En 1898, Paul Magnaud était le Président du Tribunal de Château-Thierry (Aisne) depuis 11 ans, et n'avait pas la réputation d'être indulgent. Mais le 4 mars 1898, il acquitte Louise Ménard, qui avait volé un pain alors qu'elle n'avait pas mangé depuis 2 jours. Ce jugement se fonde sur l'article 64 de l'ancien Code Pénal, aux termes duquel «il n'y a ni crime ni délit, lorsque le prévenu était en état de démence au temps de l'action, ou lorsqu'il a été contraint par une force à laquelle il n'a pu résister. » Jusqu'à présent, cet article n'avait jamais été invoqué dans un cas autre que la démence, mais Magnaud met l'accent sur la force irrésistible, qui est selon l'« impérieux besoin de se procurer un aliment de première nécessité », et il ajoute que « la faim est susceptible d'enlever à tout être humain une partie de son libre arbitre et d'amoindrir en lui, dans une grande mesure, la notion du bien et du mal ».
C'est un procès historique ; Le jour-même, un article de George Clemenceau paraît dans L'Aurore, et il est intitulé « un bon juge ». Dès lors, de 1898 à 1906, Magnaud applique une justice qualifiée de « juste » dans des arrêts polémiques. Il acquitte une mère-fille qui avait jeté une pierre à son amant, un jeune mendiant, un vieux vagabond, une mère infanticide, etc.
[...] ROSSEL, André. Le bon juge. Thomery : A l'enseigne de l'arbre verdoyant mais jusqu'à présent, cet article n'avait jamais été utilisé dans un cas autre que la démence [2]22 avril : la Cour d'Appel d'Amiens rend un verdict d'acquittement (car pas d'intention frauduleuse ( ne reprend pas la justification par la misère et l'état de nécessité) in Rhétorique Ethique à Nicomaque On peut aussi citer Pierre Leroux et Charles Renouvier. [...]
[...] TR : Nous allons donc voir dans une seconde partie que le bon juge a une mission juridique qui s'ajoute à sa mission sociale. Son objectif est de favoriser une convergence de l'évolution des mœurs et de la norme juridique. Cette mission juridique s'explique par la plus grande réactivité des jugements par rapport à la loi en matière de progrès social, et elle a été consacrée par l'intériorisation du concept d'égalité équitable dans la norme juridique. II- La mission juridique du bon juge : favoriser une convergence de l'évolution des mœurs et de la norme juridique grâce à l'équité La pratique équitable d'aujourd'hui est souvent à l'origine de la règle juridique de demain La plupart des thèses de Magnaud jugées à l'époque révolutionnaires ou aberrantes ont fini des dizaines d'années plus tard par entrer dans la jurisprudence et la législation. [...]
[...] Egalité et équité : antagonisme ou complémentarité ? Actes du colloque novembre 1997. Paris : Economica MOUTOUH, Hugues. La notion de besoin et le droit Informations sociales n°86. Paris : CNAF OZANAM, Yves. Le bon juge Magnaud : l'équité face à la loi Culture Droit n°7. Montreuil : Lexthema Presse, mai-juin 2006. [...]
[...] Le bon juge est là pour évaluer les conséquences d'une application trop stricte de la loi. D'un point de vue symbolique, la justice a un bandeau sur les yeux, alors que l'équité du bon juge regarde les personnes auxquelles s'adressent les règles de droit. L'action du bon juge trouve sa légitimité dans les théories du droit social La justice sociale du bon juge Magnaud est à mettre en parallèle avec l'irruption d'une nouvelle notion dans le champ philosophique et politique à la fin du XIX° siècle : la solidarité sociale (énoncée, entre autres[5], par Emile Durkheim, Léon Duguit, Léon Bourgeois). [...]
[...] Dans ses jugements, Magnaud déclarait «qu'il est regrettable que dans une société bien organisée, un des membres de cette société, surtout une mère de famille, puisse manquer de pain autrement que par sa faute (Louise Ménard), que le premier devoir de la société est de venir en aide à ceux de ses membres réellement malheureux (Chiabrando), et il dénonçait la lacune de notre organisation sociale qui laisse à une fille- mère toute la charge de l'enfant (Eulalie Michaud). Comme nous l'avons vu en introduction, le modèle du bon juge est inséparable de l'idée d'une lacune de la loi. Les jugements du juge Magnaud mettent en valeur l'insuffisance de l'article premier de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, qui garantit l'égalité des citoyens en droits, ce qui est une égalité absolue et non relative. [...]
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