De 1789 à 1870, une quinzaine de régimes se sont succédés, dont les plus durables n'ont pas dépassé dix-huit ans. La IIIe République marque la fin de cette instabilité. Elle va durer soixante-cinq ans. Sa longévité est due à la levée de l'hypothèque monarchiste qui pesait sur l'avenir du régime : tous les pouvoirs publics constitutionnels étant aux mains des républicains jusqu'en 1940, une lecture parlementaire des lois constitutionnelles de 1875 s'est imposée, déniant au pouvoir exécutif toute légitimité propre. C'est cette monopolisation des pouvoirs qui a permis une révision coutumière. Cette révision non écrite résultant d'une pratique constante dont aucune initiative ne permettra de sortir a été déclenchée par la crise du 16 mai 1877, puis consolidée par la Constitution Grévy en 1879.
La crise éclate suite à la démission de Jules Simon provoquée par Mac-Mahon, alors Président du Conseil soutenu par la Chambre. Le duc de Magenta préconise un régime dualiste où le Président de la République est indépendant et détient un pouvoir politique fort. Les Républicains sont au contraire favorables à un système moniste, avec la suprématie des Assemblées représentants le peuple.
Comment la crise du 16 mai a-t-elle pu si durablement modifier le régime initialement mis en place par la Constitution de 1875 ?
[...] Le Président de la République, qui n'a pas de légitimité distincte de la représentation nationale, n'a plus d'autorité politique sur le gouvernement et renonce au droit de dissolution. L'utilisation du droit de dissolution comme arme contre le Parlement a montré ses dangers pour son détenteur dans la crise du 16 mai. Désavoué par le Peuple, le Président a dû s'incliner : L'exercice du droit de dissolution n'est en effet qu'un mode de consultation suprême auprès d'un juge sans appel, et ne saurait être érigé en système de gouvernement . Le Maréchal de Mac-Mahon avoue ici son impuissance face à la volonté nationale. [...]
[...] Cette révision est révélatrice de la volonté de rompre avec tout ce qui pourrait rappeler la monarchie. La révision la plus importante est celle de 1884. Les institutions sont laïcisées, des dispositions sont prises pour éviter une Restauration : La forme républicaine du gouvernement ne peut faire l'objet d'une proposition de révision le Sénat est démocratisé : les Sénateurs inamovibles vont être progressivement remplacés par des Sénateurs élus dans les départements les plus peuplés. Cette révision confirme la tournure prise par le dénouement de la crise du 16 mai. [...]
[...] Le lendemain, dans une intervention à la Chambre, Léon Gambetta -le leader du parti républicain- réagit vivement contre la déclaration du Président : Non Elle n'est pas vraie cette phrase [ ] dans laquelle vous prétendez que vous auriez une responsabilité [ ] au-dessus de la responsabilité du Parlement, [ ] au- dessus de la responsabilité qui vous est départie et qui est déterminée par la Constitution Gambetta propose ici une vision moniste du parlementarisme, opposée à celle du Maréchal. Cet échange résume parfaitement la problématique du conflit ainsi engagé. Le maréchal de Mac-Mahon a toujours la volonté de former un gouvernement selon ces vues propres. [...]
[...] Le soir même de la démission du Maréchal de Mac-Mahon en janvier 1879, Jules Grévy est élu Président de la République. La présidence de Grévy ne correspond pas seulement à l'élection d'un nouveau chef d'Etat, c'est aussi une nouvelle Constitution. Les modifications les plus importantes sont réalisées par voie coutumière. Lors de son message d'investiture, Jules Grévy déclare : Je n'entrerai jamais en lutte contre la volonté nationale ce qui signifie que le gouvernement ne doit tenir compte que de la volonté du Parlement. [...]
[...] Ainsi, cette crise va profondément marquer la IIIe République. Après 1879, il n'y aura plus d'évolutions constitutionnelles réellement significatives. En effet, les futurs Présidents de la République auront en mémoire les événements de la crise du 16 mai 1877 et n'oseront pas tenter de bouleverser l'ordre constitutionnel. En dépit de plusieurs tentatives pour contourner sa volonté, aucun des successeurs de Mac Mahon ne parviendra à rétablir ses prérogatives constitutionnelles. Encore aujourd'hui, sous la Vème République, le Président de la République -malgré un pouvoir exécutif conforté par l'élection au suffrage universel- ne peut nommer un gouvernement qui n'aurait pas le soutien du Parlement. [...]
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