droit, Conseil d'État, juge des référés, 9 janvier 2014, Ministre de l'Intérieur contre Dieudonné M'Bala M'Bala, propos antisémites, Seconde guerre mondiale, spectacle Le Mur, haine raciale, liberté d'expression et de réunion, risque de trouble à l'ordre public, protection de la dignité de la personne humaine, mesure de police, interdiction, commentaire
En l'espèce, le spectacle « Le Mur » interprété par Mr Dieudonné M'Bala M'Bala devait avoir lieu le 9 janvier 2014 à Saint-Herblain, il avait été précédemment interprété au théâtre de la Main d'or à Paris. Un arrêté du 7 janvier 2014 pris par le préfet de la Loire-Atlantique dans le cadre de ses pouvoirs de police est venu interdire le spectacle « Le Mur » du 9 janvier 2014 à Saint-Herblain. En raison des propos antisémites incitant à la haine raciale et faisant l'apologie des persécutions de la Seconde Guerre mondiale contenues dans le spectacle, l'arrêté rappelle également que l'interprète du spectacle a fait l'objet de sept condamnations pénales définitives pour des propos antisémites et que le spectacle prévu a fait apparaître un climat de tension et des risques sérieux de troubles à l'ordre public difficiles à maîtriser par la police.
L'interprète du spectacle et la SARL Les productions de la Plume ont alors saisi le juge des référés du tribunal administratif de Nantes qui a suspendu l'exécution de l'arrêté du 7 janvier par une ordonnance du 9 janvier 2014. Le Ministre de l'Intérieur relève alors appel de cette ordonnance devant le juge des référés du Conseil d'État.
[...] Or la morale ne fait, a priori, pas partie de l'ordre public défendu par la police administrative. Cependant, dans un arrêt Société films Lutécia » du 18 décembre 1959 le Conseil d'État avait considéré légal l'arrêté d'un maire interdisant la projection dans sa commune d'un film en raison de circonstances locales particulières. Sans introduire la moralité dans l'ordre public cet arrêt s'est tout de même basé sur l'aspect subjectivement immoral du film en question. De plus, dans l'arrêt commenté on lit au considérant 6 propos pénalement répréhensibles et de nature à mettre en cause la cohésion nationale », cette notion de remise en cause de la cohésion nationale interpelle puisqu'il semble que ce soit la première fois que le Conseil d'État y fasse référence et que sa signification soit incertaine. [...]
[...] Dans cet arrêt le Conseil d'État va plus loin puisque des propos, et non plus des actes, antisémites, voire négationnistes, sont considérés comme des atteintes potentielles au respect de la dignité humaine, ce qui sanctionne encore plus fortement ces propos qui sont pénalement sanctionnables dans tous les cas. De plus le Conseil d'État rappelle que la protection de la dignité humaine est consacrée par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et la tradition républicaine ce qui légitime sa décision et lui donne plus de force puisque ce principe a même été reconnu comme ayant une valeur constitutionnelle par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 27 juillet 1994 sur la loi relative au respect du corps humain, celui-ci s'étant fondé sur le préambule de la Constitution de 1946. [...]
[...] Ces mesures préventives se trouvent être d'ailleurs les mesures les plus attentatoires aux libertés et donc les plus discutables L'usage d'une mesure de restriction de liberté ultime, l'interdiction La police administrative dont la fonction est préventive a pour but de prévenir les atteintes à l'ordre public. Comme expliqué précédemment, le Conseil d'État a estimé qu'un spectacle contenant des propos antisémites constituait une atteinte à la dignité humaine et donc à l'ordre public. Afin de prévenir cette atteinte future, la sanction utilisée a donc été l'interdiction du spectacle, infirmée par le juge des référés du Tribunal administratif puis confirmée par le Conseil d'état en référé également. [...]
[...] Le ministre de l'Intérieur relève alors appel de cette ordonnance devant le juge des référés du Conseil d'État. Le juge des référés du Conseil d'État devait donc s'interroger sur la légalité d'une mesure de police interdisant un spectacle dans lequel des propos antisémites et incitant à la haine raciale étaient tenus au regard des principes de liberté d'expression et de réunion. Le Conseil d'État rappelle alors que selon l'article 521-2 du code de justice administrative, le juge administratif des référés doit ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une autorité administrative aurait porté atteinte, à la condition que cette atteinte soit grave et manifestement illégale. [...]
[...] Avec cet arrêt le Conseil d'État a admis de nouveau la capacité de la police administrative de réglementer l'activité de spectacle, donc une activité entre personnes privées. La gravité de la sanction infligée, l'interdiction du spectacle, se trouve justifiée par les conditions très restrictives dans lesquelles sont enfermés les faits d'espèce et qui limitent donc la portée de cette jurisprudence exceptionnelle (II). II- Une mesure de police exceptionnelle et encadrée Le présent arrêt loin de faciliter l'interdiction de spectacle ou de réunions délimite clairement cette faculté car le respect de la dignité de la personne humaine doit être concilié avec le respect des libertés individuelles Une mesure de police strictement conditionnée Le Conseil d'État dans son ordonnance a entouré d'un certain nombre de conditions la mise en place d'une interdiction pour motif de maintien de l'ordre public. [...]
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