La liberté de religion peut être divisée en deux volets : d'une part, elle comprend le droit d'avoir et d'exprimer sa foi, qui est une des modalités de la liberté d'opinion, et d'autre part, le droit de se livrer aux rites et pratiques liés à sa foi qui correspond à la liberté de culte. C'est ce second volet qui peut être restreint, notamment au nom du principe de laïcité.
En l'espèce, le 8 novembre 2006, l'association locale pour le culte des témoins de Jéhovah Lyon Lafayette a fait une demande auprès de la Ville de Lyon concernant la location d'une salle pour une célébration religieuse. Après s'être vu opposer un refus par la collectivité territoriale, l'association a cherché à connaître les motifs de ce refus en tentant, parallèlement, de louer une autre salle. La Ville de Lyon ayant confirmé son refus de lui prêter une salle, l'association a décidé de solliciter en urgence le juge des référés afin que celui enjoigne à la ville de lui mettre à disposition une salle. L'association ayant vu sa demande accueillie en première instance, la Ville de Lyon forma un appel devant le Conseil d'État. Si l'arrêt rendu par le Conseil d'État était évidemment intéressant du point de vue de la procédure et des conditions nécessaires à l'exercice d'un « référé-liberté » que sont l'urgence et une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, il l'était aussi dans le cadre d'une opposition entre une pratique courante consistant dans le prêt d'une salle municipale à une association cultuelle à un prix dérisoire et le principe de laïcité.
Ainsi, en matière de libertés fondamentales, la question qui se posait était celle de savoir dans quelle mesure le fait, pour une collectivité locale, de refuser le prêt d'une salle municipale à une association à caractère cultuel peut-il constituer une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés d'association et de réunion.
[...] La dénonciation d'une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés de réunion et d'association sous l'égide du principe de laïcité L'État doit permettre l'exercice de toutes les religions et n'en favoriser aucune. C'est le corollaire du principe d'égalité entre tous les cultes et cela vise à assurer la liberté de conscience de chacun dans le respect de la liberté de religion pour tous. Le principe de laïcité c'est donc la neutralité imposée à l'État et à ses agents publics pour assurer la liberté de conscience de tous. [...]
[...] Ainsi, nous pouvons nous demander si, en l'espèce, le prêt d'une salle municipale à un prix avantageux à l'association cultuelle constituait bien une subvention publique. II/ Le prêt d'une salle à une association cultuelle à un tarif avantageux: une pratique en conformité avec le principe de laïcité Nous verrons que si la Ville de Lyon a justifié son refus par le fait que le prêt d'une salle municipale à une association cultuelle, à des tarifs inférieurs à ceux du marché, constituerait une subvention publique et irait à l'encontre même du principe de laïcité ce refus reste à tout le moins motivé explicitement par le caractère sectaire de l'association L'application de tarifs avantageux à une association cultuelle pour le prêt d'une salle : une subvention publique déguisée ? [...]
[...] En l'espèce, concernant la condition d'urgence, l'association locale pour le culte des Témoins de Jéhovah de Lyon Lafayette a demandé la location de la salle municipale pour le 2 avril 2007 et un refus implicite lui a été opposé dès le 8 janvier 2007. Ainsi pour la ville de Lyon, le caractère d'urgence n'est pas justifié car l'association aurait pu chercher une salle, ce qu'elle soutient avoir fait à deux reprises. Dans un arrêt de section du 19 janvier 2001 Confédération nationale des radios libres, le Conseil d'Etat a défini l'urgence comme une atteinte suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il doit défendre. [...]
[...] Le juge rappelle d'abord l'article L.2144-3 qui dispose que des salles municipales peuvent être utilisées par les associations qui en font la demande et que le maire va en déterminer les conditions d'utilisation compte tenu des nécessités de l'administration des propriétés communales, du fonctionnement des services et du maintien de l'ordre public Il l'oppose alors à la décision en relevant le fait que le maire n'a pu faire état d'aucune des conditions susnommées, seulement du caractère sectaire de l'association. De plus, le juge relève que le maire a déjà pris des décisions semblables par le passé et qu'elles-mêmes ont été annulées. La décision du maire de refuser la location de cette salle emporte donc un caractère manifestement illégal et constitue une atteinte grave aux libertés fondamentales de réunion et d‘association. [...]
[...] En l'espèce, pour motiver le refus de prêt d'une salle municipale à l'association, la ville de Lyon ne faisait état d'aucune menace à l'ordre public, mais seulement de considérations générales relatives au caractère sectaire de l'association, ni d'aucun motif tiré des nécessités de l'administration des propriétés communales ou du fonctionnement des services On pourrait alors parler d'une sorte de discrimination : alors qu'il est pratique courante pour une commune de prêter une salle, moyennant un prix ridicule, à une association cultuelle issue d'une religion officielle, celle-ci refuse lorsque l'association cultuelle ne provient pas d'une religion officielle mais d'autres cultes plus ou moins reconnus. Ainsi, en voulant défendre le principe de laïcité et en refusant de pratiquer des soi-disant subventions publiques, le maire de la Ville de Lyon y a en fait porté atteinte en ne mettant pas toutes les associations à caractère cultuel sur un pied d'égalité. [...]
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