Le concept de « populisme pénal » est apparu récemment. La notion est née tout d'abord aux Etats-Unis puis a été importée en France, principalement sous la plume de Denis Salas, magistrat et essayiste, auteur de La volonté de punir, essai sur le populisme pénal (Hachette Littérature, 2005).
Le populisme est une attitude politique qui consiste à s'appuyer sur le peuple contre les élites politiques et à bâtir un discours sur l'émotion plutôt que sur la raison. Le populiste fait appel aux sentiments du peuple, il essaye de toucher, de créer une vive émotion qui masquera la vacuité du fond de son discours. A tout problème politique nécessairement complexe, le populiste oppose une solution simple, simpliste, unique dont la majorité du peuple pourra se saisir facilement, sans trop développer son sens critique.
Dans son acception pénale, le populisme exacerbe le besoin de sécurité de l'opinion publique et apporte à ce besoin de sécurité des réponses punitives fortes, dont la teneur remet souvent en cause les fondements mêmes du droit pénal. Le populisme pénal peut être vu comme une entreprise politique qui vise à manipuler l'opinion pour accentuer le sentiment de peur et ainsi asseoir l'autorité des hommes politiques qui tiennent un discours très répressif. Une autre thèse, développée par Denis Salas, tend à montrer que le populisme pénal n'est pas forcément le fait des hommes politiques mais qu'il naît au sein de la société démocratique, qu'il en ait une de ses pathologies. Ainsi, pour Denis Salas, le populisme pénal « naît de la rencontre d'une pathologie de la représentation et d'une pathologie de l'accusation : réduite à une communauté d'émotions, la société démocratique sur-réagit aux agressions réelles ou supposées, au risque de basculer dans une escalade de la violence et de la contre-violence » . Dans ce contexte, le peuple va opter pour des réponses répressives ; toute tentative d'explication sociologique de la délinquance ou tout appel à la mesure et à la retenue étant perçu comme un signe de faiblesse, voire de complicité à l'égard du crime.
Ainsi, il s'agira de montrer comment cette montée en puissance du populisme pénal vient remettre en cause les fondements de la logique carcérale française telle qu'elle a été pensée depuis la Révolution et la fin des enfermements arbitraires.
[...] L'après Seconde guerre mondiale, caractérisé par un élan humaniste et la découverte de l'horreur concentrationnaire est l'occasion de re-fonder le sens de la peine et de l'incarcération. L'école dite de la défense sociale en droit pénal, représentée en France par Marc Ancel, inspire très largement la politique pénale de l'après-guerre. Cette nouvelle politique se caractérise notamment par l'idée d'une prise en charge éducative des mineurs délinquants (ordonnance du 2 février 1945) et par la réforme pénitentiaire sous l'impulsion de M Amor, directeur de l'administration pénitentiaire, qui place comme mission principale de la prison, la réinsertion du délinquant dans la société une fois sa peine accomplie. [...]
[...] De façon plus grave pour les libertés fondamentales, le populisme pénal pousse également à transformer le rôle de la privation de liberté. D'un rôle de sanction, la privation de liberté passe progressivement à un rôle de prévention. Pour Denis Salas, l'effacement de l'individualité du délinquant conduit à détacher le délinquant de son acte pour ne plus voir à travers lui que l'expression d'un mal général, global, générateur d'une peur tout aussi globale conduisant à passer d'un système pénal de traitement de l'acte délinquant (la sanction d'une infraction) à un système pénal qui se veut préventif, dont la mission est de juguler tant bien que mal la délinquance et son expression la plus réprouvée, la récidive. [...]
[...] La France choisit finalement d'adopter les deux modèles : le modèle philadelphien pour les condamnés à de courtes peines et les prévenus (Maisons d'arrêt) et le modèle auburnien pour les longues peines (Centre de détention), afin de favoriser la préparation progressive à la sortie de prison. La loi du 5 juin 1875 introduit le principe de l'encellulement individuel. Toutefois, si ce principe est vu aujourd'hui comme un objectif primordial à atteindre au vu de la surpopulation carcérale, il est, à l'époque, pensé non comme un outil de bien-être du prisonnier ou de réformation morale de celui-ci mais plutôt comme un instrument d'intimidation. [...]
[...] tantôt, enfin, comme un lieu-étape pour le criminel en attente de sa réformation et de sa réinsertion au sein de la société. Le populisme pénal, en cultivant une attente sécuritaire exacerbée transforme en profondeur la logique carcérale en faisant de la prison la réponse primordiale au besoin de sécurité de la société. Ainsi, la prison voit son rôle social et institutionnel bouleversé. D'un lieu de mise à l'écart temporaire de la société tendant à favoriser la réinsertion du prisonnier, la prison devient un lieu de sécurisation de la société par l'enfermement de délinquants réels ou supposés. [...]
[...] D'après la thèse de Loïc Wacquant[10], la tendance actuelle de transformation de l'Etat européen d'un Etat providence vers un Etat pénitence est croissante. Il faut chercher cette inspiration dans un premier temps du coté des Etats-Unis et de manière plus générale d'une montée en puissance d'un nouveau libéralisme plus individualiste que jamais et par là forcément inégalitaire et méprisant d'une solidarité considérée comme source de trouble. Les néolibéraux attribuent généralement la montée de la pauvreté, de la criminalité et de tous les désordres sociaux à une trop grande générosité (ils parlent plus souvent de laxisme de certaines politiques pendant de nombreuses années, laissant ainsi le corps social se désagréger, dégénérer, plongeant ainsi dans l'assistanat et la violence, le désœuvrement et la misère (morale et intellectuelle, car finalement peu importe la misère matérielle L'Etat ne doit pas avoir pour rôle de palier la misère matérielle des populations, mais uniquement celui de les aider à sortir d'une misère dite alors morale. [...]
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