Dans quelle situation est-on dans un gouvernement des juges ? A partir de quand le juge outrepasse-t-il son rôle et s'accapare-t-il de façon illégitime le pouvoir politique ? Plus encore, la question qu'est-ce qu'un gouvernement des juges invite à la réflexion sur la figure du juge dans la démocratie. Articulant la problématique entre droit et démocratie elle pose deux problèmes fondamentaux : celui du rôle du juge et celui de la société de droit. Le juge ne doit-il être qu'une simple bouche de la loi ou peut-il être doté d'un pouvoir discrétionnaire et contribuer aux régulations des mœurs d'une société ? Le juge doit-il être « arbitre ou participant » (Bernard Manin) ? Une place accrue du juge dans l'espace public contribue-t-elle à renforcer l'Etat de Droit ou à générer un Droit sans Etat ?
[...] Les gouvernants doivent pour ce faire être dotés d'une légitimité démocratique. Les juges n'ont ni légitimité démocratique ni pouvoir d'agir ou d'édicter des normes. Ils ne sont qu'arbitres se prononçant sur des cas particuliers après avoir été saisis. L'idée d'un gouvernement des juges est donc une idée contre-nature et repose sur un oxymore. Pourtant cette expression est couramment utilisée de nos jours et se réfère à l'accroissement du pouvoir du juge et à sa maîtrise du politique autant qu'elle traduit une méfiance à l'égard d'un juge tout puissant. [...]
[...] Elle s'est renforcée avec le développement des affaires et la corruption du monde politique. Une politique saisie par le droit ? Le développement des affaires et l'apparente corruption croissante de la classe politique ont dressé l'image d'un juge qui imposerait sa force et sa loi. Les opérations Mani pulite menées en Italie et perçues comme une révolution des juges ont campé cette image d'un juge d'instruction capable de faire trembler les puissants et le monde politique. Le juge s'est peu à peu imposé comme l'autorité de contrôle de la démocratie. [...]
[...] La doctrine de la réserve judiciaire comme garant du gouvernement des juges ? Dans le modèle anglo-saxon, les juges appliquent le judicial self- restraint qui se définit comme une sorte d'autodiscipline leur évitant de faire prévaloir des opinions personnelles contraires aux précédents existants. Même si les juges sont en parties désignés par le pouvoir politique, ils ne peuvent pas s'écarter du respect de la démocratie et de la séparation des pouvoirs. En France, il semble que le Conseil Constitutionnel se soit rattaché à l'idée qu'il ne doit pas faire concurrence au législateur en imposant des principes qui n'émanent pas directement du texte. [...]
[...] Pourtant cette part croissante du pouvoir juridique ne peut-elle pas manifester une évolution positive de la démocratie. Ce qui est souvent critiqué comme gouvernement des juges, c'est l'évolution du modèle continental du juge vers un modèle plus proche de la Common Law. Or cette évolution n'est-elle pas synonyme d'un plus grand respect de l'Etat de droit et d'une nouvelle conception des rapports entre droit et démocratie ? II. Pris dans un sens plus large, le concept de gouvernement des juges incarne l'émergence de contre pouvoirs bénéfiques à la démocratie et à l'Etat de droit A. [...]
[...] Qu'est-ce qu'un gouvernement des juges ? Introduction L'image du juge dans la civilisation occidentale a été souvent teintée de méfiance et de soupçon. Aux yeux des philosophes des Lumières, la magistrature est considérée comme le bastion de l'Ancien Régime, de l'intolérance religieuse et des privilèges. Voltaire ne manquera pas ainsi de dénoncer les auteurs des supplices de Calas ou des bûchers de ses ouvrages. L'évolution qui s'est produite depuis les jours de la Révolution française et l'épisode de la codification napoléonienne ont fait prévaloir que le juge ne soit qu'un simple organe d'application des lois rompant ainsi avec la tradition de l'Ancien Régime. [...]
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