La politique Napoléonienne des travaux publics a besoin de mesures rapides et efficaces. Mais la situation préoccupe grandement les propriétaires qui se plaignent à l'empereur des interprétations discutables de la loi de 1807 et de la violation de l'article 545 du Code civil. En 1809, ils rédigent des lettres de protestation, signées entre autres par des personnalités éminentes. C'est alors qu'émerge la controverse entre la théorie de la défense de l'intérêt public qui ne peut être qu'exclusivement administrative, généralement défendue par le corps des Ponts et chaussées, et la théorie de la propriété inviolable et sacrée, qui fut consacrée dans la l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
Napoléon, conscient de l'importance de la classe des propriétaires dans le renforcement de son régime politique, va intervenir directement. Il pense en effet qu'une procédure totalement administrative ne permet pas de sauvegarder de manière satisfaisante les intérêts des particuliers. C'est ainsi que dans sa note de Schönbrunn de 1809, l'Empereur dit qu'il « craint les abus » et qu'il aspire à faire de cette législation lacunaire et mal organisée « un tout, afin de réprimer les abus de l'administration qui, dans un empire d'une telle importance peuvent être plus fréquents » et pose deux conditions nécessaires d'après lui à la protection du droit de propriété : les formes constatant l'utilité publique doivent être définies et l'intervention du juge judiciaire pour le prononcé de l‘expropriation et l'octroi de l'indemnisation soit mise en place. Il adresse par cette note le plan de la loi de 1810 à son Conseil d'Etat, qui sera d'ailleurs très difficile à convaincre.
[...] La phase judiciaire : le contrôle par le juge du respect de la procédure Cette compétence du juge judiciaire est consacrée dès le titre 1er de la loi. Jusqu'alors, le contentieux en matière d'expropriation était confié aux Conseils de préfecture. L'article 13 du titre III précise que la procédure devant le tribunal a lieu lorsqu'il n'a pas pu y avoir convention entre les parties : le texte dit ainsi lorsqu'à défaut de convention entre les parties, l'arrêté du préfet aura été transmis au procureur impérial du tribunal d'arrondissement Ainsi, le contentieux de l'expropriation est désormais confié au juge judiciaire. [...]
[...] Le nom des propriétaires concernés doit également y figurer. On remarque d'ores et déjà une volonté d'encadrer la levée du plan des terrains devant être cédés : ils doivent être déterminés précisément. En plus de cette exigence de précision, le législateur met en place des mesures de publicité visant à favoriser l'information et donc la protection des propriétaires devant être dépossédés. Ainsi, l'article 6 dispose que les plans déterminés par les ingénieurs devront être confiés à la mairie et rester consultables par tous pendant huit jours, de façon à ce que nul ne puisse prétendre avoir ignoré les futures expropriations envisagées. [...]
[...] On voit donc s'installer dans cette dernière partie de la loi une certaine fragilité de la situation du propriétaire exproprié au moment de l'indemnisation. Or celle ci est la seule compensation qu'il a après avoir été dépossédé de son bien. Le retard dans le versement peut donc s'avérer fort préjudiciable. L'on remarque en effet que, si des circonstances particulières laissées à l'appréciation de l'administration empêchent le règlement de l'indemnité, la dépossession reste possible immédiatement. L'on voit donc se profiler une fragilité peu favorable aux propriétaires privés. [...]
[...] Le respect du contradictoire apparait désormais comme une exigence légale. Par la suite, la commission va rendre un avis et formule une opinion motivée sur le maintien du projet ou son éventuelle modification. Si les propriétaires sont satisfaits de l'issue des débats devant la commission et que les conditions posées par l'administration leur conviennent, la phase administrative peut aboutir à la cession amiable des terrains et à la signature du contrat de vente, comme le prévoit l'article 12 de la loi. C'est la résolution amiable de la procédure d'expropriation. [...]
[...] La loi de 1810, première intervention organique en matière d'expropriation, représente la tentative de trouver une solution aux problèmes qui avaient été discutés jusqu'alors. C'est avec cette loi que naît le modèle libéral de l'expropriation qui survivra jusqu'à la Première Guerre mondiale. La question qui se pose alors est celle de savoir comment la loi du 8 mars 1810 relative à la procédure d'expropriation permet elle, à travers une tentative de conciliation entre intérêts de l'administration et intérêts des propriétaires expropriés, à protéger la propriété privée. [...]
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