Les juges relayés par les médias nous instruisent aujourd'hui de leurs décisions sur des grands débats de société qui passionnent l'opinion publique, comme en témoigne cette fois l'affaire du sang contaminé en France ou l'engouement des français pour l'affaire du petit Grégory. Selon P.Raynaud, l'intervention et le contrôle de la justice sur la vie collective est « un des faits politiques majeurs de [la] fin du XXème siècle », si bien que certains sont amenés à dénoncer fréquemment le risque de laisser s'installer en Europe et aux Etats -Unis un véritable « gouvernement des juges » .
La multiplication des champs d'intervention du juge dans la vie publique, de même que l'explosion du contentieux, nous indiquent que nos démocraties représentatives évoluent progressivement vers une démocratie d'opinion dans laquelle le juge fait figure de pilier, de garant des valeurs morales et où il voit son pouvoir discrétionnaire augmenter.
Parallèlement à l'accroissement du contrôle du juge sur la vie publique, s'accroît aussi l'effroi que suscite l'idée d'un gouvernement des juges. En effet, la société se « judiciarise » cependant que les sondages révèlent une crise de confiance dans l'opinion vis-à-vis du juge.
N'est-il pas légitime de s'inquiéter de la montée en puissance d'un pouvoir non-élu censé assurer l'état de droit et protéger les libertés individuelles ? Ne va-t-il pas à l'encontre même de l'essence de la démocratie ? La question des pouvoirs dévolus au juge amène irrémédiablement celle de ses responsabilités, ainsi que celle des « freins et contrepoids » capables de limiter les pouvoirs de celui-ci et de l'empêcher par la même de constituer une éventuelle menace pour la démocratie.
[...] Les juges constituent d'une part un contrepoids au pouvoir majoritaire : ils permettent d'éviter que la démocratie ne se mue en dictature de la majorité, en donnant la possibilité aux élus de la minorité de faire vérifier, dès qu'ils le souhaitent, la conformité des nouvelles lois à la constitution et, par conséquent, à la volonté générale, plus que majoritaire. Les juges constitutionnels renforcent ainsi la démocratie. L'Etat de droit garantit également les droits et libertés fondamentaux de chaque individu, repris dans chaque Constitution (dans le préambule de celle de la cinquième République en France, dans les premiers amendements de celle des Etats-Unis, etc.). [...]
[...] Or le statut juridique du juge laisse entrevoir la faiblesse de sa responsabilité, ou plutôt de ses responsabilités, judiciaire, civile et surtout pénale. En effet si le fonctionnement de la justice est défectueux occasionnellement, c'est la responsabilité civile de l'Etat qui est mise en jeu, et non celle du juge à l'origine de la faute. Si l'on regarde le cas de la France particulièrement, on s'aperçoit en effet que les responsabilités pénale, civile, ou judiciaire du juge sont relativement limitées. [...]
[...] Mais le caractère quasi-intouchable du juge demeure inquiétant. En effet, le juge devient une sorte de nouvel étendard de la démocratie ; il aspire à un statut privilégié, le même statut qu'il a refusé aux hommes politiques ou celui pour lequel il les a punis. Dans cette perspective, le juge s'investit d'une mission rédemptrice à l'égard de la démocratie. Il se pose en surplomb et paraît alors inaccessible à la critique populaire. En outre, il tire profit du discrédit de l'Etat, du sentiment commun de déception à l'égard du politique. [...]
[...] Mais l'article 4 du code civil oblige le juge à statuer même quand la loi est silencieuse, obscure ou insuffisante. D'où l'intervention cruciale dans la création de droit dans la jurisprudence, régulée en France par la Cour de Cassation. De manière générale, les juges de tous ordres tendent à dépasser leur fonction d'arbitre et leur soumission au législateur souverain, en participant à la création du droit; de plus en plus de conflits de nature politique, comme la question du port de signes religieux à l'école en 1983 en France, sont réglés par le juge. [...]
[...] L'indépendance constitue l'un de ces critères. On considère qu'il existe deux types d'indépendance, l'une interne, l'autre externe. La première s'applique dans le cas où les membres du corps judiciaire sont libres vis-à-vis des autres membres de ce corps. Elle caractérise les pays de la Civil Law. En effet, les juges y sont recrutés selon le modèle bureaucratique : ils sont choisis par concours, l'organisation est hiérarchisée, l'avancement se fait sur la base de l'ancienneté et du mérite, et la carrière y est donc libre. [...]
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