Dire : "l'Etat doit toujours respecter le principe de légalité" consiste à tenir un propos banal, ou, tout du moins, à réaffirmer un principe fondamental de son existence même. Qu'il le doive toujours est une chose certaine. Mais qu'il le puisse dépend parfois des circonstances. Et quand l'Etat ne peut pas être réglementaire, son action peut entraver les libertés de ceux qu'il administre.
Il ne convient cependant pas de traiter ici tous les moments de l'Histoire où l'Etat français a privilégié son action au détriment de celle de ses citoyens. Il s'agit de cibler les quelques occurrences du terme de "circonstances exceptionnelles" dans les arrêts rendus par les juridictions administratives lorsque celles-ci ont eu à connaître a posteriori des restrictions faites aux libertés des citoyens quand l'Etat s'est écarté de la légalité.
Le terme de "circonstances exceptionnelles": celles-ci sont à distinguer des circonstances de fait, des circonstances imprévisibles, de l'état d'urgence, de l'état de siège, des circonstances visées par l'article 16 de la Constitution, etc.
Des arrêts rendus par les juridictions administratives: le Conseil d'Etat, les tribunaux administratifs sont chargés du contrôle de ces actes administratifs. Est exclu de ce contrôle et de cet examen le cas où le législateur fixe une norme restreignant les libertés, puisqu'il n'y a dès lors plus la notion de "protection" figurant dans l'énoncé.
A posteriori: ceci rejoint le point précédent. La protection des libertés est en réalité une restitution des libertés puisque le juge intervient après la restriction d'une liberté. Cependant, rendre des arrêts c'est aussi construire une théorie jurisprudentielle qui renseignera l'Etat sur la tolérance des juges quant aux actes dérogeant au principe de légalité.
Les restrictions faites aux libertés des citoyens: lesquelles? Libertés fondamentales, individuelles, collectives, de la personne physique, de la pensée...? N'est-il pas différent de tolérer dans le cadre de circonstances exceptionnelles une restriction de la liberté de galanterie (arrêt Dol et Laurent, CE 28 février 1919) et de tolérer dans le cadre de l'état d'urgence des atteintes à la liberté de la presse ou encore la substitution d'une juridiction militaire à une cour d'assises?
L'Etat s'est écarté de la légalité: est-ce bien de cela qu'il s'agit? N'y aurait-il pas plutôt en quelques sortes un "droit spécial" qui s'appliquerait à l'Etat en période de circonstances exceptionnelles?
La question est donc de savoir à quel point les libertés sont menacées dans la théorie jurisprudentielle des circonstances exceptionnelles, et inversement jusqu'où l'Etat est autorisé à prendre des mesures dérogeant au principe de légalité.
Afin de tenter de donner une réponse à ce problème, il convient dans un premier temps de délimiter le domaine de la théorie des circonstances exceptionnelles. L'examen de sa portée fera l'objet de la seconde partie de cette dissertation.
[...] Mais qu'il le puisse dépend parfois des circonstances. Et quand l'Etat ne peut pas être réglementaire, son action peut entraver les libertés de ceux qu'il administre. Il ne convient cependant pas de traiter ici tous les moments de l'Histoire où l'Etat français a privilégié son action au détriment de celle de ses citoyens. Il s'agit de cibler les quelques occurrences du terme de "circonstances exceptionnelles" dans les arrêts rendus par les juridictions administratives lorsque celles-ci ont eu à connaître a posteriori des restrictions faites aux libertés des citoyens quand l'Etat s'est écarté de la légalité. [...]
[...] La guerre est encore source de circonstances exceptionnelles, selon le juge dans, dans le cas où un "intérêt de salut public" (M. HAURIOU) justifie un arrêté préfectoral interdisant aux filles de côtoyer certains lieux publics (arrêt Dol et Laurent), ou bien lorsque "la nécessité de se procurer d'extrême urgence des ressources en numéraires" avait légitimement conduit les habitants d'une ville occupée à instituer une taxe exceptionnelle sur les transactions commerciales (arrêt Lecoq, CE 7 janvier 1944), idem dans l'arrêt Marion (CE 5 mars 1948) où s'était constituée une municipalité de fait. [...]
[...] HAURIOU a pu parler de la "légitime défense de l'Etat" quand celui-ci fait passer les libertés publiques au second plan (arrêt Heyriès). Le but poursuivi est nécessairement de surmonter la crise. Exemple: "maintien de l'ordre, de l'hygiène et de la salubrité, et [ . ] nécessité de prévenir le danger que présentait pour la défense nationale la fréquentation d'un personnel suspect . " (arrêt Dol et Laurent) Le second élément fondamental constitutif de cette légalité extraordinaire, est celui des moyens adoptés par l'administration pour atteindre le but qu'elle poursuit. [...]
[...] Portée juridique de la théorie des circonstances exceptionnelles On pourrait faire grief à ce titre d'être trop peu évocateur. Mais, que l'on définisse la portée de la théorie comme son champ d'application, comme ses effets directs ou ses incidences, elle ne vise en fait qu'une seule chose: le citoyen qui la subit. Le temps est en effet venu de quitter l'auteur de l'exception au principe de légalité, si elle en est bien une, et de se pencher sur son objet. [...]
[...] Il sera notamment établi en premier lieu que l'existence de circonstances exceptionnelles ne résulte pas, contrairement celles de l'état d'urgence ou de l'état de siège, d'un élément normatif, mais d'une situation de fait En second lieu sera présenté un examen des effets propres aux circonstances exceptionnelles A. L'existence de circonstances exceptionnelles Le nombre des éléments de fait pouvant donner lieu à des circonstances exceptionnelles a augmenté avec le temps. La première situation de fait qui a été considérée par le juge comme génératrice de circonstances exceptionnelles est la guerre. [...]
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