Du juge Renard à Eva Joly, ou plus récemment le juge Burgot il est aisé de constater la dramaturgie qui habille traditionnellement la figure du juge, entre sauveur et inquisiteur, entre pilier de la démocratie et usurpateur du pouvoir, défenseur de la vérité et de la justice ou au centre d'un drame judiciaire. La question du pouvoir des juges est ainsi teintée d'un discours manichéen, dans lequel s'oppose une justice accomplie au service de la vérité et une justice corrompue, ou en tout cas assoiffée de pouvoir. L'enjeu ici est donc de prendre quelque distance dans ce jeu de passions antagonistes. Néanmoins il s'agit aussi de comprendre ce qui justifie certaines craintes que suscite le pouvoir des juges, en particulier celle du gouvernement des juges, qui est régulièrement brandie.
A cette dramaturgie qui accompagne la figure du juge s'ajoute le constat d'un accroissement du rôle des juges. Ainsi c'est par exemple le Conseil d'Etat et non le parlement qui a été sollicité pour résoudre l'épineuse question du foulard ; Et ce phénomène ne se limite pas à la France puisqu'on a vu par exemple en Italie toute une classe politique être poussée à la démission par le pouvoir judiciaire avec l'opération mains propres ; Et on pourrait multiplier les exemples.
S'interroger sur le pouvoir des juges, c'est donc se demander ce qui justifie cette crainte que suscite la figure du juge ainsi que ce qui suscite cet accroissement du rôle des juges ?
Le terme pouvoir renvoie à la notion de capacité, à l'étendu et aux limites du champ d'intervention des juges dans leur travail mais il renvoie surtout à la notion de puissance et d'autorité : quelle est la place des juges, leur influence, en particulier par rapport au pouvoir politique. Le juge européen, le juge administratif, le juge judiciaire : il y a une pluralité de juges ; Se questionner sur le pouvoir des juges ce n'est donc pas se limiter à la seule instance judiciaire. Ce sont donc les juges, en ce qu'ils ont en commun d'agir au nom du droit, pour apporter des réponses et trancher des litiges qui nous intéresserons.
Nous verrons dans une première partie les enjeux de l'affirmation croissante du pouvoir des juges aux dépens du pouvoir politique. Dans un second temps c'est le pouvoir des juges par rapport aux orientations profondes de la société démocratique qui nous intéressera.
[...] la religion des droits individuels Le pouvoir croissant des juges participe de la volonté et de la possibilité croissante de faire valoir ses droits en tant qu'individu. On peut désormais se tourner à titre individuel devant la Cour européenne des droits de l'Homme si le juge national ne nous donne pas raison. De même on constate une spécialisation croissante du travail des juges, du juge du contentieux des accidents de la circulation au juge des enfants en passant par le juge de l'expropriation, il s'agit d'apporter des réponses de plus en plus adaptée à des cas particuliers. [...]
[...] Mais face à un vide juridique, dans le cas de l'Affaire Perruche, la Cour n'a pu que choisir la solution qui lui semblait la plus juste. On aperçoit là les difficultés que peuvent soulève l'acte de juger, en particulier sur la question de la dimension potentiellement morale du pouvoir des juges 2. l'acte de juger, essence de la société ? Paul Ricœur Paul Ricœur distingue la finalité courte et la finalité longue de l'acte de juger, qui lui semble être à l'essence même de la société. [...]
[...] En 1982, on a retiré ce pouvoir de contrôle au préfet pour le confier au juge administratif. b. le juge constitutionnel le rôle nouveau du Conseil constitutionnel participe de cette évolution vers un rôle croissant donné au droit aux dépens du politique Une décision de 1971 a marqué un tournant dans le rôle du conseil constitutionnel qui jusque là se limitait essentiellement à un contrôle des griefs de forme comme l'empiètement de la loi sur le domaine réglementaire. Pour la première fois en 71, le Conseil a statué sur le fond et a ainsi étendu le bloc de constitutionnalité au préambule de la constitution et donc à la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789. [...]
[...] Ricœur souligne la nécessite sociale qui s'attache à cette finalité : l'acte de juger exprime la force du droit. Il s'agit de retirer aux individus l'exercice direct de la justice. Il parle alors d'un système de distribution dans lequel on distribue des parts entre les parties du procès. Dans sa finalité longue et c'est ce qui nous intéresse l'acte de juger contribue plus qu'à la sécurité à la paix publique. Or la finalité de la paix publique / sociale, fait apparaître quelque chose de plus profond qui touche à la reconnaissance mutuelle, des deux parties du procès. [...]
[...] C'est ainsi que le juge est de plus en plus amené à se prononcer sur des questions de dimension éthique et morale. Aujourd'hui que les sociétés s'interrogent, c'est la personne qui pose les questions, c'est-à-dire le juge, qui devient centrale. Ex : mères porteuses, procréation assistée Ainsi, la Cour de Cassation dans son arrêt Perruche du 17 novembre 2000, indemnisé le préjudice d'être né handicapé du fait d'une erreur médicale. Comme vous le savez sans doute, le législateur s'est ensuite emparé de la question en la personne du député J-F Mattéi et une nouvelle loi a été votée. [...]
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