Le 28 décembre 1988 a été pris un arrêté ministériel autorisant la distribution de Mifégyne, pilule donnant une alternative médicamenteuse à l'avortement chirurgical. Cet arrêté est attaqué par la Confédération nationale des associations familiales catholiques, ainsi que le comité pour sauver l'enfant à naître, l'union féminine pour le respect et l'aide à la maternité, et M. Jamin, agissant contre le ministre de la Solidarité, de la Santé et de la Protection sociale, qui a pris cet arrêté.
Un recours en excès de pouvoir avait été formé contre l'arrêté, mais le Conseil d'Etat l'avait rejeté. Les requérants ont donc par la suite formé un nouveau pourvoi devant le Conseil d'État, qui est ici compétent en premier et dernier ressort de par l'importance de la question, et parce qu'ils demandaient un contrôle des l'arrêté au regard de la constitution et des traités internationaux.
La question est donc ici de savoir si le Conseil d'État est habilité à effectuer tous les contrôles qui lui sont demandés ; de plus, l'arrêté attaqué respecte-t-il bien non seulement le droit interne, mais aussi la constitution et les conventions internationales ?
[...] Mais le Conseil d'Etat a un autre point de vue, puisqu'il affirme que les lois de 1975 et 1979 relatives à l'avortement garantissent elles aussi le respect de la vie humaine, et ne sont donc pas incompatibles avec la Conv. EDH, puisque leurs dispositions indiquent que La loi garantit le respect de tout être humain dès le commencement de la vie. Il ne saurait être portée atteinte à ce principe qu'en cas de nécessité et selon les conditions et limites définies par la présente loi. [...]
[...] La bonne application des règles de droit interne L'avortement étant devenu légal en 1975 par la loi Veil, on peut penser que la distribution d'une pilule abortive près de 14 ans plus tard ne poserait pas de problèmes, n'étant qu'un élargissement des moyens techniques mettant en application ce droit : son emploi est, dès lors soumis, de plein droit, aux règles posées en la matière par les articles issus des lois des 17 janvier 1975 et 31 décembre 1979 relatives à I.V.G., que l'arrêté attaqué n'édicte aucune disposition violant ces textes mais, au contraire, rappelle les conditions posées par le législateur Qui plus est, comme le fait remarquer le juge, le ministre ayant pris l'arrêté attaqué ne faisait qu'édicter des dispositions de mise en place de l'article 601 du Code de la santé publique, autorisant la distribution de Mifégyne : Considérant que le ministre de la Santé tenait des dispositions de l'art du code de la santé publique, le pouvoir de soumettre la distribution, la dispensation et l'administration de la Mifégyne Le ministre de la Santé était donc fondé à prendre cet arrêté : que, sur le fondement de ces dispositions législatives, le ministre de la Santé a pu édicter, en cette matière, des mesures L'arrêté est donc parfaitement légal et respecte les lois et dispositions législatives de droit interne, mais les requérants ont également soulevé des irrégularités procédurales. La régularité de la procédure Les requérants ont invoqué une irrégularité de procédure, puisque, selon eux, l'ordre des médecins et l'ordre des pharmaciens auraient dû être consultés sur la question de la distribution de la pilule abortive, ce qui n'a pas effectué. Cet argument est fondé en analogie à la distribution de médicaments contenant des stupéfiants. Or, la Mifégyne ne contient aucune sorte de stupéfiants, donc la procédure est ici régulière. [...]
[...] Les raisons du Conseil d'Etat Le Conseil d'Etat ne voulait en effet pas empiéter sur la compétence du Conseil constitutionnel, censé être le seul juge compétent pour apprécier le respect de la constitution par une loi. Il a affirmé sa position dans l'arrêt Arrighi en 1936, et l'a confirmée par la suite dans de nombreux arrêts, dont celui du 21 décembre 1990, puisqu'il énonce clairement Considérant qu'il n'appartient pas au Conseil d'Etat statuant au contentieux de se prononcer sur la conformité de la loi avec des principes posés par le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 L'écran législatif au regard de la constitution n'a donc toujours pas disparu. [...]
[...] Cette révision constitutionnelle a apporté un article 61-1 à la constitution, permettant ce contrôle, mais dont les modalités devront être précisées par une loi organique, ce qui ne saurait tarder puisque cette loi est en projet actuellement, et sera votée par le Sénat incessamment sous peu. La situation sera donc rééquilibrée, et les justiciables, avec les juges, pourront faire évoluer positivement les choses, en permettant la remise en question de lois devenues inconstitutionnelles, qui pourront, à terme, être abrogées. [...]
[...] Par ailleurs, l'autorisation de distribution était elle-même illégale, contrairement à ce que soutiennent les requérants, car le recours en excès de pouvoir contre l'arrêté ministériel du 28 décembre 1988 avait été rejeté. La procédure est donc régulière dans sa totalité, et l'arrêté est conforme au droit interne, mais il reste à savoir s'il est bien conforme aux conventions internationales. B La conventionalité de l'arrêté L'arrêté est attaqué en raison de son éventuelle violation de plusieurs conventions internationales : la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1949, et la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. [...]
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