Ainsi que l'appréhendait Kant, la dignité se définit comme « la valeur de ce qui n'a pas de prix, ni même de valeur quantifiable : c'est un objet, non de désir ou de commerce, mais de respect ». Toute personne, parce qu'elle est sujet de droit, dispose non seulement de la possibilité d'acquérir des droits, mais bénéficie également de prérogatives inhérentes à sa personnalité juridique. Usuellement qualifiés de droits de la personnalité, ces attributs reconnaissent à l'individu le respect qui est dû à son intégrité physique et morale. Attribuant une sphère privilégiée à chacun, limitant l'exercice des pouvoirs publics, ces droits ne sont pourtant pas absolus : la difficulté consiste sans doute à les concilier avec une notion qui vient souvent les heurter, la liberté. Liberté de chacun dans le choix de ses modes de vie, liberté d'opinion et d'expression pour la presse, droit à l'information pour le public.
Pour autant, un principe préside à tous les autres : il est constant qu'en aucun cas il ne peut, dans leur exercice, être porté atteinte à la dignité humaine. Celle-ci transcende en quelque sorte les autres prérogatives, elle constitue le socle commun, a minima, qui doit être respecté pour tout individu en sa qualité de membre de l'espèce humaine. Consacrée depuis les lois bioéthiques de 1994 à l'article 16 du Code civil, la notion a en réalité acquis ses lettres de noblesse avec la Déclaration universelle des droits de l'Homme du 10 décembre 1948. Principe jugé intangible, la sauvegarde de la dignité s'est vue conférer valeur constitutionnelle lors de l'examen des dispositions de la loi de bioéthique de 1994. En s'appuyant sur la première phrase du Préambule de la Constitution de 1946, qui dispose que « tout être humain, sans distinction de race, de religion ou de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés », le Conseil en a tiré la conséquence selon laquelle « la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d'asservissement et de dégradation est un principe à valeur constitutionnelle ».
[...] Cependant, ils ne sont plus indisponibles, et peuvent faire l'objet d'actes juridiques, du moment que leur cause n'est ni illicite, ni immorale. Tout n'est toutefois pas autorisé : la loi condamne la gestation pour autrui[12], réduisant la mère à un incubateur et déshumanisant totalement la transmission de la vie. Alors que la dignité, dans ces hypothèses, est venue protéger le corps, il est d'autres cas où, à l'inverse, elle commande une atteinte au corps. Ainsi, la licéité des actes médicaux a été admise[13], à condition d'être dans une hypothèse de nécessité médicale, de présenter un intérêt thérapeutique et d'obtenir le consentement du patient. [...]
[...] Au nom de la dignité toujours, elle a condamné la France à de nombreuses reprises du fait de gardes à vue policières pratiquées avec violence : arrêt Tomasi, en 1992, et Selmouni, en 1999, où elle va jusqu'à renverser la charge de la preuve, laissant à l'Etat le soin d'apporter la preuve d'absence de carence de sa part. Pour autant, la Cour conserve une interprétation très libérale des dispositions de la convention, puisqu'en tout état de cause elle tente de concilier le respect de la dignité avec le respect de la vie privée. Si ces deux notions ne sont en principe pas opposées, au contraire, il peut arriver que, sous couvert de vie privée, les individus adoptent volontairement des comportements peu compatibles avec le respect dû à la personne humaine. [...]
[...] Dans des situations où l'individu est libre de disposer de son corps, il peut être amené à agir de manière contraire à ce que peut commander la dignité humaine. L'actualité regorge hélas de trafics d'organes, de pratiques de mères porteuses et de rumeurs de clonage qui feraient pâlir les plus grands scénaristes. C'est dans le souci de protéger l'intégrité du corps, tout en ne permettant pas que, par une volonté dictée par des convictions propres à l'individu, celui-ci mette en danger ses jours, que le législateur est intervenu. [...]
[...] Les licenciements fondés sur ces mêmes causes seraient illicites[8]. De même, les actes visant à contrôler ou surveiller les personnes se doivent de respecter la dignité qui leur est due[9] : un salarié ne peut pas être filmé à son insu ou suivi par un détective dans les mêmes conditions, ou, a fortiori, par un collègue. D'autre part, la dignité constitue peut-être aujourd'hui la seule limite à la liberté d'expression dans les domaines de la vie privée et du droit à l'image : si une image peut être vendue, si un fait, par son caractère public, ou même privé, selon les nécessités de l'information, peut être relaté, ce n'est qu'à la condition de respecter la dignité de la personne humaine. [...]
[...] Le tribunal de Paris, confirmé en appel[24], a ainsi interdit l'exposition. Sujet plus que sensible, le respect de la dignité humaine a pris une dimension toute particulière depuis que des événements historiques tristement célèbres l'ont bafouée, à tel point qu'il soit sans arrêt utile d'en rappeler l'exigence. Sa consécration, tant en droit constitutionnel qu'en droit international, marque la prééminence d'une valeur supérieure, à l'image de l'humanité qui nous lie. Si la conscience est reconnue au travers de la vie, elle tend à se développer tant dans la phase qui la précède que dans celle qui la succède, parce que le droit se doit d'évoluer avec le progrès technique et scientifique. [...]
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