La morale chrétienne fut appelée à jouer un rôle fondamental dans l'élaboration de la théorie du contrat. Pour les hommes du Moyen Âge aussi fidèles à Saint Augustin qu'à Aristote, le libre arbitre consiste à faire le bien et à éviter le mal. Ce que l'on exprime négativement en opposant toujours nécessité et volonté : on peut obliger l'homme à faire quelque chose, on ne peut pas l'obliger à le vouloir. La contrainte ou la violence sont exclusives de la volonté.
Cette volonté doit être délibération rationnelle ; mais elle est aussi intention ; et c'est la qualification morale de l'intention qui détermine la qualification de l'acte : l'intention doit être jugée par la fin poursuivie et par sa rectitude morale.
De tels principes étaient directement applicables au droit. Ils permettent en tous cas d'ordonner l'apport du droit canonique au contrat autour de quelques idées :
1° - Le respect de la promesse, mais aussi la liberté nécessaire au contrat quand la volonté est contrainte ou viciée 2° - La raison qui justifie l'acte par son but ; qui suppose que la volonté ait une cause mais aussi que l'accomplissement de cette volonté n'aboutisse pas à une chose déraisonnable au cas de changements imprévisibles des conditions économiques, par exemple. 3° - La morale qui permet de scruter l'intention des contractants : dans son but et dans son objet, mais qui concerne aussi l'exécution du contrat. Le contrat ne peut devenir un lien d'iniquité, en permettant à l'une des parties d'abuser de l'autre ; l'exécution de la promesse ne peut mettre en péril l'âme du promettant. (Ourliac et de Malafosse, Obligations, p. 76 s)
C'est sur ces bases morales que la société médiévale élabore une théorie commune du contrat en Europe que nous allons envisager dans le présent titre. Par rapport au plan annoncé, le premier chapitre a dû être dédoublé pour des raisons liées au trop grand nombre de subdivisions.
[...] Comme la parole du chrétien doit être conforme à la vérité, le fait de promettre et de ne pas tenir sa parole est un mensonge réprouvé par l'Ancien et le Nouveau Testament. Le principe absolu ici est qu'il faut respecter sa parole et ses engagements. Les théologiens parlent des péchés de la langue et parmi ceux-ci, du mensonge qu'on assimile au parjure et au faux serment.
Le texte de base est le Sermon sur la montagne (Mt., V, 34-37) : le Christ y recommande à ses disciples de ne pas jurer et de se contenter de dire oui ou non (...)
Sommaire
Introduction
Chapitre 1. Les conditions de validité du contrat : le triomphe du consensualisme
Section 1. L'affirmation du consentement des parties
§ 1. Le principe : Solus consensus obligat
A. Le dégagement du principe par les juristes savants 1. L'apport majeur des canonistes 2. La résistance des romanistes 3. Le remède provisoire du serment 4. La concorde des droits savants B. La pratique 1. Les convenentia 2. Un exemple d'application du principe devant le Parlement de Paris
§ 2. Les cocontractants
A. Capacité d'exercice 1. Les aliénés 2. L'enfant 3. Le mineur de 25 ans 4. La femme 5. Les religieux 6. Les personnes morales B. La représentation 1. La représentation dans les droits savants 2. Dans la pratique française
§ 3. Les vices du consentement
A. Le dol 1. La doctrine du dol 2. La pratique B. La violence (metus) 1. La violence dans les droits savants 2. La pratique C. L'erreur 1. L'erreur de droit 2. L'erreur de fait D. La lésion 1. Théorie de la lésion 2. La pratique
Section 2. La subsistance des formes et les questions de preuve
§ 1. Dans les droits savants
A. La rencontre des volontés B. La question spécifique des arrhes C. Les écrits
§ 2. Les résistances de la pratique
A. Des gesta municipalia aux oeuvres de loi B. La pratique du Parlement de Paris 1. Convenances sans lettres 2. La pratique des obligations par lettres devant le Parlement de Paris C. L'accentuation du formalisme à partir du XVIe siècle
Chapitre 2. Les conditions de validité du contrat : l'objet et la cause
Section 1. L'objet
§ 1. Les caractères de l'objet dans le jus commune
A. Objet certain B. Objet possible C. Objet licite 1. La notion de bonnes moeurs 2. La notion d'ordre public
§ 2. Les caractères de l'objet dans la pratique coutumière française
A. Objet certain B. Objet possible C. Objet licite 1. Sur les bonnes moeurs 2. Sur l'ordre public
Section 2. La cause
§ 1. La cause dans les droits savants
A. L'héritage romain 1. La cause est seulement la cause efficiente 2. Le motif immoral ou illicite B. L'oeuvre des juristes médiévaux 1. La cause, partie du consentement 2. Caractères de la cause
§ 2. La pratique du Parlement de Paris
A. Existence de la cause B. Caractères de la cause 1. Illicéité 2. Immoralité
Chapitre 3. L'ordre public : l'exemple de la réglementation de « l'usure »
Section 1. L'interdiction de l'usure lucratoire dans le prêt
§ 1. Doctrine et droit canoniques
A. Avant le XIIe siècle B. Après le XIIe siècle
§ 2. L'apport du droit séculier
A. La prohibition B. Les dérogations 1. Les Juifs 2. Les Lombards
Section 2. L'usure compensatoire
§ 1. Doctrine en jus commune
§ 2. L'apport de la pratique
A. Les intérêts moratoires 1. Règlement par l'office du juge 2. La clause pénale. Renvoi
B. Contrats comportant des intérêts 1. Prêts susceptibles d'intérêts 2. Contrats commerciaux 3. Le commerce de l'argent
Chapitre 4. La force obligatoire des contrats
Section 1. À l'égard des contractants : pacta sunt servanda
§ 1. La bonne foi
A. Précédents romains 1. Principe 2. Applications B. En jus commune 1. Principe 2. Application : la clausula rebus sic stantibus
§ 2. La résolution pour inexécution
A. Les précédents romains 1. Pas de résolution légale 2. Résolution conventionnelle B. Origine canonique de la théorie de la résolution 1. Frangenti fidem fides frangatur eidem : la conception pénale de la résolution 2. Si fides servetur : la conception contractuelle de la résolution 3. La construction canonique 3. Apport de Bartole 4. Charles Dumoulin 5. La pratique française
Section 2. À l'égard des tiers
§ 1. Stipulation pour autrui
A. Droits savants B. Droit statutaire et coutumier
§ 2. Promesse pour autrui
A. Droits savants B. Droit coutumier français
Chapitre V. L'exécution des contrats
Section 1. L'exécution volontaire
§ 1. Le paiement
A. L'auteur du paiement 1. En droit savant 2. Dans la pratique coutumière B. Temps et lieu du paiement 1. Dans les droits savants 2. La pratique C. L'objet du paiement 1. Dans les droits savants 2. Pratique française D. La question spécifique de la monnaie de paiement 1. En droit commun 2. Dans la pratique E. La preuve du paiement 1. En droit commun 2. Dans la pratique
§ 2. La dation en paiement
A. En droit savant B. La pratique
Section 2. L'inexécution du contrat
§ 1. Le retard dans l'exécution
A. En droit romain 1. La mise en demeure du débiteur (mora debitoris) 2. La mise en demeure du créancier (mora creditoris) B. En jus commune
§ 2. L'impossibilité dans l'exécution : la responsabilité contractuelle
A. Conditions de la responsabilité 1. La faute 2. Le dommage B. Mise en oeuvre de la responsabilité 1. Fixation judiciaire des dommages-intérêts 2. La clause pénale
Bibliographie
Introduction
Chapitre 1. Les conditions de validité du contrat : le triomphe du consensualisme
Section 1. L'affirmation du consentement des parties
§ 1. Le principe : Solus consensus obligat
A. Le dégagement du principe par les juristes savants 1. L'apport majeur des canonistes 2. La résistance des romanistes 3. Le remède provisoire du serment 4. La concorde des droits savants B. La pratique 1. Les convenentia 2. Un exemple d'application du principe devant le Parlement de Paris
§ 2. Les cocontractants
A. Capacité d'exercice 1. Les aliénés 2. L'enfant 3. Le mineur de 25 ans 4. La femme 5. Les religieux 6. Les personnes morales B. La représentation 1. La représentation dans les droits savants 2. Dans la pratique française
§ 3. Les vices du consentement
A. Le dol 1. La doctrine du dol 2. La pratique B. La violence (metus) 1. La violence dans les droits savants 2. La pratique C. L'erreur 1. L'erreur de droit 2. L'erreur de fait D. La lésion 1. Théorie de la lésion 2. La pratique
Section 2. La subsistance des formes et les questions de preuve
§ 1. Dans les droits savants
A. La rencontre des volontés B. La question spécifique des arrhes C. Les écrits
§ 2. Les résistances de la pratique
A. Des gesta municipalia aux oeuvres de loi B. La pratique du Parlement de Paris 1. Convenances sans lettres 2. La pratique des obligations par lettres devant le Parlement de Paris C. L'accentuation du formalisme à partir du XVIe siècle
Chapitre 2. Les conditions de validité du contrat : l'objet et la cause
Section 1. L'objet
§ 1. Les caractères de l'objet dans le jus commune
A. Objet certain B. Objet possible C. Objet licite 1. La notion de bonnes moeurs 2. La notion d'ordre public
§ 2. Les caractères de l'objet dans la pratique coutumière française
A. Objet certain B. Objet possible C. Objet licite 1. Sur les bonnes moeurs 2. Sur l'ordre public
Section 2. La cause
§ 1. La cause dans les droits savants
A. L'héritage romain 1. La cause est seulement la cause efficiente 2. Le motif immoral ou illicite B. L'oeuvre des juristes médiévaux 1. La cause, partie du consentement 2. Caractères de la cause
§ 2. La pratique du Parlement de Paris
A. Existence de la cause B. Caractères de la cause 1. Illicéité 2. Immoralité
Chapitre 3. L'ordre public : l'exemple de la réglementation de « l'usure »
Section 1. L'interdiction de l'usure lucratoire dans le prêt
§ 1. Doctrine et droit canoniques
A. Avant le XIIe siècle B. Après le XIIe siècle
§ 2. L'apport du droit séculier
A. La prohibition B. Les dérogations 1. Les Juifs 2. Les Lombards
Section 2. L'usure compensatoire
§ 1. Doctrine en jus commune
§ 2. L'apport de la pratique
A. Les intérêts moratoires 1. Règlement par l'office du juge 2. La clause pénale. Renvoi
B. Contrats comportant des intérêts 1. Prêts susceptibles d'intérêts 2. Contrats commerciaux 3. Le commerce de l'argent
Chapitre 4. La force obligatoire des contrats
Section 1. À l'égard des contractants : pacta sunt servanda
§ 1. La bonne foi
A. Précédents romains 1. Principe 2. Applications B. En jus commune 1. Principe 2. Application : la clausula rebus sic stantibus
§ 2. La résolution pour inexécution
A. Les précédents romains 1. Pas de résolution légale 2. Résolution conventionnelle B. Origine canonique de la théorie de la résolution 1. Frangenti fidem fides frangatur eidem : la conception pénale de la résolution 2. Si fides servetur : la conception contractuelle de la résolution 3. La construction canonique 3. Apport de Bartole 4. Charles Dumoulin 5. La pratique française
Section 2. À l'égard des tiers
§ 1. Stipulation pour autrui
A. Droits savants B. Droit statutaire et coutumier
§ 2. Promesse pour autrui
A. Droits savants B. Droit coutumier français
Chapitre V. L'exécution des contrats
Section 1. L'exécution volontaire
§ 1. Le paiement
A. L'auteur du paiement 1. En droit savant 2. Dans la pratique coutumière B. Temps et lieu du paiement 1. Dans les droits savants 2. La pratique C. L'objet du paiement 1. Dans les droits savants 2. Pratique française D. La question spécifique de la monnaie de paiement 1. En droit commun 2. Dans la pratique E. La preuve du paiement 1. En droit commun 2. Dans la pratique
§ 2. La dation en paiement
A. En droit savant B. La pratique
Section 2. L'inexécution du contrat
§ 1. Le retard dans l'exécution
A. En droit romain 1. La mise en demeure du débiteur (mora debitoris) 2. La mise en demeure du créancier (mora creditoris) B. En jus commune
§ 2. L'impossibilité dans l'exécution : la responsabilité contractuelle
A. Conditions de la responsabilité 1. La faute 2. Le dommage B. Mise en oeuvre de la responsabilité 1. Fixation judiciaire des dommages-intérêts 2. La clause pénale
Bibliographie
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Extraits
[...] - La morale qui permet de scruter l'intention des contractants : dans son but et dans son objet, mais qui concerne aussi l'exécution du contrat. Le contrat ne peut devenir un lien d'iniquité, en permettant à l'une des parties d'abuser de l'autre ; l'exécution de la promesse ne peut mettre en péril l'âme du promettant. (Ourliac et de Malafosse, Obligations, p C'est sur ces bases morales que la société médiévale élabore une théorie commune du contrat en Europe que nous allons envisager dans le présent titre. [...]
[...] Il n'est pas nécessaire qu'il puisse faire l'objet d'une stipulation principale valable. Ainsi, on peut valider, au moyen d'une stipulatio poenae, une stipulation pour autrui, nulle en soi. - En cas d'inexécution partielle, la poena n'en est pas moins encourue pour le tout, à raison du caractère indivisible de la condition. - La poena est due à l'arrivée du terme, sans qu'il soit besoin d'une mise en demeure. Car la condition est accomplie dès lors que le terme est arrivé. [...]
[...] S'agissant plus spécialement du contrat innommé, ils estimaient que l'exécution ne crée pas le contrat, mais fait naître l'action. Les commentateurs admettaient toutefois que si le pacte nu ne conférait aucune action, il pouvait conférer une exception et même une obligation naturelle. C'est ainsi que Pierre de Belleperche rattache cette solution à la raison naturelle une raison qui impose de respecter les pactes. Dans cette attitude conservatrice il faut prendre en compte le fait que le droit romain se préoccupe non des droits en eux-mêmes, mais des actions qui les sanctionnent. [...]
[...] 29) que le mot qualifie d'abord le rachat amiable, par celui qui a blessé autrui, du droit de poursuite de ce dernier, puis la renonciation informelle à poursuivre en justice l'exécution d'une prestation quelconque Mais plus généralement le pacte est l'engagement informel dépourvu par lui-même de sanctions juridiques, comme le rappellent Celsus, Julianus et Ulpianus Pourtant, au fil des siècles, la défense de rapports dignes de considération a pu être assurée par des actiones un factum prétoriennes ; c'est le cas des simples pactes qui, s'ils sont nus c'est-à-dire dépourvus d'actions ne lient pas les parties. Nous avons vu qu'il y avait toutefois des exceptions pour certains pactes particuliers, les pactes adjoints à un autre contrat. Le mot pacte va être maintenant entendu non seulement au sens de pacte nu, mais au sens de contrat. Il va équivaloir à présent à la stipulation. Huguccio renverse la formule romaine en disant que tout pacte engendre une action. Ex nudo pacto actio non nascitur devient ex nudo pacto actio oritur. [...]
[...] Pour Bartole la cause finale doit seule être prise en considération. La cause impulsive n'a aucune valeur juridique ; elle est constituée dans les contrats bilatéraux par la contre-prestation attendue à l'exclusion du motif subjectif. Son inexécution permettra d'anéantir le contrat lorsqu'elle est telle que le créancier n'eût pas contracté sans l'exécution attendue. Si l'inexécution n'a pas une telle importance, soit parce qu'elle est partielle, soit parce que l'obligation qu'elle frappe que un caractère accessoire, la résolution ne pourra être demandée. [...]