Droit, Droit public, libertés publiques, ordre public, liberté d'expression, DDHC Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, droit à l'information, droit de manifestation, ordre public matériel, ordre public immatériel, Maurice Hauriou, Gaston Jèze, Conseil d'État, arrêt Société Les Films Lutétia, valeur morale, valeur sociale, dignité humaine, principe de proportionnalité, CESDH Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme, arrêt Handyside, bonnes moeurs, délit d'outrage aux bonnes moeurs, immoralité, protection de la jeunesse, code pénal
Bien que la liberté d'expression soit un droit individuel, elle profite à la collectivité en garantissant la pluralité des opinions, permettant à chacun de se forger un avis propre. Par ailleurs, elle englobe tout un panel de droits perçus comme une manifestation particulière de la liberté d'expression tels que le droit à l'information, la liberté de manifestation, la liberté de communication, etc.
Il est aujourd'hui bien établi que l'ordre public constitue une restriction aux libertés, et notamment à la liberté d'expression, au même titre que la protection des intérêts d'autrui. Toutefois, il semblerait qu'à l'ordre public « matériel et extérieur » tel que défini par Maurice Hauriou, s'ajoute à présent un ordre public immatériel. En sus du développement des composantes traditionnelles de l'ordre public matériel, la jurisprudence a entendu inclure la notion de « moralité publique » dans l'ordre public.
[...] » Sous l'apparence de protection des mineurs, ce texte risque de n'être en réalité qu'une simple restauration déguisée du délit d'outrage aux bonnes mœurs, comme le montre le refus, en 1994, de nombreux libraires d'exposer dans leur vitrine un ouvrage de Jacques Henric Adorations perpétuelles. Il ne s'agit pas de la première fois où des dispositions destinées à protéger la jeunesse sont utilisées à d'autres fins puisqu'en 1970, l'ouvrage Eden, Eden, Eden de Pierrre Guyotat se vit appliquer le régime spécial des publications à destination des mineurs dont, a priori, il ne relevait pas. [...]
[...] Auparavant, la dégradation ou la destruction des drapeaux, symboles de la Nation et de la politique, constituait une infraction. À présent, le juge national, à l'instar de l'Allemagne, s'intéresse au « cœur expressif » de l'acte : si celui-ci est doté d'un intérêt de critique sociale et politique, il sera alors protégé par la liberté d'expression. À présent, il apparaît donc que seules la dignité de la personne humaine et la protection des mineurs font réellement partie de l'ordre public immatériel justifiant des restrictions puisque les valeurs patriotiques et républicaines sont en déclin. [...]
[...] Il faut être extrêmement vigilant face aux restrictions apportées à la liberté d'expression. D'autant plus que celles-ci sont un outil privilégié des régimes totalitaires, à l'instar de la société imaginée par Orwell, qui n'est pas si éloignée de ce qui se passe sur certains territoires. À première vue, la recherche du « vrai » et le pluralisme permettant à chacun de se construire une opinion ne devraient pas être limités par la morale ou une quelconque valeur sociale. D'un autre côté, on peut considérer que certaines valeurs immatérielles revêtent une telle importance qu'il apparaît indispensable de les protéger, même si cela implique de limiter une liberté sacrée. [...]
[...] Or, à quel titre certains décideraient-ils pour tous de ce qui est immoral ou non ? Le risque principal d'instaurer un ordre public immatériel consacrant diverses valeurs morales serait un détournement de celles-ci, comme cela peut déjà être observé aujourd'hui s'agissant de la protection de la jeunesse. En effet, si l'outrage aux bonnes mœurs a disparu, l'article 227-24 du Code pénal n'en dispose pas moins que « Le fait soit de fabriquer, de transporter, de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support un message à caractère violent, incitant au terrorisme, pornographique, y compris des images pornographiques impliquant un ou plusieurs animaux, ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine ou à inciter des mineurs à se livrer à des jeux les mettant physiquement en danger, soit de faire commerce d'un tel message, est puni de trois ans d'emprisonnement et de euros d'amende lorsque ce message est susceptible d'être vu ou perçu par un mineur. [...]
[...] En l'espèce, la Cour européenne des droits de l'Homme a donné raison aux juges nationaux, en admettant que leur décision fût motivée par la volonté légitime de « protéger la morale des jeunes ». Tel que souligné par la Cour, la conception de la morale n'est pas univoque. Chaque État, mais aussi chaque citoyen peut avoir ses propres convictions morales et c'est précisément la raison pour laquelle on ne peut envisager l'existence à proprement parler d'un ordre public moral venant restreindre la liberté d'expression. [...]
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