La décision de justice présentée est un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 15 mai 2007, se référant à l'article 9 du Code civil portant sur le droit au respect de la vie privée.
En l'espèce, l'hebdomadaire « Entrevue » a publié, dans son numéro 130 paru en mai 2003, un article intitulé « Personnel licencié, direction augmentée, que les gros salaires lèvent le doigt », dont le plan social adopté par la société de télévision « Canal + », ainsi que le mouvement de grève provoqué par cette initiative, en constitue l'objet. Abordant non seulement la réduction des dépenses envisagée par la société, l'article expose aussi l'évolution du montant des salaires perçus en janvier et février par trente-trois personnes, nommément désignées, mettant en évidence une multiplication des rémunérations par deux, trois voire dix d'un mois sur l'autre.
Mme X… considérant la diffusion non consentie de son nom et de son salaire comme attentatoire à son droit au respect de sa vie privée, a intenté une action en justice contre la Société de conception de presse et d'édition, éditrice, et M.Y…, directeur de la publication. Les juges de première instance ont néanmoins statué en faveur des défendeurs, déboutant Mme X… de ses prétentions. Cette dernière a alors fait appel du jugement, mais en vain puisque les juges de la Cour d'appel ont confirmé la décision de première instance. C'est donc en dernier recours que Mme X… forme un pourvoi en cassation.
[...] Le salaire peut-il être considéré comme un élément de la vie privée ? Et à fortiori, sa divulgation non consentie peut- elle se prévaloir d'un préjudice ? Il est évident que la réponse n'est pas absolue puisque des arguments tout autant fondés pourraient alimenter un débat sans fin autour du sujet. Par ailleurs, le législateur n'y répond pas davantage puisqu'il est clair que les précisions manquent cruellement sur les éléments que peut englober ce domaine de la vie privée. La résolution du problème apparaît donc laissée à la bonne volonté du juge qui face à cette absence d'indications se trouve parfois dans une situation semblable à un vide législatif. [...]
[...] C'est pour cette raison que les juges de la Cour de cassation ont, dans l'arrêt du 15 mai 2007, considéré l'objectif d'information dissimulé derrière la publication des salaires comme un intérêt tout à fait légitime. Enfin, en période de campagne électorale, il est bien évident que les limites de la vie privée des personnes qui vont au- devant du public sont repoussées par les règles de la représentation qui induisent une transparence importante dans les représentants. Le droit au respect de la vie privée est donc bien inflexible en ce qui concerne les atteintes éventuelles. [...]
[...] Pourtant, le droit au respect de la vie privée est un droit fondamental aujourd'hui porté par la constitution. En effet, par une décision de décembre 1990, ce droit, au titre des libertés individuelles et des droits naturels et imprescriptibles de l'homme, s'est vu garanti à valeur constitutionnelle. Il en va donc que ses dispositions soient respectées à juste titre, et ce même en leur opposition aux autres droits. La Constitution étant la norme suprême dans la hiérarchie des règles juridiques, un principe qui s'en trouve porté s'inscrit dans une priorité absolue conformément au postulat selon lequel la règle juridique la plus haute dans la hiérarchie des normes s'applique. [...]
[...] Par ailleurs, dans un système représentatif comme le nôtre, les citoyens ont le droit d'être tenus au courant des agissements politiques de leurs délégués au pouvoir de souveraineté. Cet objectif d'information se constitue donc en un intérêt légitime, qu'il tienne à des faits sociaux, économiques ou politiques. Le juge accorde d'ailleurs davantage de tolérance même si l'information touche à la vie privée d'une personne, dès lors que le contexte en rend légitime la divulgation. La nécessité est donc primordiale de concilier ces deux intérêts légitimes que sont le droit de l'information et le droit au respect de la vie privée. [...]
[...] Aujourd'hui, le droit positif s'en trouve inéluctablement inspiré. La protection des individus, de leurs intégrités physiques tout autant que de leurs vies privées, fait l'objet de textes juridiques considérables, tant en leurs fonds qu'en leurs formes. Et cette défense face aux actes attentatoires ne cesse de s'étendre en réponse à la diversité de formes comme de natures que peuvent prendre ces atteintes. Par ailleurs, en cette aire de forte médiatisation, la presse, qui jouit pourtant de la liberté d'information, se heurte en permanence à cette protection de l'individu de telles sortes que les conflits juridiques, dont la liste est sans appel, sont au cœur des rapports que peuvent entretenir ces deux droits tous deux pour autant fondamentaux en leurs termes, mais sensiblement antagonistes en leurs natures, le droit au respect de la vie privée et le droit à l'information. [...]
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