« Le vrai patron est quelqu'un qui se mêle passionnément de votre travail, qui le fait avec vous, par vous » disait l'écrivain Jules Romains dans son œuvre « Les hommes de bonne volonté ». Cette opinion n'est apparemment plus partagée de nos jours par la cour de cassation.
En l'espèce, dans l'arrêt rendu le 12 octobre 2004 par la chambre sociale de la cour de cassation, Mme X, salariée de la société Sulzer orthopédie Cedior, a entretenu en septembre 1999 une correspondance avec une ex-salariée, au moyen de la messagerie électronique pendant son temps de travail, et avec le matériel de l'entreprise. Son employeur découvre les messages émis en consultant l'ordinateur et sanctionne Mme X, le 13 octobre 1999 par une mise à pied disciplinaire de trois jours.
Celle-ci assigne alors son employeur devant la juridiction de première instance, dont la décision rendue ne nous est pas communiquée. Mais Mme X demande ensuite à la cour d'appel de Besançon de déclarer la sanction injustifiée et forme une demande de rappel de salaire au titre des jours de mise à pied. C'est alors dans un arrêt du 20 novembre 2001 que la cour d'appel décide que la mise à pied de Mme X était bel et bien justifiée en se fondant sur le contenu des messages émis. La salariée forme donc un pourvoi devant la chambre sociale de la cour de cassation. Mais entre la formation du pourvoi et le jugement, une loi entre en vigueur le 6 août 2002. Cette loi, notamment dans ses articles 11 et 12, prévoit que sont amnistiés les faits commis avant le 17 mai 2002 et retenus ou susceptibles d'être retenus comme motifs de sanctions prononcées par un employeur.
[...] L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales touche directement le droit au respect de la vie privée et familiale. Dans son on retrouve le principe posé par l'article 9 du code civil mais encore plus complet : Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance Si les juges s'appuyaient seulement sur le droit interne, la question de la correspondance pourrait alors varier selon l'interprétation du respect à la vie privée Mais l'article 55 de la Constitution énonce que Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie Alors, les domaines visés dans l'article 8 de la convention doivent être reconnus par les lois internes, du fait de la primauté du droit communautaire sur le droit interne. [...]
[...] Tout cela limite alors le pouvoir de contrôle de l'employeur sur ses salariés, qui voit sa marge d'action réduite du fait du respect de la frontière de la sphère privée. Mais rassurons-nous, il existe des limites. Les limites posées par la jurisprudence Si la jurisprudence autorise le salarié à correspondre avec ses amis ou autres pendant ces heures de travail et à son lieu de travail, il y a quand même un abus : le salarié est payé pour travailler et non pour s'occuper de sa vie privée. [...]
[...] En ce qui concerne les mesures de surveillance du salarié : dans un arrêt du 14 mars 2000, la chambre sociale de la cour de cassation a reconnu que l'employeur a le droit de contrôler et de surveiller l'activité de ses salariés pendant le temps de travail, seul l'emploi de procédé clandestin étant illicite. Constituent alors un mode de preuve valable des écoutes téléphoniques dont les salariés ont été prévenus. Enfin, comme nous le disions en première partie, la jurisprudence reconnait dans l'arrêt du 23 mai 2007 qu'il suffit désormais que l'employeur se munisse d'une ordonnance de référé pour ouvrir les dossiers personnels du salarié, à partir du moment où il est accompagné d'un huissier de justice. [...]
[...] Notons que le 2 octobre 2001, dans l'arrêt Nikon/Onof, la chambre sociale de la cour de cassation jugeait une affaire similaire à l'arrêt étudié et a retenu que le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l'intimité de sa vie privée ; que celle-ci implique en particulier le secret des correspondances ; que l'employeur ne peut dès lors sans violation de cette liberté fondamentale prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail et ceci même au cas où l'employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l'ordinateur Pourtant, un mois et demi après cet arrêt, c'est la cour d'appel de Besançon qui rendait sa décision sur l'arrêt étudié, et qui n'en a même pas tenu compte. Ne s'était-elle pas informée des jurisprudences récentes ? Ne voulait-elle pas l'appliquer ? En tout cas, la cour de cassation rattrape l'erreur de la cour d'appel en citant mot pour mot la règle de droit énoncée pour la première fois dans l'arrêt Nikon. Il faut rappeler que la cour de cassation est la dernière voie de recours en droit interne. [...]
[...] Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s'il y a urgence, être ordonnées en référé Notons qu'aujourd'hui, il n'existe pas de définition du respect de la vie privée. On s'appuie sur des critères jurisprudentiels. La conception du droit français est celle selon laquelle le droit au respect de la vie privée s'apparente à la possibilité de vivre caché, de protéger ses secrets, d'être laissé tranquille. [...]
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