Pensée juridique, époque de la Renaissance, Grotius, modernité juridique, Gutenberg, humanisme juridique, école du droit naturel moderne, droit romain, foi chrétienne, laïcisation du droit, France du XVIe siècle
Du point de vue de l'histoire de la pensée juridique, l'époque de la Renaissance correspond à l'émergence de ce qu'on peut qualifier de "modernité juridique", qui se caractérise par deux phénomènes concomitants en ce qui concerne l'Etat et le droit. Cette mutation dans les institutions correspond à une mutation dans les esprits. Ce n'est pas un hasard si cette transformation survient parallèlement à l'apparition progressive de nouveaux courants de pensée : au XVIe siècle émerge l'humanisme juridique, ses membres vont considérer le droit romain d'un oeil neuf. Au XVIIe siècle émerge l'école du droit naturel moderne, dont le pionnier est le Hollandais Grotius.
Cette progressive apparition de la modernité juridique peut se résumer ainsi : à un droit dont la référence centrale est Dieu, on passe à un droit référé à l'Homme, satisfaisant aux seules fins de la collectivité politique et de plus en plus incorporé dans un Etat souverain. La Renaissance, avant toute chose, est un mouvement culturel qui traverse toute l'Europe en partant d'Italie : les clercs et lettrés redécouvrent les textes et les oeuvres de l'Antiquité. La connaissance connaît une facilité de diffusion grâce à l'imprimerie, inventée à Mayence par l'orfèvre et artisan typographe allemand Gutenberg. S'élabore donc un nouvel idéal humain : l'humaniste est un féru de connaissances diverses, qui sait exercer une critique des textes qu'il étudie.
[...] Ces érudits participent à ce grand mouvement de redécouverte des textes juridiques de l'antiquité latine. Ces textes transitent pour la plupart par les savants grecs qui ont dû fuir Constantinople quand celle-ci tombe aux mains des Turcs en 1453. Ces écrits, comme les textes déjà connus des penseurs de l'époque, sont considérés sous un autre angle : un angle historique et profane, séparé de la lecture chrétienne que l'on en faisait avant. Cependant, ces esprits restent chrétiens, et tentent de montrer qu'il existe des lignes de convergence entre la pensée antique et la foi chrétienne. [...]
[...] Car ces droits universels sont également un legs de la théologie : ils ont comme fondement la foi chrétienne. Or la modernité qui apparaît à la Renaissance est également tributaire d'une rupture de nature religieuse. Avec l'apparition du protestantisme au XVIe siècle va se développer une remise en cause de l'autorité de l'Église et de sa légitimité. Du même coup, les chrétiens vont se diviser sur l'interprétation même de certains des dogmes les plus essentiels et les plus centraux de la foi chrétienne. [...]
[...] Conclusion : La pensée juridique à la Renaissance subit le contrecoup des Grandes Découvertes, qui ont bouleversé la vision du monde des hommes de l'époque : au décentrement géographique s'ajoute l'éclosion d'une conscience de l'historicité des cultures, à laquelle la connaissance de la Rome antique n'échappe pas Sur le plan de l'histoire de la pensée juridique, le droit romain est également impacté par ces évolutions : son rang et son utilisation changent chez les juristes, en même temps qu'un droit émerge lentement en France, articulé autour d'un droit coutumier que l'on veut le plus complet et cohérent possible, et d'une langue vernaculaire que l'on proclame officielle en 1539, le français. Les théories politiques formulées par Jean Bodin dans les Six livres de la République (1576) ne seront pas non plus étrangères à ces changements dans la pensée juridique : l'État-nation émerge et affirme sa puissance, qui est liée en particulier au pouvoir de donner et casser la loi. La maîtrise de l'État centralisé de son droit national est, pour Bodin, l'essence même de la définition de la souveraineté. [...]
[...] Cette distanciation par rapport au texte antique aura son importance dans le domaine du droit. Justement, dans ce domaine, un nombre croissant d'intellectuels pense qu'il est nécessaire de replacer l'Homme au centre du système juridique, et de lui remettre les instruments de création du droit. Cette idée correspond à un besoin qui s'affirme de plus en plus : on assiste au passage d'un système féodal d'origine médiévale (la suzeraineté) à un système caractéristique de la modernité, la souveraineté. Émerge donc une structure étatique qui s'organise sur un droit public qui lui est propre, et qui a besoin d'assurer ses propres moyens d'action. [...]
[...] Les praticiens pensent qu'une véritable loi exprime en effet l'autorité en même temps que la raison. Le rôle du droit romain reste primordial, mais les bases de son applicabilité changent : va ainsi se développer une manière spécifique aux juristes français de considérer le droit, le mos gallicus, qui s'oppose notamment au mos italicus, qui s'apparente, elle, à la manière médiévale classique de lire et d'interpréter les textes juridiques. Le mos gallicus est l'école historique française, qui considère les droits savants comme le droit romain dans leur historicité, tandis que le mos italicus, lui, restait prisé des disciples de Bartole et de Balde, qui se contentaient de reprendre et de gloser les travaux de leurs maîtres. [...]
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