnelles, leur contrôle est voué à être inefficace et inutile, dans la mesure où ces normes ne fournissent qu'exceptionnellement la réponse à la question posée ; si, à l'inverse, elles s'efforcent de donner vigueur à ces normes par une interprétation constructive elles s'exposent au grief d'arbitraire et à l'accusation de vouloir gouverner. Bibliographie M.M. Mborantsuo, Contribution des cours constitutionnelles à l'état de droit , Paris, Economica Michel Coutu Guy Rocher, La légitimité de l'état et du droit, Paris, Lgdj Jean-Paul Laborde, Etat de droit et crime organisé, Paris, Dalloz Daniel Mockle, Mondialisation et état de droit, Bruxelles, Bruylant André Barilari, Etat de droit, Paris, Lgdj Dominique Colas François Mitterrand, L'Etat de droit, Paris, Puf B. Mertz Kime, Etat de droit en accusation:quel avenir pour la démocratie P. Arsac J.L. [...]
[...] La revendication des droits de l'homme et la promotion de l'Etat de droit ne sont pourtant ni exactement concomitantes, ni parfaitement assimilables l'une à l'autre. La première, dans le prolongement des conquêtes de la Révolution française, s'est pendant longtemps plus préoccupée du contenu des droits que de leur garantie, tandis qu'à l'inverse la théorie de l'Etat de droit, construction doctrinale imaginée par les juristes, a surtout mis l'accent sur les aspects formels procéduraux de l'encadrement du pouvoir par le droit, insistant sur la hiérarchie des normes et le contrôle juridictionnel Ce n'est qu'à partir de 1980, qu'ont resurgi avec force, et désormais étroitement entremêlées, les deux thématiques des droits de l'homme et de l'Etat de droit. [...]
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