Peuple souverain, article 6 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, légicentrisme, Décrets-lois
Le célèbre Discours préliminaire à la présentation du premier projet de Code civil au vote législatif en 1804, écrit par Jean-Marie Etienne Portalis, témoigne de ce que la loi fut portée en majesté à l'issue de la période révolutionnaire. Elle était la norme émanant de la volonté du peuple souverain et exprimant sa « volonté générale » aux termes de l'article 6 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789. Elle tenait donc une place centrale parmi les sources du droit, ce dont héritèrent les IIIème et IVème Républiques françaises.
La Constitution du 4 octobre 1958, instaurant la Vème République, est à l'inverse souvent décrite comme ayant porté atteinte à ce prestige de la loi. Son article 34 définit d'abord restrictivement le domaine de la loi en rationalisant le régime parlementaire pour éviter l'instabilité parlementaire connue durant les Républiques précédentes
[...] Son article 34 définit d'abord restrictivement le domaine de la loi en rationalisant le régime parlementaire pour éviter l'instabilité parlementaire connue durant les Républiques précédentes. La Constitution consacre ensuite l'inscription de la loi au sein d'une hiérarchie des normes où elle se trouve dépassée par d'autres règles dotées d'une valeur juridique supérieure. On a pu parler, à ce titre, d'une crise de la légalité évoquant la soumission de la loi au respect d'autres normes. La notion de crise est également fréquemment employée à l'égard de la loi elle-même, entendue largement (son sens matériel) ou plus strictement (son sens formel). [...]
[...] Les suites de l'affaire Perruche ont par ailleurs illustré le pouvoir de cette jurisprudence et des sources externes du droit. Ces sources du droit ont en effet été capables, une fois leurs effets réunis, de limiter la portée rétroactive de la loi[15], pourtant expressément voulue par le législateur. Au-delà des créations jurisprudentielles suppléant la loi comme l'enrichissement sans cause ou le trouble anormal de voisinage il existe donc celles concurrençant la loi. Une autre source du droit semble également désormais concurrencer la loi. [...]
[...] C'est en ce sens qu'on peut parler d'un glissement d'une situation de fragilisation prolongée vers une fragilisation accentuée Une fragilisation prolongée La Vème République est marquée par une dégradation constante de la qualité de la loi. Elle semble résulter de la perte de son rang et de la multiplication de ses interventions. La rationalisation du régime parlementaire, initiée par la Constitution du 4 octobre 1958, apparaît en rupture face au légicentrisme hérité de la période révolutionnaire. Elle instaure, en effet, une organisation hiérarchisée au sein de laquelle la place de la loi n'est ni première, ni illimitée. [...]
[...] La crise de la loi se révèle au regard de l'affaiblissement de ses qualités de rédaction et de sa portée normative. Le contrôle du Conseil constitutionnel a permis d'identifier de nombreuses lois inaccessibles, inintelligibles et dépourvues de clarté suffisante. À partir de 1999[6], le Conseil constitutionnel a en effet censuré des lois, qualifiées de bavardes, du fait de leur défaut de normativité. La multiplication des lois mémorielles a notamment conduit le Conseil à prononcer plusieurs décisions en ce sens[7]. À l'encontre des vœux formulés par Portalis, la loi y descend dans des détails et n'y formule pas des principes féconds en droit. [...]
[...] La contractualisation de la désignation de la norme applicable devrait cependant être prolongée, par l'initiative du législateur européen. La proposition de règlement européen sur l'élaboration d'un droit commun de la vente[12] fournit à ce titre l'exemple d'une règle de droit dont l'application, rendue optionnelle, tranche avec le caractère obligatoire de la loi française. La loi française se trouve ainsi soumise, de manière accrue, à la norme internationale et aux modèles de raisonnements qui l'accompagnent. Le danger paraît en outre venir désormais des formes prises par la concurrence des sources internes du droit. [...]
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