« Le monde, le soi-disant monde sait tout sur la Yougoslavie, la Serbie. Le monde, le soi-disant monde, sait tout sur Slobodan Milosevic. Le soi-disant monde connaît la vérité. C'est pour ça que le soi-disant monde est absent aujourd'hui, et pas seulement aujourd'hui, et pas seulement ici. Le soi-disant monde n'est pas le monde. Moi, je ne connais pas la vérité. Mais je regarde. J'écoute. Je ressens. Je me souviens. Je questionne. C'est pour ça que je suis aujourd'hui présent, près de la Yougoslavie, près de la Serbie, près de Slobodan Milosevic ». La déclaration de Peter Handke lors des funérailles de l'ancien chef d'État serbe en dit long sur l'estime qu'il portait au personnage, et qui lui a valu de très fortes critiques de la « scène culturelle » européenne.
Si on se focalise sur la relation particulière entretenue par Handke vis-à-vis de la figure de Milosevic, le propos tenu dans Autour du Grand Tribunal peut paraître abject. Cependant, les concepts qu'il met en avant, la déconstruction du fonctionnement et du rôle du Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) ainsi que de ses inculpés, restent tout à fait pertinents pour caractériser des pans entiers de nos systèmes judiciaires en tant que faits culturels, et notamment en ce qui a trait à la figure du criminel. Déconnectés du particularisme du TPIY, le propos de Handke parvient également à déconstruire le cataclysme judiciaire d'Outreau, s'adaptant du global (tribunal international et crimes de guerre) au local (procès d'assises et crimes sexuels).
Ainsi, qu'est-ce que la réflexion de Handke corrélée à l'affaire d'Outreau peut nous apporter pour penser la figure du criminel? À l'heure de la judiciarisation accrue de nos sociétés, qu'est-ce vraiment qu'un criminel, quel est son rôle, sa fonction, qui le construit, bref, à quoi sert-il?
La société et ses médias semblent désormais présenter une nouvelle figure du criminel, non plus en tant qu'être social, mais en tant que partie d'un système judiciaire qui le dépasse et dont il n'est qu'un rouage (I). Sa figure en tant que telle est réduite à des faits qui deviennent sa fin et son principe (II), et c'est alors qu'on découvre que le criminel n'est non plus une figure, mais une construction du discours politico-mediatique (III).
[...] On peut reprendre sur ces points l'excellente analyse du Tigre : On ne demandait pas à tous les journaux de remettre en cause l'instruction ; c'est là l'utilité du pluralisme de la presse : un seul titre aurait suffit à faire douter au lieu de délivrer une vérité À force de défendre une pseudo-neutralité fondée sur une pseudo- objectivité dont eux-mêmes ne sont pas dupes, les journalistes ne se transforment-ils pas en chambre d'écho d'un monde qu'ils se permettent de juger comme citoyens mais qui deviennent intouchables dès lors qu'ils se muent en journalistes ? La question vaut réponse.[8] C'est alors l'analogie des termes qui est frappante. De la chambre obscure de Handke, les journalistes en sont la chambre d'écho. Les mêmes mécanismes les régissent, et dans la chambre d'écho qui répand (déforme, et amplifie les faits la figure du criminel est encore et toujours absente. [...]
[...] pp. 81-82. 2006. La presse et Outreau (2001-2006) dans Le Tigre, mars. Handke, Peter Autour du Grand Tribunal, Paris : Fayard, p Ibid. p Ibid. p. 20. [...]
[...] Ainsi, qu'est-ce que la réflexion de Handke corrélée à l'affaire d'Outreau peut nous apporter pour penser la figure du criminel ? À l'heure de la judiciarisation accrue de nos sociétés, qu'est-ce vraiment qu'un criminel, quel est son rôle, sa fonction, qui le construit, bref, à quoi sert-il ? La société et ses médias semblent désormais présenter une nouvelle figure du criminel, non plus en tant qu'être social, mais en tant que partie d'un système judiciaire qui le dépasse et dont il n'est qu'un rouage Sa figure en tant que telle est réduite à des faits qui deviennent sa fin et son principe et c'est alors qu'on découvre que le criminel n'est non plus une figure, mais une construction du discours politico- médiatique (III). [...]
[...] Du procès de Slobodan Milosevic au TPIY au cataclysme judiciaire d'Outreau : la nouvelle figure du criminel Le monde, le soi-disant monde sait tout sur la Yougoslavie, la Serbie. Le monde, le soi-disant monde, sait tout sur Slobodan Milosevic. Le soi-disant monde connaît la vérité. C'est pour ça que le soi-disant monde est absent aujourd'hui, et pas seulement aujourd'hui, et pas seulement ici. Le soi-disant monde n'est pas le monde. Moi, je ne connais pas la vérité. Mais je regarde. [...]
[...] C'est par le biais du système judiciaire et de sa camera obscura, ou chambre obscure, que celui- ci perd son statut. La camera obscura Pour Handke, c'est dans une chambre obscure que se détermine principalement la figure du criminel, là où dans le huis clos des salles d'audiences, [les juges] créent la paix Chambre obscure difficile d'accès, tant au TPIY où une accréditation est requise, qu'aux assises d'Outreau où les auditions à charge se font à huis clos, ce qui nous révèle l'obscurité d'un procès dès son origine. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture