Lors de la séance des États généraux du 17 juin 1789, les députés du Tiers État se déclarent assemblée « nationale » ; puis vient la nuit du 4 août 1789 où l'Assemblée Nationale Constituante vote l'abolition des privilèges. Ainsi, l'Ancien Régime parait donc définitivement condamné aussi bien sur le plan politique que juridique.
L'un des maîtres mots de la Révolution est alors l'unité. En effet, la société d'ancien régime était caractérisée par la diversité et en autre celle du droit. Les privilèges qui juridiquement peuvent se définir comme étant des lois particulières ( privata lex) embrassant un ensemble de droits et d'obligations propres à un groupe social, en était sans doute la manifestation la plus symbolique. Louis XVI lui-même préférait parler de ses peuples plutôt que de son peuple, aussi en 1789 quand éclate la Révolution, l'unité s'impose comme une exigence première. Outre l'unité politique, il faut aussi aboutir à l'abolition d'un système juridique aux normes éparses pour pouvoir ériger un nouvel ordre civil œuvre de l'unification. Comme l'affirme un article de la Constitution de 1791 voté à l'unanimité : « il sera fait un code de lois civiles communes à tout le royaume ».
Reste que ce nouvel ordre civil unitaire doit alors se construire autour des nouveaux principes révolutionnaires que consacre la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ( DDHC ) avec notamment son article premier qui affirme que « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit ». Ces principes du Siècle des Lumières issus d'un droit naturel réputé universel et immuable doivent pouvoir trouver à s'exprimer dans ce nouvel ordre juridique révolutionnaire. Ils doivent passer de l'état de concepts philosophiques abstraits à celui de règles de droit. Cambacérès a alors rédigé trois projets de code civil en 1793, 1794 et 1796, projets auxquels le climat politique n'a laissé aucune chance de réussite. Après ces tentatives infructueuses il a donc fallu attendre 1804 pour voir enfin promulguer le Code civil des Français soit quinze ans après le commencement de la Révolution.
Alors comment s'est traduite la Révolution de l'ordre juridique civil français entre 1789 et 1804 ?
[...] Une méthode et un but : l'esprit de système au service de la création d'un homme nouveau Pour Cambacérès, la vérité est une et indivisible aussi se place- t-il dans la droite ligne des révolutionnaires défenseurs de l'esprit de système. Le constat est simple, il faut rompre avec l'Ancien Régime responsable de tous les maux. La raison de l'Homme ayant été pervertie, il faut opérer un revirement et mettre en œuvre l'esprit de système. A l'origine cette démarche méthodologique avait trouvé à s'appliquer dans le domaine scientifique comme celui de la médecine mais devant l'ampleur des succès rencontrés sa transposition dans le domaine juridique apparaît comme une évidence. [...]
[...] De la même manière sur le plan de la méthode législative il a été opéré un tri entre les bonnes et les mauvaises coutumes, afin de ne conserver que celles qui convenaient à la société. Reste qu'il n'en demeure pas moins que Napoléon est conscient du fait que les lois ont une influence directe sur les mœurs d'une population, c'est pourquoi même s'il n'est plus question de créer un homme nouveau, un bon citoyen doit pouvoir émerger grâce à l'entrée en vigueur du code civil. [...]
[...] Et Portalis affirme lui même dans un discours sur la contrainte du 24 ventôse an V que le Code civil d'une nation doit se combiner avec sa manière d'être, avec la nature de son territoire, avec le goût et les habitudes des citoyens Dans cette optique, le législateur se fonde donc sur des faits et sa démarche est inductive ; il faut partir des faits, de la physique expérimentale que constitue la société d'ancien régime pour élaborer un système juridique viable. L'idéalisme révolutionnaire et son droit universel doit céder la place au réalisme de l'esprit des siècles et son droit national. [...]
[...] Un changement de méthode et un nouveau but, l'esprit des siècles au service de la fin de la Révolution Comme le proclame le Premier Consul devant le Conseil d'État en novembre 1800 : nous avons fini le roman de la Révolution : il faut en commencer l'histoire, ne voir que ce qu'il y a de réel et de possible dans l'application des principes, et non ce qu'il y a de spéculatif et d'hypothétique. Suivre aujourd'hui une autre voie, ce serait philosopher et non pas gouverner Aussi de façon pragmatique nomme t-il une commission de rédaction qui a deux mois pour rédiger un code civil. La composition de cette commission est sans doute l'une des manifestations les plus symboliques du recul pris par rapport à l'esprit révolutionnaire des premiers temps. En effet ses quatre rédacteurs, Bigot-Préameneu, Maleville, Tronchet et l'incontournable Portalis représentent les différentes sensibilités juridiques de la France d'ancien régime. [...]
[...] Il en va d'ailleurs de la conformité du code par rapport à l'article 10 de la DDHC consacrant la liberté de conscience. Pour Cambacérès, le divorce doit d'ailleurs pouvoir être la résultante de la volonté persévérante de l'un des époux. Il y a ici une véritable rupture avec le mariage sacrement de l'Église catholique réputé indissoluble. Les préjugés religieux contraires à la raison doivent appartenir au passé. La liberté transcrite par Cambacérès se retrouve également dans la consécration d'un principe de liberté contractuelle et dans celui de la propriété envisagée comme le prolongement de la personne humaine. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture