« Il est impossible au législateur de pourvoir à tout », c'est ce que Portalis met en relief dans son Discours préliminaire au projet de Code civil. Et pourtant, dans le système juridique français, la loi, en tant qu' « expression de la volonté générale » au travers des représentants de la nation, reste l'incontestable source créatrice du droit. Par source du droit, on entend généralement la force qui engendre le droit positif. Cependant, il convient de distinguer divers niveaux de création du droit : on peut considérer comme source du droit un élément qui influe sur la création d'une règle de droit comme la situation économique ou sociale, on peut également considérer comme source du droit subjectif tout élément générateur d'obligation. Enfin, on peut considérer les sources formelles du droit, c'est-à-dire les sources qui « président, positivement, à l'élaboration, à l'énoncé et à l'adoption d'une règle de Droit » . Nous retiendrons cette dernière définition dans le cadre de cet exposé.
Le problème qui se pose alors, puisque la loi n'a pas pour rôle de répondre à toutes les situations contentieuses en détail, est de savoir comment garantir qu'une décision de justice soit rendue dans tous les cas. C'est ici qu'interviennent la coutume en tant que « norme de droit objectif fondée sur une tradition populaire (consensus utentium) qui prête à une pratique constante un caractère juridiquement contraignant », et la jurisprudence, comprise d'abord comme l'« ensemble des décisions de justice rendues pendant une certaine période » puis comme « une solution juridique apportée à une question de droit et qui, en raison de l'autorité morale de la juridiction dont elle est issue, ou de la qualité du raisonnement juridique conduit, est reprise par les autres juridictions, ou considérée comme devant l'être. »
Et si coutume et jurisprudence participent de façon certaine au processus juridique et législatif en tant qu'influence, savoir si elles peuvent être considérées comme sources du droit au même titre que la loi, conduit à se poser la question à la fois de leur légitimité et des conséquences que cela pose dans la philosophie juridique.
Il s'agit donc en premier lieu de comprendre comment et pourquoi la coutume et la jurisprudence peuvent être à l'origine du droit, pour dégager en second lieu les éléments qui permettent de leur contester le titre de « source du droit ».
[...] Des difficultés pratiques induites par la reconnaissance de la coutume et de la jurisprudence comme des sources du droit Au-delà des considérations philosophiques, reconnaître la coutume et la jurisprudence comme des sources du droit pose des problèmes pratiques. En effet, dans les faits, toutes deux donnent naissance à des normes. Il s'agit alors de voir quelle valeur est accordée à ces normes. En ce qui concerne la jurisprudence, il existe trois contestations majeures. Toutes les décisions d'un tribunal ne font pas jurisprudence, c'est-à- dire qu'elles ne sont pas systématiquement considérées comme règles de droit à respecter. Nous l'avons vu, la norme naît d'une décision motivée, qui présente un raisonnement juridique pertinent et sur laquelle les avis s'accordent. [...]
[...] Conclusion Notre analyse l'a montré, la coutume et la jurisprudence apparaissent quant à leur apport à la création du droit à une position difficilement qualifiable. D'une part, par le biais de leurs caractéristiques respectives, elles constituent d'incontestables et considérables autorités en ce sens qu'elles influencent largement, et depuis longtemps, le contenu des normes du droit français. D'autre part, la primauté de la loi et l'exigence démocratique, fruits de l'histoire française, privent la coutume et la jurisprudence de la valeur normative autonome qui ferait d'elles des sources formelles du droit positif. [...]
[...] Ces coutumes contra legem seraient-elles donc quand même valables ? Dans un Etat de droit doté d'une Constitution écrite, le problème se pose de savoir quelle place accorder à la coutume. En effet, la Constitution française ne fait aucune référence à la coutume, ni à une quelconque valeur juridique de la coutume, tout comme le Conseil constitutionnel. Par coutume constitutionnelle, on entend l' ensemble des usages nés de la mise en pratique de la Constitution et qui en viennent à être considérés comme obligatoires Cependant, une pratique répétée de la Constitution en un même sens n'est généralement pas considérée comme étant une règle obligatoire, ce qui induirait que la coutume ne serait alors pas une source d'obligation et par conséquent ne serait pas une source de droit. [...]
[...] Mais qu'en est-il pour la coutume ? Est-il possible de s'assurer que toute personne sait à tout instant ce à quoi ses choix l'exposent par rapport au droit issu de la coutume ? En ce qui concerne sa définition, les conditions dans lesquelles s'établit une coutume sont évidemment définies de manière extrêmement vague et sont plutôt intuitives. Ces approximations inévitables sont à l'origine de débats. Par exemple, en sachant qu'une coutume naît par la répétition à long terme, combien de précédents sont nécessaires pour considérer que l'on a à faire à une coutume ? [...]
[...] En ce qui concerne la jurisprudence, une même constatation peut être faite quant à la place qu'elle a occupé et occupe dans la construction du droit. En particulier, elle est, depuis l'arrêt Blanco[4] qui marque l'affranchissement du Juge administratif par rapport aux règles de droit privé, très l'une des sources les plus importantes du droit administratif : de fait, celui-ci a été élaboré de manière essentiellement prétorienne, et plus ou moins autonome vis-à-vis du droit civil. Si leur apport respectif au droit est dans les deux cas important, il faut toutefois souligner que les processus conduisant les usages constitutifs de la coutume et les décisions de justices constitutives de la jurisprudence à devenir normes sont différents. [...]
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