Commonitoire du Bréviaire d'Alaric adressé au comte Timothée, Préface de la loi romaine des Wisigoths (506) - Une entreprise politique majeure ?

Extraits

[...] L'essentiel du droit romain tiré des divers ouvrages (supra), bien que quasi exhaustif, ne répond pas aux nouvelles circonstances. À côté de la législation impériale s'est en effet formé un « droit romain vulgaire » (Ernst Levy), soit une adaptation du droit romain en vigueur aux usages et à la coutume barbares. Aussi, de même que la législation romaine a été adaptée aux pratiques barbares, le contenu sélectionné par les juristes travaillant sur le Bréviaire a été « interpolé » pour répondre aux attentes des Wisigoths et plus précisément gallo-romaines ayant déjà modifié le droit. [...]

[...] Alaric II, adepte de l'arianisme, rejette le dogme de la Trinité pourtant accepté par la majorité de ses sujets (supra), suscitant le mécontentement des rois voisins -notamment Clovis, roi des Francs- et la division de sa population en dépit de sa tolérance Ainsi, la promulgation du Bréviaire, en 506, appelle à s'interroger sur les motivations d'Alaric II. En deçà ou au-delà d'une présentation formelle d'une oeuvre juridique, le commonitoire du Bréviaire d'Alaric n'annonce-t-il pas plutôt une entreprise politique majeure ? Cette instruction, a priori purement formelle, précise avant tout l'utilisation d'un droit romain rationalisé, circoncise au Bréviaire En outre, une tonalité politique ferme est progressivement ressentie, si bien que le commonitoire revêt alors franchement le mode impératif visant l'affirmation de l'autorité personnelle du roi (II). I. [...]

[...] Toutefois, ce fut un échec : Clovis, en 507, avec l'aide de l'empereur d'Orient Anastase, se sert du prétexte de la conversion à l'arianisme pour déclarer la guerre au royaume wisigoth. Lors de la bataille de Vouillé, en Poitou, il dépose Alaric II et annexe un vaste territoire s'étendant de la Loire aux Pyrénées. En outre, le Bréviaire est conservé par Clovis et appliqué à l'ensemble de son territoire comme un mode de domination juridique de la population franque. En vigueur jusqu'au XIe siècle, il sera longtemps considéré comme le « modèle parfait » de codification Gicquel, in Introduction historique au droit privé et au droit public). [...]

[...] Certaines d'elles insistent sur deux points, d'après les travaux d'O. Guillot ; l'interdiction faite à quiconque d'ignorer la loi et l'absence de validité de n'importe quel acte du prince contra leges Le premier, comme le souligne Michel Rouche dans Le Bréviaire d'Alaric, aux origines du Code civil, a donné à notre société contemporaine le fameux adage « Nul n'est censé ignorer la loi », témoins de l'importance du Bréviaire d'Alaric pour tous les sujets du royaume. Le second est un principe de soumission générale du roi aux lois du Bréviaire qui, même s'il ne s'agit que d'une interprétation éparse, laisse entendre que le roi - stratégiquement politique- se soumet, comme n'importe quel sujet, aux lois du royaume (préfiguration des lois fondamentales ) : c'est encore une fois un acte d'une certaine humilité garantissant la légitimité de son pouvoir. [...]

[...] En cela, cette stratégie politique d'Alaric s'associe à celle déjà menée par Clovis dans le royaume franc. En conclusion, ce commonitoire, a priori déclaration officielle de la codification des lois romaines pour les Wisigoths, apparait au fur et à mesure comme une entreprise politique visant à asseoir la légitimité du roi Alaric II par le biais d'une stratégie opportuniste de séduction, mais aussi de participation des grands du royaume à la codification. Cette préface à la Lex romana Wisigothorum, entend affermir l'autorité d'un roi lors d'une période trouble. [...]