L'autorité de la royauté s'est gravement altérée sous les derniers Carolingiens, mais la survie du sens royal permet aux premiers rois capétiens de singulariser la fonction royale. Princes territoriaux parmi les autres, les souverains français utilisent les structures féodales à leur avantage jusqu'à progressivement se hisser au sommet de la hiérarchie des seigneurs. Ce retournement de la situation favorise la lente restauration de la souveraineté monarchique.
En 987, réunis sous l'égide de l'archevêque de Reims Adalbéron, les grands choisissent comme roi un Robertien, Hugues Capet, au détriment du prétendant carolingien Charles de Basse-Lorraine. Cette élection inaugure l'ère des rois dits de la troisième race : les Capétiens. Entre l'avènement d'Hugues Capet et celui de Philippe II dit Auguste, la monarchie capétienne revêt les caractères d'une royauté féodale. Seigneur parmi les seigneurs, le capétien doit s'accommoder d'une féodalité qu'il lui faut investir pour accroître ses prérogatives et étendre territorialement un domaine qui se limite à l'origine à l'Ile-de-France et peut paraître fort réduit comparé aux grandes principautés territoriales du royaume. Malgré sa faiblesse politique et territoriale initiale, la royauté capétienne assure sa singularité et se tient comme un pouvoir en réserve, prêt à la reconquête du regnum et des prérogatives régaliennes usurpées par les féodaux.
[...] Certains grands feudataires ont parfois compté davantage que le Capétien. Un exemple probant pourrait bien être au XIe siècle, celui du duc de Normandie, Guillaume le Conquérant, qui devient roi d'Angleterre après la victoire d'Hastings en 1066. Toutefois, c'est en s'appuyant sur les pratiques de la féodalité, notamment sur le droit applicable aux fiefs, que les Capétiens retournent la situation à leur avantage, au cours du XIIe siècle, et amorcent la restauration de la res publica. 1. Le roi, prince territorial parmi d'autres Tourner la féodalité à son avantage suppose tout d'abord pour le roi d'être le maître dans son domaine afin de s'en servir comme base de départ dans la reconquête territoriale et la restauration de sa souveraineté. [...]
[...] Mais, même placée au sommet de l'ordre féodal, la royauté se doit de conserver sa singularité. C'est dans cet ordre d'idées que s'inscrit le refus du roi de prêter hommage à quiconque. S'il peut acquérir une terre relevant d'un autre que lui (ce qui permet d'agrandir le domaine royal et la zone d'influence capétienne), s'il peut devenir feudataire, le roi ne peut entrer en vassalité. Suger le précisera à propos du Vexin, fief relevant de l'abbaye de Saint-Denis, acquis sous Philippe Ier qui aurait dû prêter hommage à l'abbé de Saint-Denis de l'époque, s'il n'avait été le roi En 1185, prenant possession du comté d'Amiens, Philippe Auguste rappellera qu'il ne saurait être question pour le roi de prêter hommage. [...]
[...] Certes, le ban royal ne s'exerce pas encore dans ces régions. Mais le Capétien a réussi à obtenir de certains seigneurs qu'ils deviennent ses vassaux et à attirer leurs possessions dans sa mouvance. En revanche, il est toujours très difficile pour le roi de recevoir l'hommage des princes territoriaux qui, tout en reconnaissant son caractère sacré, continuent de voir en lui un égal. Et, lorsqu'ils acceptent de s'engager, il s'agit souvent d'hommages de marche (c'est-à- dire prêtés sur la frontière qui sont en fait des pactes de neutralité passés entre puissants. [...]
[...] Lui seul peut assurer la paix et rendre la justice. En quelque sorte, seul le Capétien en tant qu'oint du Seigneur est à même de guider le peuple conformément aux préceptes divins. Au XIe siècle, Hugues de Sainte-Marie et Yves de Chartres poursuivront cette œuvre de propagande royale. Bien sûr, il s'agit essentiellement d'une proclamation de principe, mais ce corpus juridico-politique va permettre de mener le combat de restauration de la souveraineté. Plus prosaïquement, l'idée de ministère royal débouche sur des attributions bien précises au bénéfice du roi, alors que les prescriptions de ce dernier ne s'appliquent pas encore au-delà du domaine. [...]
[...] Philippe Auguste est le premier à ne pas les pratiquer au bénéfice de son fils aîné Louis VIII dans la mesure où l'on constate que la primogéniture a acquis la force d'une coutume, d'une opinion necessitatis (opinion nécessaire) et n'est pas remise en cause. 2. Le gouvernement du royaume Même singularisés au sein du monde des feudataires, les premiers Capétiens ont une assise politique limitée et leur pouvoir n'est efficient que dans le domaine royal. Théoriquement néanmoins, ils ont en charge le gouvernement du royaume. L'une des conséquences du sacre est d'ailleurs d'investir le roi de prérogatives générales qui dépassent à l'époque la réalité de ses moyens d'action. [...]
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