La question de l'anonymisation des décisions de justice doit faire l'objet d'une nouvelle réflexion dans le contexte de leur reproduction sur support numérique. Si l'on considère que la finalité de leur publication est de porter l'interprétation des règles de droit à la connaissance de tous, la mention du nom des parties excède cette finalité. En revanche, si l'on considère que la publication des décisions de justice par la voie de ces nouveaux moyens de communication est une application moderne du principe de publicité de la justice, la conservation du nom des parties redevient pertinente.
La publication des décisions de justice sous leur forme nominative est le pendant du principe de publicité de l'audience. Le principe de publicité de l'audience a valeur constitutionnelle. Il est consacré par l'article 10 de la Conv. universelle des droits de l'Homme qui reconnaît à toute personne le droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial. Il figure également à l'article 6, §1 de la Conv. EDH et à l'article 14, §1 du Pacte international de l'ONU relatif aux droits civils et politiques. Il est repris par l'article 433 du NCPC qui dispose : « Les débats sont publics sauf les cas où la loi exige qu'ils aient lieu en chambre du conseil ». Toutefois l'article 435 du même code vient compléter le tempérament apporté à ce principe en prévoyant que le juge peut décider que les débats auront lieu ou se poursuivront en chambre du Conseil s'il doit résulter de leur publicité une atteinte à l'intimité de la vie privée, ou si toutes les parties le demandent, ou s'il survient des désordres de nature à troubler la sérénité de la justice. Ce principe permet aussi aux tiers de se faire délivrer des copies des jugements prononcés publiquement. Les éditeurs de banques de données jurisprudentielles font partie de ces tiers et sont donc libres de reproduire les ordonnances, jugements et arrêts y compris les ordonnances ou arrêts de non-lieu dès lors qu'aucune disposition législative ne le leur interdit. Le nom des parties est obligatoirement mentionné dans les décisions de justice qui les concernent, ne serait-ce que pour les leur rendre opposables. Le nom des parties apparaît donc sur les reproductions des décisions.
[...] La question de l'anonymisation des décisions de justice doit en revanche faire l'objet d'une nouvelle réflexion dans le contexte de leur reproduction dans des banques de données informatisées. En effet, dès lors que les décisions de justice sont archivées sur des supports informatisés ou diffusées par voie télématique ou sur le réseau Internet elles deviennent accessibles à quiconque. Ainsi, l'accès à ces banques de données jurisprudentielles informatisées n'est plus réservé aux seuls professionnels du droit ou étudiants mais est ouvert à toute personne, dont des sociétés qui ont pour activité principale la constitution de mégabases de données nominatives qu'elles revendent à des sociétés commerciales telles que les assurances, les établissements de crédit, les agences de travail intérimaire ou les agences immobilières . [...]
[...] Faisant suite à un décret du 31 mai 1996, le décret du 7 août 2002 a organisé le service public de la diffusion de droit par l'Internet. Il prévoit que ce service a pour objet de faciliter l'accès du public à la jurisprudence. À cette fin, un certain nombre de décisions des juridictions nationales et européennes sont mises gratuitement à la disposition du public. Ainsi, la direction des Journaux officiels compile les arrêts qu'elle reçoit des juridictions nationales sur support magnétique ou optique. [...]
[...] En ce qui concerne la jurisprudence pénale, la loi du 6 janvier 1978 précise dans son article 30 que seules les juridictions et autorités publiques agissant dans le cadre de leurs attributions légales ainsi que les personnes morales gérant un service public peuvent procéder au traitement automatisé d'informations nominatives concernant les infractions, condamnations ou mesures de sûreté. Seule une disposition législative contraire permettrait de déroger à ce monopole des juridictions. On doit en déduire que les décisions de justice rendues en matière pénale ne peuvent être reproduites sur une base de données informatisée que sous la forme anonyme. [...]
[...] On peut déduire de cette disposition que les décisions de justice contenant des données sensibles au sens de la loi ne pourront être enregistrées sans l'accord des parties que dans des bases de données informatisées nécessaires au fonctionnement des juridictions. Pour constituer des bases de données à des fins commerciales ou documentaires, les éditeurs sont obligés d'obtenir l'accord préalable des parties concernées par la décision rendue ou doivent anonymiser préalablement cette dernière. La loi du 6 janvier 1978 ne concerne que les personnes physiques. [...]
[...] D'une part, elle rompt l'égalité de traitement des administrés en fonction de la date de numérisation des décisions qui les concernent. D'autre part, elle procède à une anonymisation aveugle des décisions publiées à partir du 15 septembre 2002 supprimant ainsi tout l'apport de l'Internet en matière de publicité des décisions de justice. En effet, s'il convient d'anonymiser les décisions qui peuvent donner lieu à des détournements de finalité des données nominatives qu'elles contiennent au préjudice des personnes concernées, il convient de conserver leur caractère nominatif aux autres décisions afin de maintenir l'effectivité du principe de publicité de la justice, car il est une des conditions de l'équité. [...]
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