Nul ne saurait contester que nombre de Constitutions sont déterminées par celles qui les ont précédées et que c'est bien souvent la volonté d'en finir avec le passé qui permet d'expliquer l'existence de telle ou telle disposition constitutionnelle. La Constitution de 1946, pas plus que celle de 1958, n'échappe pas à la règle. Dans les deux cas, les Constituants voulaient en finir avec le régime qui précédait, à chaque fois ce régime étant perçu comme un régime d'assemblée dans lequel le Parlement semblait jouir d'une compétence illimitée au point que l'on en était venu à le considérer comme souverain. Aussi bien en 1946 qu'en 1958, c'est à une même solution que l'on fait appel, à savoir la rationalisation du parlementarisme et l'on peut s'étonner que la même formule ait pu servir à qualifier des projets aussi différents. C'est que, comme beaucoup d'expressions, celle de "rationalisation du parlementarisme" peut recouvrir deux sens différents. Au sens strict, le parlementarisme est dit rationalisé lorsque la mise en jeu de la responsabilité politique du cabinet est soumise à une procédure tendant à en limiter la fréquence. C'est en ce sens que Boris Mirkine-Guetzévitch employait l'expression. Au sens large, le parlementarisme est dit rationalisé lorsque la Constitution prévoit l'existence d'un ensemble de procédures assurant une plus grande stabilité de l'exécutif (et ne concernant donc pas seulement la responsabilité politique). Or, ce sont ces deux sens de l'expression qu'illustrent les expériences constitutionnelles de 1946 et 1958. Toutefois, il est incontestable que ces deux tentatives de rationalisation n'ont pas abouti au même résultat. Il ressort de cette distinction que si la rationalisation est probablement une condition nécessaire au fonctionnement du régime parlementaire lorsqu'elle est entendue au sens strict, elle est loin d'être suffisante (1). En revanche, entendue au sens large, elle peut devenir l'une des causes de la disparition du parlementarisme au profit d'un régime de cabinet voire d'un régime semi-présidentiel (II).
[...] Le parlementarisme n'est plus rationalisé, il est débridé. Enfin, la dépendance de l'exécutif vis-à- vis du législatif se remarque également pendant la période électorale. Le Gouvernement intérimaire y est dirigé par le Président de l'Assemblée, le ministre de l'intérieur est désigné avec l'accord du Bureau de celle-ci et les groupes non représentés au Gouvernement dépêchent à Matignon un ministre d'Etat. B. Une soumission injustifiée Le texte de la Constitution semblait garantir une certaine stabilité au Gouvernement, du moins était-ce l'intention des rédacteurs du texte des articles et 50. [...]
[...] Il est vrai que l'emploi du présent de l'indicatif sans autre marque du caractère impératif ou facultatif a suscité une controverse. Cette dernière trouve ses limites dans le fait incontestable que, dans la mesure où nul ne peut obliger le Premier ministre à utiliser cet article, il se révèle être le seul susceptible d'en apprécier le caractère obligatoire ou non. C'est d'ailleurs ce que prouvent les diverses utilisations de cet article lequel ne fut mis en œuvre qu'afin d'écarter tout danger pesant sur le Gouvernement. Arme dans les mains du Premier ministre, il s'en sert comme bon lui semble. [...]
[...] En effet, la dissolution ne peut intervenir dans les dix-huit premiers mois de la législature (article 51 alinéa 2). Passé ce délai, il faut que deux crises ministérielles se soient succédées au cours d'une période également de dix- huit mois. Par crises ministérielles, la Constitution entend celles qui résultent d'un vote de défiance ou d'une motion de censure. Alors, le décret de dissolution peut être signé en conseil des ministres. On le voit, les mécanismes ne peuvent jouer qu'avec peine ou n'intervenir que par accident. [...]
[...] II devenait donc juridiquement impossible de sortir d'un cercle infernal dans lequel le dernier mot semblait toujours revenir non au peuple mais à l'Assemblée, c'est-à-dire aux partis puisque, on le sait, les députés apparaissait davantage suivre une logique purement partisane que l'intérêt général. On le voit, la Constitution de 1946 a certes correspondu à une tentative de rationalisation du parlementarisme mais les mécanismes mis en place ne suffirent pas à faire céder les habitudes. C'est précisément avec ces habitudes là que la Constitution de 1958 entendait rompre. II. [...]
[...] On se contentera de signaler les trois principales: la limitation du droit d'amendement, le mécanisme du vote bloqué et la maîtrise de l'ordre du jour. Les articles 40 et 41 permettent d'opposer une double irrecevabilité aux amendements (et propositions) parlementaires. La première, celle de l'article 40, permet d'écarter les amendements dont l'adoption "aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique". La seconde, celle de l'article 41, permet d'écarter les amendements qui ne seraient pas du domaine de la loi (article 34) ou contraires à une délégation accordée en vertu de l'article 38. [...]
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