Pendant la période qui va du XIème au XIIIème siècles, le sens du mot consuetudines (coutumes), emprunté au vocabulaire juridique romain, subit une évolution marquée. Au XIème siècle, il désigne les taxes que le seigneur prélève habituellement sur ses sujets et, plus largement, les prérogatives qu'il exerce régulièrement sur eux. Puis il prend le sens de libertés ou de privilèges consentis par le pouvoir seigneurial dans les chartes de franchises accordées aux communautés d'habitants. Au XIIème siècle, les usages qui régissent les relations de droit privé, entre personnes et entre familles, portent d'abord le nom de convenances, puis elles prennent celui de coutumes : le mot désigne alors les règles de droit public et de droit privé régissant les rapports des habitants de la seigneurie avec leur seigneur et entre eux.
Pendant toute cette période, la coutume, orale et propre à la seigneurie, présente un caractère local ; elle ne s'applique que dans un ressort bien délimité, un district coutumier, celui de la seigneurie, vaste principauté ou petite châtellenie. Ce cadre variable définit les limites d'unités politiques, administratives et aussi judiciaires. La justice y est rendue par les seigneurs et leurs officiers et selon la coutume du lieu. Aux XIIème et XIIIème siècle, le droit romain connaît un renouveau qui s'inscrit dans une renaissance culturelle plus large, et notamment de la culture juridique.
[...] La nécessité de réorganiser le royaume à la fin de la guerre de Cent ans, notamment la justice, appelle des réformes hardies. L'affermissement du pouvoir royal les permet. En 1454, Charles VII promulgue l'ordonnance de Montils-les-Tours sur le fait de la justice. Pour éviter les incertitudes sur les règles à appliquer à tout litige, le roi ordonne que les coustumes, usages et stiles (les règles de procédure) de tous les pays de nostre royaume soyent rédigés et mis par escrit, accordés par les coutumiers, praticiens et gens de chacun desdits pays de notre royaume (article 125). La procédure prévue était assez lâche, laissant aux praticiens et aux représentants de la population le soin de rédiger le projet de coutume, ensuite vérifié par les agents du roi (...)
[...] Leur oralité a disparu. Leur diversité est réduite. Leur originalité est gommée. Elles s'intègrent dans un droit coutumier, cœur du droit national en voie de formation. B. Le déclin des coutumes et la naissance d'un droit coutumier La rédaction des coutumes a permis leur consolidation et leur pérennisation. Cette survie n'était pas assurée, alors que le droit romain, écrit, savant, technique, particulièrement adapté à certains besoins, notamment en matière de contrats et d'obligations, poursuivait sa pénétration de la moitié Nord de la France. [...]
[...] Elle révèle avec plus de crudité encore les défauts de certaines d'entre elles et les inconvénients de leur diversité, dans un contexte de concurrence avec d'autres sources du droit, le droit romain et les ordonnances royales. Aussi la rédaction des coutumes, qui se met en route, du XIIIème au XVème siècle a-t-elle des conséquences rapides, inattendues et considérables, dès qu'elle est menée à bien, au XVIème siècle (II). La rédaction des coutumes : un effort de plusieurs siècles Dans cette voie, les premières initiatives n'émanent pas du pouvoir royal encore faible. [...]
[...] La première vague de rédaction des coutumes : XIIIème et XIVème siècles Cette première vague de rédaction est initiée par des autorités locales. Le Midi de la France profite précocement de la reprise de l'activité économique, politique et intellectuelle des villes du Nord de l'Italie. Milan, Bologne, Gènes, Pavie exercent une influence sur la vie des villes de la vallée du Rhône et du Languedoc : Arles, Montpellier, Avignon, Valence. A l'image des villes italiennes, ces villes procèdent à la rédaction de leurs coutumes et usages. [...]
[...] Les autorités locales trainent des pieds, craignant des atteintes à leur autonomie. Seules les coutumes de Bourgogne, de Touraine et d'Anjou sont rédigées sous l'impulsion du duc, dans le premier cas (1459), et du roi, dans les deux autres (1461 et 1463). En 1498, Charles VIII met véritablement en route le processus de rédaction générale des coutumes par l'ordonnance d'Amboise. Le roi décide de fixer une procédure précise et plus directive pour cette rédaction. Il expédie à ses baillis des lettres patentes indiquant qu'ils devront établir, avec les praticiens du lieu (avocats, procureurs, greffiers), un cahier provisoire formant avant-projet. [...]
[...] Tous ces ouvrages associent à la relation de coutumes des éléments de droit romain. Le coutumier le plus remarquable, au XIIIème siècle, est l'œuvre d'un autre bailli de Saint Louis, Philippe de Beaumanoir. Ses Coutumes de la comté de Clermont-en-Beauvaisis, datées de 1283, forment un exposé complet, détaillé et approfondi, de tout le droit coutumier - public et privé - de son ressort, éclairé et corrigé par des réflexions fondées sur le droit romain. Avec Beaumanoir, les coutumes s'enrichissent des droits savants, et ceux-ci les corrigent, les infléchissent dans un sens rationnel. [...]
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