Lorsque Socrate, dans Le Criton, de Platon, refuse de s'échapper, comme le lui recommandent ses disciples, Criton en tête, on ne peut qu'être scandalisé : pourquoi continuer à reconnaître la validité d'un droit injuste ? Le sens commun, incarné dans le dialogue par le jeune Criton, voudrait au contraire que le droit soit juste ; la preuve en est : les termes de droit et de justice sont très souvent confondus et se fondent en une seule et même allégorie : une balance aux mains d'une déesse. Le droit se confond donc avec la justice ; comme le dit Victor Hugo : « le droit se meut dans la justice ».
Mais le droit n'est pas la règle de droit, expression devenue usuelle au XXème siècle sous l'influence de Léon Duguit, et qui peut se définir comme une règle de conduite dans les rapports sociaux, générale, abstraite et obligatoire, dont la sanction est assurée par la puissance publique. Or, parce qu'elle est générale et abstraite, la règle de droit peut toujours in concreto être qualifiée d'injuste. Elle l'est d'autant plus qu'elle est obligatoire et peut être sanctionnée.
[...] A partir de là, le problème se pose dans les termes suivants : lorsqu'une règle de droit est injuste, injustifiée, dans son principe ou même dans ses applications concrètes régulières, n'y a-t-il aucune solution ? 2-Les règles de droit injustes doivent-elles alors nécessairement le rester ? -Emile Durkheim affirmait que même dans les cas difficiles, les juges devaient et pouvaient toujours trouver la solution juste dans le droit en vigueur. A partir de l'ensemble du droit, le juge découvre, par un travail d'abstraction, un principe applicable. Notre droit traduit en parti cette conception puisqu'en France, le juge doit statuer en droit. [...]
[...] Se demander si les règles de droit doivent être justes, c'est opposer ces deux types de justice. Aussi doit-on présenter la problématique de la manière suivante : peut-on juger des règles de droit à l'aune de la morale ? Derrière cette question se pose également une question pratique : peut-on sortir du droit pour rendre le droit plus juste ? I. Du constat exceptionnel d'injustice aux différentes formes d'équité 1-Deux types d'injustice -En général, les règles s'efforcent d'être justes. Mais à partir de là, deux cas de figures peuvent cependant se présenter : -Il se peut tout d'abord que les principes qui commandent la règle de droit soient injustes. [...]
[...] Les règles de droit doivent-elles être justes ? Lorsque Socrate, dans Le Criton, de Platon, refuse de s'échapper, comme le lui recommandent ses disciples, Criton en tête, on ne peut qu'être scandalisé : pourquoi continuer à reconnaître la validité d'un droit injuste ? Le sens commun, incarné dans le dialogue par le jeune Criton, voudrait au contraire que le droit soit juste ; la preuve en est : les termes de droit et de justice sont très souvent confondus et se fondent en une seule et même allégorie : une balance aux mains d'une déesse. [...]
[...] Il n'énonce qu'un jugement de valeur selon sa propre conception de la justice. Le juge n'est là pour trouver qu'un principe, celui qui justifie le mieux possible la règle en vigueur. Pour résumer, l'équité est arbitraire ; on ne peut s'y fier. On pourrait d'ailleurs se demander s'il ne s'agit pas même d'un idéal anti-démocratique ; Dieu nous garde de l'équité des Parlements -Seule incombe au juge la capacité d'interpréter. Il dispose d'une certaine marge de liberté. Il arrive que la règle de droit e réfère à une notion sans la définir ni même la décrire, la signification en étant seulement évoquée par le mot dont on s'est servi : ex. [...]
[...] La règle de droit, rédigée par le législateur abstraitement, peut se trouver in concreto injuste. Elle dit par exemple que l'auteur d'une faute, même légère, doit réparer entièrement le préjudice qu'il a causé à autrui. Mais s'il est pauvre et sa victime riche, faut-il l'accabler sous le poids d'une condamnation pécuniaire énorme ? La règle de droit, en tant qu'elle est raide, droite, générale et abstraite peut donc dans les faits se révéler contraire au principe de justice. Nous entrons également de pleins pieds dans la problématique de l'équité. [...]
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