La création du Conseil constitutionnel en 1958 inspirait cette phrase au doyen Favoreu : « L'Etat de droit est désormais complet en France ».
Spécialiste reconnu du Conseil constitutionnel, Louis Favoreu (1936-2004) a souvent été consulté sur les questions relatives à cet organisme, tant en France qu'à l'étranger. Ainsi à l'occasion du quarantième anniversaire du Conseil constitutionnel, il est l'auteur d'une contribution intitulée « la place du Conseil constitutionnel dans la Constitution de 1958 » dans laquelle il expose les motifs ayant conduit à la création du Conseil constitutionnel. Ainsi la mise en place du Conseil constitutionnel par la Constitution de 1958 apparaît au regard de l'histoire constitutionnelle et juridique française comme un véritable tournant juridique. A posteriori, la doctrine y a vu la consécration d'une hiérarchie des normes, dont les bases avaient été posées dès la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Cependant, avant la cinquième République, il n'avait jamais existé en France de juridiction dont le rôle serait de donner des interprétations de la Constitution qui s'imposent aux autres pouvoirs constitués, et notamment au Parlement (incarnation du peuple français). L'introduction de la justice constitutionnelle est donc une innovation de la Vème République destinée à pacifier la vie politique. La tradition républicaine française reposait jusqu'en 1958 sur l'idée de souveraineté parlementaire et la création du Conseil constitutionnel marque justement la volonté de rompre avec celle-ci. Michel Debré proclame d'ailleurs lors d'un discours devant le Conseil d'Etat en 1958 que la création du Conseil constitutionnel doit être perçue comme « une arme contre la déviation du régime parlementaire ». Il doit veiller à la régularité des principales élections et référendums et se prononcer sur la conformité à la Constitution des lois et de certains règlements avant leur entrée en vigueur. Il ne se situe au sommet d'aucune hiérarchie de tribunaux ni judiciaires ni administratifs : le Conseil d'État et la Cour de cassation étant respectivement au sommet des ordres administratif et judiciaire. Cependant, ses décisions s'imposent « aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles» (Art 62 de la Constitution). Le Conseil constitutionnel français a donc de fait une grande autorité sur l'ensemble des institutions françaises. Le Conseil constitutionnel a nécessairement dû s'adapter aux alternances politiques, à la construction européenne. Cependant, les constituants de 1958 (qui entendent subordonner le législateur à la Constitution) avaient une conception restrictive du rôle du Conseil et n'avaient pas l'ambition d'en faire une Cour constitutionnelle au sens plein du terme, c'est-à-dire une juridiction chargée de veiller au respect des droits et libertés, telle que la Cour Suprême des Etats-Unis.
On peut ainsi se poser la question de savoir comment s'est développé le concept de constitutionnalisme en France ?
A cet égard la France a opéré une véritable rupture avec sa tradition constitutionnelle(I) notamment avec l'apparition d'un nouvel organe constitutionnel(II).
[...] Le modèle européen se caractérise avant tout par un contrôle centralisé, c'est- à-dire relevant de la compétence d'une seule cour constitutionnelle et non de tous les tribunaux. Dans la plupart des pays, le mode privilégié d'examen de constitutionnalité est la question préjudicielle : le juge ordinaire peut saisir le juge constitutionnel s'il a un doute sur la constitutionnalité d'une loi qu'il est amené à appliquer. Malgré son nom, le modèle n'est pas universel en Europe, où plusieurs pays utilisent le système américain de contrôle diffus. [...]
[...] Michel Debré proclame d'ailleurs lors d'un discours devant le Conseil d'Etat en 1958 que la création du Conseil constitutionnel doit être perçue comme une arme contre la déviation du régime parlementaire Il doit veiller à la régularité des principales élections et référendums et se prononcer sur la conformité à la Constitution des lois et de certains règlements avant leur entrée en vigueur. Il ne se situe au sommet d'aucune hiérarchie de tribunaux ni judiciaires ni administratifs : le Conseil d'État et la Cour de cassation étant respectivement au sommet des ordres administratif et judiciaire. Cependant, ses décisions s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles» (Art 62 de la Constitution). Le Conseil constitutionnel français a donc de fait une grande autorité sur l'ensemble des institutions françaises. [...]
[...] Il traduit la rupture que provoque le principe de constitutionnalité par rapport au légicentrisme. En exigeant le respect de la Constitution pour que la loi votée exprime la volonté générale, la proclamation du 23 août 1985 laisse sous entendre que la Constitution est le texte le plus proche de la volonté générale. La formule du Conseil Constitutionnel constitue ainsi une ressource jurisprudentielle sur le fondement de laquelle le juge peut étendre son contrôle de constitutionnalité sur toutes les lois votées, au nom du constitutionnalisme. [...]
[...] Au début des années 1970 le Conseil Constitutionnel a commencé à se référer à la Constitution afin de protéger les droits et libertés individuelles. À partir d'une décision du 16 juillet 1971, par laquelle le Conseil Constitutionnel a protégé le droit d'association, la Constitution est apparue comme une norme juridique effectivement garantie, s'imposant y compris au pouvoir législatif. Elle est alors apparue comme une véritable norme juridique, de la même manière qu'aux États-Unis, la décision MARBURY vs MADISON de 1803 avait été aussi novatrice, puisqu'elle avait imposé au pouvoir exécutif, pour la première fois, le respect de la Constitution de 1787. [...]
[...] La place du Conseil constitutionnel dans la Constitution de 1958, L. Favoreu L. FAVOREU, La place du Conseil constitutionnel dans la Constitution de 1958 ( ) La justice constitutionnelle : une innovation de la Vème République. Le Conseil constitutionnel est l'incarnation d'une institution étrangère [ ] un des éléments fondamentaux des systèmes constitutionnels La création du Conseil constitutionnel en 1958 inspirait cette phrase au doyen Favoreu : L'Etat de droit est désormais complet en France Spécialiste reconnu du Conseil constitutionnel, Louis Favoreu (1936-2004) a souvent été consulté sur les questions relatives à cet organisme, tant en France qu'à l'étranger. [...]
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