Le philosophe qui s'apprête à interroger et à analyser le concept de droits de l'homme ne peut que ressentir en lui quelque scrupule, voire quelque réticence. Cette idée apparemment vénérable, qui n'a explicitement éclos dans l'esprit humain qu'il y a deux siècles, dans le fracas de la Révolution Française, demeure en effet si fragile que toute critique à son encontre, si mesurée soit-elle, semble susceptible de la faire vaciller. Mais n'est-ce pas justement cette vulnérabilité flagrante qui doit nous inciter à la réflexion ? Il semble bien que si c'est précisément pour comprendre pourquoi ces droits de l'homme, dont chacun devrait logiquement pouvoir tirer avantage, ne cessent néanmoins d'être contestés et bafoués, qu'il est fondé de se demander s'ils constituent une évidence ou, au contraire, un problème. Il nous faut admettre que nous sommes dans une certaine mesure persuadés de nous trouver au sommet de la pyramide du vivant, de dominer la nature et le réel. Le « je ne sais quoi » qui nous distingue des autres espèces nous conduit à estimer qu'il nous est dû un respect, une considération, des droits auxquels ne peuvent prétendre les autres êtres vivants. De cette façon, l'idée de droits spécifiques à l'homme nous apparaît comme évidente. Mais l'on peut dans le même temps se demander à juste titre si nous ne tenons pas leur existence pour évidente parce que nous, Occidentaux du début du XXIème siècle, sommes depuis toujours immergés dans un monde marqué par la conviction des droits de l'homme. En outre, le fait que l'on n'y prête pas attention de façon systématique et que l'on ait même, dans certaines parties du monde ou dans certaines circonstances, tendance à les oublier tout à fait, ne peut que nous inciter à penser que les droits de l'homme ne comptent pas au nombre des idées évidentes présentes naturellement et irrémédiablement dans l'esprit humain, mais sont porteurs d'une dimension problématique. Nous verrons dans un premier temps que l'existence, les fondements, la légitimité des droits de l'homme posent effectivement problème, avant de nous intéresser à la distinction que l'on peut établir entre droits de l'homme et droits du citoyen. Enfin, nous nous demanderons si l'on peut dépasser les problèmes que pose le concept de droits de l'homme en se référant aux traits essentiels de l'humanité.
[...] Exclus de toute communauté, ils n'existent plus qu'en tant qu'individus ; ils représentent finalement l'homme universel, dépouillé de tout attribut accidentel, qu'avaient aperçu en songe les conventionnels. Or, ainsi que le souligne bien Arendt, c'est justement dès qu'ils sont déchus de leur nationalité, et donc dès qu'ils entrent dans cette catégorie des hommes abstraits dès qu'ils quittent la condition d'homme pour accéder au statut d'Homme et même parce que, alors qu'ils étaient hommes (marqués par un ensemble de caractéristiques sociales et culturelles), ils sont devenus des Hommes (marqués par la seule forme de l'humanité), que les apatrides ont en fait perdu tout droit. [...]
[...] Le philosophe qui s'apprête à interroger et à analyser le concept de droits de l'homme ne peut que ressentir en lui quelque scrupule, voire quelque réticence. Cette idée apparemment vénérable, qui n'a explicitement éclos dans l'esprit humain qu'il y a deux siècles, dans le fracas de la Révolution française, demeure en effet si fragile que toute critique à son encontre, si mesurée soit-elle, semble susceptible de la faire vaciller. Mais n'est-ce pas justement cette vulnérabilité flagrante qui doit nous inciter à la réflexion ? [...]
[...] Elle crée en effet, pour tous les êtres humains, des conditions plus favorables à l'actualisation de leur liberté responsable. Elle vise à préserver, ainsi que l'explique Jeanne Hersch, pour l'actualisation de cette liberté, un espace disponible, un vide, que son exercice viendra remplir de substance Sans doute est-ce ce qui explique que le concept de droits de l'homme soit si difficile à cerner : on est tenté de chercher en lui la définition de quelque chose, alors que le but premier des droits de l'homme semble être de préserver un vide nécessaire à l'épanouissement de l'homme dans sa liberté responsable. [...]
[...] Mais alors, si ce que la Déclaration de 1789 appelle droits de l'homme correspond en fait à des droits du citoyen et uniquement à des droits du citoyen, spécifiques à une communauté politique, fonctions d'une culture et de l'histoire d'un peuple, faut-il en conclure que le concept de droits de l'homme n'est qu'une chimère formée par l'esprit enthousiaste et tourmenté des révolutionnaires ? Devons-nous déduire de notre analyse que les droits de l'homme ne sont ni une évidence, ni un problème, mais une coquecigrue ? Nous serions bien malavisés de le faire ; en vérité, il ne nous reste plus qu'un pas à franchir avant que le concept de droits de l'homme ne se présente à nous comme une évidence. [...]
[...] Lorsque Socrate, accusé par Anytos, est condamné à boire la ciguë, le penseur, dont toute la réflexion a pourtant été centrée sur l'homme, invoque-t-il son humanité pour prétendre à un procès plus juste ? S'adjuge-t-il le droit de fuir la sentence en avançant qu'un homme peut légitimement esquiver des reproches infondés ? Non : il n'en fait rien. Quand bien même ses amis l'adjurent de préférer l'exil à l'exécution, il n'écoute que son sens du devoir et se soumet aux lois athéniennes, si injustes fussent-elles. [...]
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