« Entre Dieu, moi et la justice il n'y a point de loi ». La formule de Louis XIV est claire : la Justice était le premier attribut du roi de France. S'il en déléguait normalement l'exercice, sa nature de roi justicier, l'amenait souvent à reprendre la délégation qu'il avait consentie. Cette mission de la royauté, source de toute justice, s'affirmait même dans la formule du serment du sacre. Cette conception se reflétait dans le fonctionnement de l'appareil judiciaire : le roi s'estimait fondé à révoquer la délégation de Justice concédée aux juridictions déléguées et à l'exercer par lui-même. Les évocations symbolisent ce pouvoir immense du roi sur la modification de l'organisation de la justice.
L'évocation est l'acte par lequel une cause est transportée d'une juridiction normale à une autre juridiction, généralement des cours souveraines au conseil des parties ou aux intendants, ou d'une cour souveraine à une autre. L'évocation c'est une prise de pouvoir du roi sur le juge pour mettre fin à un litige. Le roi peut modifier à son gré l'organisation judiciaire et exercer autant qu'il le souhaite la justice retenue. Le roi dépossédait ainsi les juridictions établies en ordonnant l'évocation des procès devant son conseil : il soustrayait des affaires à leurs juges naturels. Ce mécanisme accroît évidemment la confusion des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire aux mains du roi.
[...] Le conseil des parties se prononce sur les demandes d'évocations pour cause de parenté, d'alliances ou de suspicion légitime. Saint-Simon très justement le décrit comme un tribunal établi pour juger les justices, tenir en bride et en respect les juges des premiers tribunaux, et réformer les jugements quand il y avait lieu de le faire. Le roi n'assistait en réalité jamais au conseil des parties, pourtant les arrêts mentionnent toujours Le Roi étant en son conseil Le Grand Conseil Face à la multiplication des contentieux devant le Conseil d'État, et des critiques de plus en plus virulents des cours ordinaires, le Grand Conseil est créé. [...]
[...] Si les évocations font hurler les Parlements qui les voient comme les refuges de la ruse et du calcul elles ne manquent pas de côté positif. B. Les avantages des évocations Assurer la justice face au corporatisme des cours. Les cours étaient animées d'un esprit de corps et d'une partialité très marquée : souvent les évocations étaient donc le seul moyen de pouvoir assurer la justice, et pour le roi celui de protéger la perception de certains droits. Concentrer des procédures éparses Elles permettent également de concentrer de procédures éparses et d'acheminer les affaires sensibles vers les juridictions choisies. [...]
[...] Conseil des parties parce que c'est un tribunal appelé à se prononcer entre des parties au litige, à trancher les conflits entre cours souveraines, dans des conditions assez analogues à celle de la Cour de cassation aujourd'hui ; à la nuance près qu'il lui arrive parfois de juger au fond. Ce Conseil, Conseil du roi par excellence jouit d'un grand prestige. Selon le duc de Luynes, la place de conseillers d'État est la plus grande récompense qu'un homme de robe puisse espérer. [...]
[...] Le Conseil du roi est un ancien rameau de cette Curia regis. Ses origines expliquent le lien incroyablement étroit entre le Conseil et le roi, au point de s'identifier à lui. Ces modes d'action confirment les rapports entre le roi et la justice : le roi est grand régisseur et gardien de la loi La multiplication du contentieux conduit à une spécialisation des sessions et progressivement à la formation de Conseils spécialisés. Il est difficile de les identifier précisément, car les dénominations évoluent beaucoup entre le XVI° et le XVIII° siècle. [...]
[...] Cet adage explique aussi que si le roi a feint de céder, à la suite de vives remontrances parlementaires, les évocations, il en a toujours usé. Si ces pratiques se manifestèrent dès le Moyen Âge et se développèrent avec la monarchie absolue, les chefs d'État du XIX° en emportèrent des éléments, dont le droit de grâce qui appartient toujours au Président de la République. Le mécanisme des évocations est d'autant plus important qu'au Moyen Âge, c'est davantage la juridiction par laquelle un procès est jugé que la justice de la cause qui en détermine l'issue. [...]
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