Michelet déclare à propos de la France du règne de Philippe le Bel qu'elle est "un légiste en cuirasse, un procureur bardé de fer ; elle emploie la force féodale à faire exécuter les sentences du droit romain et canonique" . Si cette opinion permet de constater, à posteriori, le rejet de l'influence des droits savants et des légistes sur la sphère politique au Moyen-âge, elle démontre également la force et la réalité de cette influence. Ce constat conduit à réfléchir sur le rôle tenu par les droits savants dans l'évolution des rapports de pouvoir au sein de la France médiévale.
Les droits savants peuvent êtres considérés comme un corpus cohérent de règles écrites qui se prêtent à l'étude et à l'élaboration d'une doctrine juridique, par opposition au droit coutumier, un droit oral et non unifié. Ils ont connu une renaissance au XIIe siècle du fait de l'intérêt doctrinal qui leur fut porté et par la suite, du fait de leur réception dans les divers systèmes juridiques nationaux. Les droits savants ont trois sources distinctes : le droit romain, le droit canonique, et le droit féodal savant, qui sera exclu volontairement de notre analyse. La renaissance du droit romain est due à un regain d'intérêt pour des textes délaissés à partir de la fin du XIe siècle, et à la découverte des livres du Digeste Justinien de 553 à la même époque. La somme de ces textes constituera par la suite le Corpus juris civilis. Ce renouveau du droit romain a contribué à l'essor du droit canonique, qui existe néanmoins également depuis le IVe siècle. L'essor du droit canonique s'illustre dans la compilation de sources anciennes, dont la plus connue est le Décret de Gratien (1130 et 1150), et celle de sources nouvelles, réunies notamment dans les décrétales pontificales. L'essor de la législation papale au XIIe et XIIIe siècle témoigne également du renouveau du droit canonique. L'ensemble de ces droits savants seront par la suite commentés, par les glossateurs et les décretiens, progressivement étudiés dans les universités européennes, et enfin les solutions juridiques offertes par ces droits savants seront utilisées par les juges des officialités, les magistrats, les avocats et les notaires dans leur pratique quotidienne. Les droits savants, et en particulier le droit romain, a ainsi rapidement été assimilé, d'abord par les légistes, puis par les détenteurs de l'autorité politique, à un jus commune, un droit supranational qui s'appliquerait dans le silence de la coutume. La réception des droits savants en Europe présente ainsi un enjeu politique de taille, en ce qu'elle laisse entrevoir la possibilité d'une unification juridique, dans des pays marqués institutionnellement par la féodalité, et juridiquement par une coutume atomisée et hétérogène.
[...] etc., étaient directement inspirées des droits savants. En réalité, ces règles, parfois anciennes, ont été élaborées et modifiées en fonction des événements historiques, elles ont été forgées par la pratique et n'ont été théorisées et fixées qu'entre le XIVe et le XVe siècle. Il reste que les droits savants ont eu une influence sur la fixation de ces règles, notamment en permettant de justifier théoriquement leur pratique et ainsi de les légitimer. Par exemple l'idée de la faiblesse du sexe féminin (imbecillitas sexus), a été emprunté au droit romain pour justifier le principe strict de masculinité dans la dévolution de la couronne. [...]
[...] Krynen cite ainsi Coquille qui déclare que "le droit civil romain n'est pas le droit commun de la France"[11]. Se développe alors l'idée selon laquelle chaque peuple produit un droit original, et que seule la coutume française peut-être source du droit français.L'Édit de St-Germain en Laye de 1679 démontre clairement la volonté politique de promouvoir le droit français au détriment des droits savants, il impose l'enseignement du droit français dans les facultés de droit, ces cours devant être dispensés par des professeurs royaux dotés d'un statut spécial et rémunérés par le roi. [...]
[...] Entrepris au XVe siècle, avec notamment la volonté de Charles VII que "les coustumes, usages et stiles de tous les pays de nostre royaume soyent rédigés et mis par escrit"[10], ce processus ne se réalisera pleinement qu'au XVIe siècle, la coutume de Normandie étant la dernière à passer par la rédaction en 1583. La seconde moitié du XVIe siècle fut celle de leur reformation. Cette procédure eut pour effet la modernisation et la systématisation des coutumes, mais également l'essor de la doctrine coutumière à partir du début du XVIe siècle. La seconde source du droit français fut celle de la législation royale, qui connut de grands progrès au XVIe et au XVIIe siècle. [...]
[...] Le terme exercice vient du latin classique exercitium et est dérivé de exercere, et désigne le fait de pratiquer une activité, ou un métier. Le terme politique, latin politicus, et de la famille du grec polis, la cité, peut être défini comme ce qui relève de l'organisation et de l'exercice du pouvoir au sein d'une société. L'exercice des droits savants en politique pourra donc être perçu comme la mise en pratique des concepts, modèles, règles et techniques des droits savants dans le domaine des rapports de pouvoir politique. [...]
[...] La naissance de l'État monarchique est ainsi due en partie à l'exercice des droits savants en politique, en particulier par l'oeuvre des juristes. L'unification juridique et la nationalisation du droit, dernière étape de la mise en place d'un état de droit, vont également passer par une utilisation des droits savants. La nationalisation du droit privé, un rejet officiel qui masque une persistance des droits savants La dernière étape de l'édification de l'État français réside dans la nationalisation et l'unification de son droit privé, processus qui ne sera réellement achevé qu'avec les grandes codifications napoléoniennes. [...]
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