Capitulaire Ordinatio imperii, Louis le Pieux 817, Procope de Césarée, partage d'un Empire, Empire carolingien, unité étatique, droit du sang, régime de la personnalité des lois, loi salique germanique, romanité, tradition juridique romaine, coutume successorale, Charlemagne, catholicisme, succession impériale, droit d'aînesse, traité de Verdun de 843
"Ensuite de la mort de Théodose, qui s'était rendu si célèbre par sa justice, et par sa valeur, ses deux fils lui succédèrent. Arcadius qui était l'aîné, prit l'Orient, et Honorius l'Occident. L'Empire avait déjà été partagé de la sorte par Constantin à ses enfants", écrivait déjà au VIe siècle Procope de Césarée dans son ouvrage historique intitulé "Histoire de la guerre contre les Vandales" (533-534). Cet extrait illustre la perpétuation de l'antique tradition romaine consistant au partage équitable des terres de l'Empereur entre ses fils lorsqu'advient sa mort.
Le texte qu'il s'agit à présent de commenter a également pour sujet le partage des terres d'un Empereur en vue de sa succession future. En 817, l'empereur carolingien Louis le Pieux (778-840), unique successeur de son père Charlemagne, édicte un capitulaire intitulé Ordinatio imperii qui s'inscrit en rupture avec cette tradition romaine qui était toujours de coutume du temps du haut Moyen-âge. C'est alors la première fois qu'un texte ayant une portée normative met en place une succession sur un mode consistant à faire primer l'aîné sur ses cadets lors du partage des frères et de l'attribution des titres.
[...] C'est seulement suite au règne de Clovis que la France nait progressivement. En effet, en raison de la conquête de la Gaule, le « roi des Francs » (rex Francorum) ne règne plus seulement sur une population de Francs, mais bien plutôt sur un territoire, selon la conception romaine de l'État. La fusion des races s'opère, elle sera réalisée presque entièrement au début du IXe siècle. Ainsi, nous pouvons comprendre la mention « Capitularium regum francorum » apposée à ce capitulaire comme ne faisant déjà plus référence aux Francs, mais à la France. [...]
[...] Ce sont des ambitions novatrices qui poussent à réformer cette tradition de partage égal des terres, ambitions contenues dans un horizon presque humaniste : éviter les conflits liés à des religions divergentes, favoriser la bonne administration de l'empire et ainsi conserver une paix sereine. Le juridique est donc un domaine tout à fait essentiel à la bonne menée de ces ambitions. Néanmoins, ce renouveau juridique porté par ces nouvelles ambitions ne saura surmonter l'aspiration des hommes à la poursuite de leurs intérêts propres. [...]
[...] Il est important d'examiner les membres de ces réunions. Ici, la lecture du capitulaire révèle la présence d'une « assemblée sacrée », ainsi que d'une composante plus éclectique et populaire, dénommée « la généralité du peuple ». Cette assemblée réunissant les Grands du royaume (importantes personnes d'Eglise et aristocrates) une fois par an avait une ambition clairement politique, parfois judiciaire. Ce fonctionnement n'est pas sans rappeler celui de la basilique, lieu public au sein duquel les affaires de la cité étaient discutées sous l'antiquité grecque, puis romaine. [...]
[...] Il n'a pas non plus choisi de consulter l'assemblée, mais bien plutôt de s'en remettre à Dieu. Il nous est même relaté, sous la forme d'un récit (balbutiements juridiques), comment s'est opérée cette remise à Dieu : « c'est pourquoi nous avons pensé qu'il était nécessaire d'obtenir de lui, par des jeûnes, des prières et des largesses d'aumônes, ce que notre faiblesse n'osait pas tenter ». L'empereur fait alors référence à la faiblesse des hommes face à la grandeur divine. On peut donc constater que le plan temporel est absolument soumis au plan spirituel. [...]
[...] C'est pourquoi Louis-le-Pieux, tout en s'inscrivant dans ce renouveau de la tradition juridique romaine, souhaite néanmoins mettre fin à cette coutume successorale. En effet, il semble comprendre que ses effets sont contraires aux aspirations souhaitées pour un grand empire, entrainant dislocation du pouvoir politique, dislocation d'une communauté politique, et par là, une véritable menace pour la paix. C'est donc afin d'entériner l'existence d'un droit romanisé que Louis-le-Pieux tente d'en abolir une des caractéristiques ancestrales. En quelle mesure ce texte marque-t-il un moment charnière dans l'histoire empreinte de romanité qu'est l'histoire juridique française? [...]
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