Histoire du droit public, régime de Vichy, national-socialisme, France, projet totalitaire, résistance, fascisme, crise du pouvoir, maréchal Pétain
D'abord parce que sociologiquement, la France de 1940 ne pouvait pas vouloir un projet totalitaire du fait de la résistance qu'elle avait su opposer à l'imprégnation fasciste dans les années 30. Il y a bien eu en France, dans les dix années avant Vichy, une crise du pouvoir et de sa valeur, mais cette crise est sans commune mesure avec les modèles allemands et italiens. Certes, il y a eu en France une remise en cause dans une partie de l'opinion des conditions de fonctionnement de la République démocratique et parlementaire, mais elle est loin d'avoir eu, sur le terrain politique, l'effet connu en Italie ou en Allemagne : jamais un noyau dur et cohérent de fascisme n'a pu se constituer en France pour servir de solution de rechange le cas échéant. Il y a toujours eu en France dispersion des forces que l'on peut qualifier de fascistes : les évènements du 5 février 1934 en sont le témoignage. En effet, le "fascisme français" n'a jamais pu se structurer autour d'un parti unique qui aurait adopté un chef unique : il y a toujours eu division des partis et donc division des idées au sein même de la sensibilité fasciste française.
[...] Plus grave, étant donné l'ampleur des déportations (cf. plus de 10 000 déportés en juillet 1941 au Vélodrome d'hiver), l'antisémitisme ne peut pas être considéré comme un simple antisémitisme culturel : entre ôter des droits et ôter volontairement la vie aux gens, il y a une différence. Or, Vichy sait ce qui arrive aux juifs arrêtés et encourage même l'antisémitisme biologique notamment en appuyant la création du commissariat aux affaires juives, dirigé par Darquier de Pellepoix, et qui organise à Paris en 1941 une exposition très médiatisée intitulée « Le juif de France ». [...]
[...] Toujours est-il que Vichy est nationaliste, se veut socialiste, et pulvérise en profondeur les vertus du démo-libéralisme. La nation révolutionnaire est en effet incarnée par un chef unique disposant des pleins pouvoirs et guidant la nation en fonction d'idéaux pessimistes et irrationnels (l'attachement à la grandeur de la France immortel). Le socialisme de la Révolution nationale répond bien d'autre part à ce vieux rêve français de fondre toutes les classes au sein d'un même organisme vivant, à savoir la nation ; l'économie répond d'autre part à un souci d'auto gestion organique et communautaire avec la création des corporations de métiers. [...]
[...] L'idéologie régressive de Vichy calque bien en effet avec un pays choqué et humilié par l'invasion allemande. Idéologie régressive qui ne peut que rassurer un pays blessé, qui va donc accepter la volonté de rétablir un vieil ordre moral et la volonté de restaurer d'anciennes valeurs, d'anciens cadres (familles, corporations), d'anciennes élites (les notables, préfets en tête), d'anciennes activités (travail de la terre, artisanat). Vichy ne serait donc que la revanche d'une France rurale, catholique, traditionaliste, sur le libéralisme des grands intérêts industriels et financiers, la revanche de la France immobile sur la France ouvrière et sociale (au sens de progrès social) qu'incarnait le Front populaire de Léon Blum (jugé et condamné à la détention). [...]
[...] Il n'y a donc aucun indice qui permette de dire qu'au lendemain de la défaite de 1940 la France se soit réveillée fasciste. De 1940 à 1942, soit avant le retour de Laval et durant le projet de Révolution nationale, le régime de Vichy dans son programme et ses structures serait simplement réactionnaire et ne nourrirait pas un projet politique de type totalitaire. La différence serait grande entre la dictature maréchaliste et le fascisme. Ce dernier constitue en effet un effort d'adaptation à la société industrielle. [...]
[...] Et c'est précisément l'antisémitisme qui nous fait mettre le doigt sur l'aspect essentiel de la nature de Vichy et du fascisme en général : l'homme est-il déterminé ou est-il fondamentalement libre et rationnel ? En s'inscrivant contre le schéma anthropologique des Lumières, Vichy participe incontestablement d'une forme de fascisme à la française dont le moteur est d'avoir tenté de révolutionner la conception de la nature humaine que nous avait légué le XVIIIe siècle du point de vue philosophique, et donc d'avoir tenté de bouleverser l'héritage de 1789 qui en est la conséquence sur le plan politique. [...]
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