Cour EDH, Convention européenne, droit de propriété, environnement, article 1 protocole 1, marge nationale d'appréciation, domaine public
Si la Cour de justice n'a pas hésité, le 12 mai 2005, dans son arrêt Regione automa Friuli contre Venezia Giola a énoncé l'existence d'un « droit fondamental de propriété, principe général du droit communautaire », il semble que la reconnaissance d'un tel droit par la Cour européenne de sauvegarde des droits de l'homme (Cour EDH) donne lieu à plus de nuances. L'arrêt Brosset-Triboulet et autres, rendu en grande chambre le 29 mars 2010 atteste cette constatation. Dans ce cas d'espèce, les requérants occupent une maison sur le domaine public maritime depuis 1945 grâce à l'obtention successive d'autorisations d'occupation du domaine public, chacune mentionnant l'obligation, en cas de révocation de l'autorisation, de remise en l'état primitif des lieux. Le 3 janvier 1986, la loi relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral (« loi littoral ») entre en vigueur et modifie les conditions de délivrance des autorisations d'occupation du domaine public maritime. Ainsi, lorsque le 15 mars 1993, la mère des requérantes demande au préfet le renouvellement de l'autorisation dont elle bénéficie, celui-ci lui oppose un refus fondé sur les nouvelles conditions posées par la loi littoral. Après avoir refusé le compromis que leur proposait l'administration, à savoir la possibilité de demeurer dans cette habitation jusqu'à son décès, mais avec l'interdiction de la céder, les requérantes ont fait appel aux juridictions administratives internes. Le Conseil d'Etat, confirmant l'arrêt de la Cour d'appel, a, par un arrêt du 6 mars 2002, fait prévaloir les règles d'imprescriptibilité et d'inaliénabilité du domaine public sur les prétentions des requérantes tendant à se voir reconnaître sur la maison un droit de propriété, dans la mesure où elle avait été « connue et acceptée » par l'administration. Le Conseil ordonna donc la démolition de la maison, sans indemnité. Suite à cet arrêt, les requérantes saisirent la Cour EDH. Le 14 juin 2005, une première section déclara la demande en partie irrecevable. Le 29 avril 2008, suite à un changement de section, la requête est déclarée recevable sous l'angle de l'article 1 du protocole 1 annexé à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (Convention EDH) et de l'article 8 de la Convention. Le 25 septembre 2008, la chambre se dessaisit au profit de la Grande chambre, aucune des deux parties ne s'y étant opposée. A l'égard de l'article 1 protocole 1 protégeant le droit de propriété, plusieurs problèmes se sont posés aux juges de la Cour de Strasbourg.
La notion de « bien », qui définit le champ d'application de l'article 1 du protocole 1, peut-elle s'appliquer à l'égard d'un bien immobilier soumis au régime précaire du domaine public maritime ? De quel volet de l'article précité relève le fait, pour un Etat, d'ordonner la démolition sans indemnisation d'un tel bien en raison du régime spécial appliqué au domaine public ? Une telle décision répond-elle à un but légitime ? L'absence d'indemnisation entraîne-t-elle le caractère disproportionné de la mesure prise ?
De quelle marge de manœuvre dispose le juge européen à l'égard de la notion de bien et quelles sont les méthodes qui s'offrent à lui pour statuer sur ce point ? De quelle marge de manœuvre dispose l'Etat à l'égard de la réglementation des biens ?
[...] Elle affirme que sa présence en tant que partie au contrat tend à donner le sentiment au requérant que leur droit sera respecté, d'autant plus qu'aucune réserve n'est émise. Pour autant, au regard des conséquences de ces deux décisions sur la situation des requérants, l'une n'apparaît pas manifestement plus importante que l'autre. La solution dégagée dans l'arrêt Consort Richet aurait donc pu être dégagée au profit des requérantes de l'arrêt étudié. [...]
[...] De plus, la Cour de cassation française adopte une position plus stricte, en refusant de reconnaitre qu'une créance incertaine puisse constituer un bien au sens de l'article 1 du protocole 1. Sa position a été affirmée, notamment, dans l'arrêt rendu par la première chambre civile le 30 juin 2000. Le Conseil d'Etat, quant à lui, sans exprimer un refus clair, montre une certaine réticence à cette idée dans l'avis Draon rendu en assemblée le 6 décembre 2002. Enfin, il est à noter que le juge Malawni, dans son opinion dissidente sous l'arrêt Oneryildiz, soulignant les effets indésirables éventuels de la consécration de l'applicabilité de l'article 1 à des personnes en situation irrégulière en droit interne, a fait expressément référence aux personnes disposant de maisons en bord de mer, se trouvant en situation illégale, mais qui pourraient, à la suite de cet arrêt, se prévaloir de la tolérance des autorités pour leur rendre applicable l'article 1 du protocole 1. [...]
[...] L'arrêt étudié, quant à l'applicabilité de l'article 1 du protocole se situe dans la lignée de cette jurisprudence (B.). B. La notion de bien entendue largement au cas d'espèce Après avoir constaté l'impossibilité de reconnaitre une espérance légitime et justifiée aux requérantes à l'égard de leur demeure les juges constatent l'existence d'un bien par le recours à la notion d'intérêt patrimonial L'impossibilité justifiée de constater une espérance légitime et raisonnable La Cour prend tout d'abord soin de souligner la particularité de la situation des requérantes, puisqu'elle rappelle que si l'imprescriptibilité et l'inaliénabilité du domaine public [ne l']ont pas empêché[e] de conclure à la présence de biens au sens de cette disposition [article les titres de propriété des intéressés ne prêtaient pas à controverse au regard du droit interne, ces derniers pouvant légitimement se croire en situation de sécurité juridique quant à leur validité Elle fait ici référence, notamment, à l'arrêt Broniowski rendu contre la Pologne le 22 juin 2004 portant sur l'obtention de biens en compensation de l'abandon de biens immobiliers où elle a jugé que le requérant disposait d'un bien au sens de l'article 1. [...]
[...] L'absence d'indemnisation entraine-t-elle le caractère disproportionné de la mesure prise ? De quelle marge de manœuvre dispose le juge européen à l'égard de la notion de bien et quelles sont les méthodes qui s'offrent à lui pour statuer sur ce point ? De quelle marge de manœuvre dispose l'Etat à l'égard de la règlementation des biens ? Les juges, en se fondant sur la notion d'intérêt patrimonial issu de l'écoulement du temps reconnaissent l'existence d'un bien et déclarent donc applicable l'article 1 du protocole 1 au cas d'espèce. [...]
[...] Le contrôle effectué par la Cour semble donc purement formel. Cela perdure, logiquement, à l'égard de l'appréciation du respect du juste équilibre (B.). B. Le rejet succinct d'une charge spéciale et exorbitante La Cour, après avoir infirmée la négligence de l'Etat écarte brièvement la nécessité d'une indemnisation dans le cas d'espèce L'absence contestée de négligence étatique La négligence des autorités nationales a amené la Cour à conclure à la violation de l'article 1 du protocole 1 lors de l'arrêt Hamer rendu contre la Belgique le 27 novembre 2007. [...]
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