Maurice Barrès, Charles Péguy, Georges Sorel, valeurs de la démocratie libérale, hostilité, nationalisme, boulangisme, affaire Dreyfus, socialisme national, antisémitisme, déterminisme, socialisme irrationnel, crise identitaire, démo-libéralisme
Trois auteurs doivent ici retenir notre attention, parce qu'ils représentent trois tendances significatives des convergences préfascistes. Il s'agit d'une part de Barrès, dont le socialisme national, au-delà du programme politique, est intéressant du point de vue des valeurs (I). Il s'agit d'autre part de Péguy, ce dreyfusard socialiste qui est le chantre d'un nationalisme émotionnel : il faut tâcher de comprendre pourquoi la Révolution nationale de Vichy a pu le brandir comme un symbole (II). Il s'agit enfin de Georges Sorel, ce syndicaliste révolutionnaire qui épouse la cause nationaliste et dont Mussolini et les fascistes italiens s'inspireront (III).
[...] Au sujet de la Ligue des patriotes, Péguy écrit naïvement qu'elle « confisque la patrie » parce que ce mouvement ne serait pas le fait d'un mouvement authentiquement populaire, mais le fait d'une « oligarchie ». Le socialisme du jeune Péguy est enfin et surtout plébéien. Ce peuple a pour vertu d'être enraciné dans une terre : il subit ce déterminisme. « De qui en grande majorité descendons-nous vraiment ? Nous descendons en grande majorité des gueux des campagnes ». Péguy lui-même nous assure : « l'homme d'il y a deux cents ou trois cents ans dont je descends en droite ligne et dont je suis peut-être une image revivante était sans doute un misérable bûcheron de la forêt ». [...]
[...] Le 18 mai 1908, Sorel publie dans le journal Le Matin un article intitulé : « Apologie de la violence ». Il y explique comment la grève est dans l'ordre du nouveau monde la projection de la guerre dans les temps passés : or pour Sorel il ne faut pas craindre cette violence guerrière, car selon une thématique qui sera proprement celle du fascisme, la violence guerrière serait apte à fonder une civilisation. Si la guerre est fondatrice de valeur et qu'elle est nécessaire à un renouvellement de la société, c'est que Sorel, comme un Barrès ou un Péguy, est foncièrement pessimiste et croit en la décadence dans la philosophie moderne guidée par la raison et l'individualisme. [...]
[...] Ainsi les hommes ne viennent pas selon lui au socialisme suite à une réflexion, mais uniquement parce qu'ils sont mus par « bonté, tendresse naturelle ». Il s'agit en effet avec le socialisme de « recommencer la simple vie ». C'est pourquoi Péguy se désintéresse par exemple totalement du programme politique de Jean Jaurès ; il soutient le futur fondateur de L'Humanité uniquement parce que celui-ci voudrait une humanité « belle et saine », ce qui serait le socialisme véritable, car entendu « au sens large du mot ». D'ailleurs aux yeux de Péguy, « l'instinct de Jaurès est de beaucoup supérieur à ses raisonnements ». [...]
[...] Sorel est en effet un farouche adversaire de Jaurès chez qui il critique vivement les références aux idéaux de la Révolution française ; pour Sorel comme pour Péguy, la Révolution française est une révolution bourgeoise et matérialiste : on ne peut rien attendre de bon de son individualisme juridique. Pour Sorel, « l'ensemble des travailleurs constitue un corps », ce corps ne peut pas se couler dans le moule de la société démocratique et libérale, qui ne suppose à sa fondation que des individus isolés. B. [...]
[...] En 1904, notamment, il héberge provisoirement aux Cahiers de la quinzaine le journal de Lagardelle Le Mouvement socialiste, qui connaît des difficultés financières. Or Lagardelle est un ennemi farouche de la démocratie depuis que Jaurès, en 1902, a décidé la participation des socialistes au pouvoir. C'est au congrès de Tours de 1902 que ce partage des eaux entre socialistes s'est opéré. Pourquoi ? Tout simplement parce que Jaurès avait fait adopter une charte selon laquelle il était prévu que le socialisme s'inscrivait dans la démocratie et dans la Déclaration des droits de l'homme ; or c'est précisément ce double héritage qu'un socialiste révolutionnaire comme Sorel récuse. [...]
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