Aujourd'hui lorsqu'on pense au sens du mot « arbitraire », une pluie de synonymes péjoratifs nous envahit. Le petit Larousse illustré (2006) en donne la définition suivante : « qui dépend de la seule volonté, du libre choix, et non de l'observation d'une loi, d'une règle. Qui relève du caprice de quelqu'un, au dépend de la justice ou de la raison ».
C'est pourquoi le système de l'arbitraire des peines, semble, à première vue, un système injuste dans lequel les juges condamnaient à des peines plus ou moins sévères selon leur bon vouloir. Or, cette vision est bien loin de la réalité.
En effet, jusqu'au XVIIIe siècle, le mot arbitraire n'avait pas cette connotation négative qu'on lui connait aujourd'hui. Ce sens défavorable, qui en fait le synonyme de caprice, d'injustice, nous vient en réalité des polémiques qui ont prit une ampleur considérable au siècle des Lumières.
Sous l'Ancien Régime, le système de l'arbitraire des peines constituait la base même de la justice pénale, et était majoritairement accepté. Les juges pouvaient et devaient arbitrer les peines, ils choisissaient donc dans chaque affaire la sanction la mieux adaptée aux exigences du cas.
L'arbitraire des juges n'avait rien d'un despotisme capricieux, les magistrats possédaient une solide formation intellectuelle et morale et l'arbitraire obéissait à des règles strictes : on parlait donc « d'arbitraire réglé ».
[...] A contrario, les juges ne peuvent prononcer la peine de mort sans texte. Ceci s'explique là encore par la primauté du roi : il est le seul maître de la vie et de la mort. Par conséquent, la peine de mort est son monopole tout comme le droit de grâce (le condamné ne peut que solliciter la clémence royale par une lettre de rémission). Cependant, les juges arrivaient à contourner cette règle en recourant à la technique de la peine par analogie et condamnaient ainsi à la peine de mort sans texte le permettant. [...]
[...] Le principe de l'arbitraire permettait au juge de mettre en œuvre son libre arbitre dans le choix des peines appliquées. La loi ne disposant que pour des cas très généraux, il appartenait aux juges d'adapter ces grands principes au cas d'espèces rencontrés, en se référant principalement à la jurisprudence des parlements. Le juge avait ainsi toute latitude pour moduler la peine applicable, en l'adaptant au mieux en fonction de l'intention du coupable et les circonstances de son acte. L'idée maîtresse de l'arbitraire est une idée de proportion, et Bruneau parle ainsi de proportion géométrique Le juge analyse l'affaire in concreto en examinant avec précisions les faits dont il est saisi. [...]
[...] Le système de l'arbitraire des peines encadré, mais critiqué Sous l'Ancien Régime, le terme d' arbitraire n'avait pas cette connotation négative qu'il revêt aujourd'hui, et ce, car le système des peines était strictement encadré empêchant en théorie aux juges de statuer selon leur bon vouloir Néanmoins, les nombreuses limites qui entouraient ce système n'ont pas empêché la multiplication des critiques à son encontre Un arbitraire réglé grâce aux nombreuses limites l'encadrant Même si les juges de l'Ancien Régime disposaient d'une grande liberté quant aux peines, ils n'étaient pas pour autant omnipotents. Leurs décisions devaient s'inscrire dans un cadre précis et étaient délimitées par la raison et l'équité, puis par les coutumes et les usages des cours et enfin, pour finir, par la législation royale. La limite essentielle à l'arbitraire des juges est moins juridique que morale. Sous l'Ancien Régime, l'Europe était très chrétienne. [...]
[...] Les juges ont par conséquent une très grande latitude quant au choix des peines. Cette conception de leur rôle se justifie par un souci d'efficacité sociale et de bonne justice. En outre, les juges peuvent déroger aux sanctions fixées par les ordonnances en prononçant une peine plus légère. A titre d'exemple, la peine de mort tendait, à la fin de l'Ancien Régime, à laisser place à la peine des galères. Le roi laisse ainsi aux juges la possibilité de prononcer les peines en toute équité. [...]
[...] En effet, le droit pénal contemporain émerge dans une société qui déteste ses magistrats officiers et qui en réaction contre le principe de l'arbitraire des peines de l'ancien régime retient le principe de légalité de Beccaria. Dans cette conception le Code pénal ne dresse pas simplement les interdits considérés comme fondamentaux, il ne se borne pas à gérer leur transgression, il enserre l'activité, par nécessité liberticide, du juge pénal dans un carcan le plus étroit possible Chassaing, Les trois codes français et l'évolution des principes fondateurs du droit pénal contemporain). [...]
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