À l'absence de définition légale de la notion de vie privée répond une absence de définition jurisprudentielle dont la raison est simple : l'élasticité de la notion permet la protection la plus large. L'arrêt du 27 février 2007 en est la parfaite illustration. L'hebdomadaire Paris-Match publie un entretien avec Mme X, dans l'une de ses parutions, qui a pour objet la révélation de la naissance d'un garçon dont le père est Albert de Monaco, prince régnant. Le magazine ne s'en tient pas là, puisqu'il agrémente les déclarations de Mme X de photographies de l'enfant avec le père et de titres fantaisistes.
Albert de Monaco qui s'oppose à la publication sur le fondement de la protection de son droit à la vie privée et à l'image, assigne l'hebdomadaire en justice. La cour d'appel fait droit à la demande du prince régnant au motif qu'il y avait une atteinte à la vie privée sans qu'on puisse la légitimer par un droit à l'information du public et une atteinte au droit à l'image puisque la publication de la photographie sans autorisation illustrait un évènement privé.
La société éditrice du magazine forme un pourvoi en cassation considérant que la cour d'appel a violé l'article 10 de la convention européenne des droits de l'Homme . Selon le requérant, la publication de cet entretien aurait un caractère dynastique et les informations complémentaires un caractère anodin qui en conséquence ne légitimerait pas une atteinte au droit au respect de la vie privée. Les photographies, quant à elles, sont en relation directe avec l'article et ne constitueraient pas en conséquence d'atteinte au droit à l'image sanctionnable.
La publication d'un article et de photographies non autorisées qui révèlent la naissance d'un enfant né hors mariage d'un prince régnant constitue-t-elle une atteinte au droit à l'image et à la vie privée ou relève-t-elle du droit à l'information du public ?
La Cour de cassation rejette le pourvoi au motif que toute personne a droit au respect de la vie privée et qu'en conséquence la révélation de la naissance d'un enfant né hors mariage d'un prince régnant ne concerne pas le droit à l'information du public ne s'agissant pas d'une information à caractère dynastique (I). De même, la publication de photographies qui illustrent un évènement d'ordre privé du prince régnant constitue une atteinte à son droit au respect de son image (II).
[...] Il semblerait que le droit à l'information avec comme support des photographies soit inexistant puisque les personnes ont un droit exclusif sur leur image. Cela signifie-t-il que toutes les publications de photographies soient illicites du seul fait qu'elles sont non autorisées? En effet, le droit à l'image ne précise pas l'étendue de sa portée. En l'absence de règle générale définissant une limite, c'est la notion de droit à l'information qui détermine le droit de diffuser l'image d'une personnalité sans son autorisation. Cela nous amène à affiner la notion de droit à l'information avec comme support la photographie. B. [...]
[...] La Cour de cassation considère que toute publication de l'image d'une personne, même publique, si elle n'est pas autorisée et en relation avec un fait d'actualité d'intérêt public, est attentatoire au respect de la vie privée. L'atteinte au droit à l'image d'une personne constitue la limite du droit à l'information du public. Ainsi, même en cas de médiatisation de la vie personnelle et familiale d'une personnalité politique, les magistrats considèrent qu'il n'y a pas de renonciation au droit à la vie privée. [...]
[...] En effet, la vie privée est protégée par l'article 8 de la convention européenne. Elle a donc une valeur conventionnelle. Elle élimine la totalité des prérogatives qui lui sont inférieures, mais le droit à l'information du public a lui aussi une valeur conventionnelle, consacrée à l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme. Cela oblige le juge à chercher un équilibre entre les deux droits, et cet équilibre va être rompu en faveur de l'un ou de l'autre. [...]
[...] Par conséquent, la publication de l'entretien constitue une atteinte au droit au respect de la vie privée du prince régnant. La Cour de cassation rejette le pourvoi en cassation au motif que la révélation d'un évènement privé porte atteinte au respect du droit à la vie privée et également au motif que la diffusion de photographie qui agrémente l'entretien constitue une atteinte au droit au respect de son image, illustrant un évènement privé. II. L'atteinte au droit au respect de son image comme limite au droit à l'information du public L'atteinte au droit au respect de son image comme limite au droit à l'information du public résulte de l'existence de ces deux droits inconciliables et du primat du droit au respect de son image sur le droit à l'information du public A. [...]
[...] Il convient donc de se demander jusqu'où va cette information politique sans empiéter sur la sphère de la vie privée, quelle est sa circonscription, son champ de délimitation. Si une information relève du cadre délimité alors le droit à l'information du public doit être privilégié au détriment du droit à la vie privée et, si ce n'est pas le cas, il doit alors s'effacer devant le droit à la vie privée. En l'espèce, il d'agit d'un évènement d'actualité, politique de manière large puisqu'il s'agit d'informations sur une famille régnante. [...]
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